Dans l’affaire du financement de la campagne Sarkozy 2007, le risque de corruption est certes préoccupant, la collusion avec un dictateur est désolante. Mais c’est bien pire.
C’est le vote démocratique qui a été perverti.
Ces 5 ou 6,5 ou 50 millions d’argent clandestin, à qui sont-ils allés ?
Pour influencer la campagne de quelle façon ?
Ce ne sont pas les 50 ou 200 € touchés par quelques dizaines de permanents UMP, qui ont pu consommer ne serait-ce qu’1% de cette somme. Où sont les 99% ?
S’il s’agissait d’un autre pays, les États-Unis par exemple, ne serions-nous pas catastrophés pour leur démocratie ? N’encouragerions-nous pas leurs citoyens à descendre dans la rue et à réclamer que les résultats d’un vote aussi largement faussé, soient annulés ?
Il me semble évident qu’un budget clandestin de l’ordre de 25% en plus, peut suffire à gagner 2% des voix.
- Parce que cela permet de faire des plus gros meetings, qui sont plus répercutés dans les médias, et donnent à l’électeur l’impression que l’enthousiasme est dans votre camp, que vous avez du “charisme”.
- Ou parce que ça permet de faire du marketing ciblé auprès des hésitants.
- Ou parce que ça permet de brosser les médias dans le sens du poil, et d’obtenir que le visage du candidat présenté au public soit plus avenant…
- etc.
Exemple plus récent : combien je rencontre de gens qui me disent “j’aurais bien voté (en 2017) pour Jean Lassalle, mais je ne savais pas très bien ce qu’il pensait” ou “mais je n’ai entendu parler de lui qu’à la fin” ou “je comprenais mal ce qu’il disait”, etc. ; ça me semble plausible qu’en multipliant son budget de campagne par 20, avec 5,2 M€ au lieu de 250 k€, il aurait eu une chance de se faire connaître (du grand public) avant les 4 dernières semaines, et d’obtenir, par exemple, 3,2% des voix au lieu de 1,2%. Pas certain, mais très très plausible.
Si l’argent n’avait aucun effet sur les choix des gens, les écrans de pub disparaîtraient, le placement de produits dans les films aussi, le sponsoring pareil, et les médias souffriraient.
En démocratie, l’électeur est souverain. Nous sommes souverains. Mais ceux qui ont le pouvoir de décider de l’information que l’électeur recevra pour se prononcer, ceux qui choisissent qui ils nous montrent et qui ils nous cachent, ne sont-ils pas plus souverains que nous ?
Sur le même sujet : Le temps du choix, et les contretemps du non-choix ; Mon voeu pour 2017 : Président Lassalle ; Bygmalion, Lavrilleux, Millot, de Carolis, Sarkozy et moi (et encore moi) ; Publier les résultats bruts des sondages. (billet d’avant 2008, lien mort)
Ce serait intéressant de connaître la proportion des électeurs qui sont influencés par l'apparat, le clinquant, et la lourdeur des "gros meetings". Et leur orientation politique et leur niveau culturel. D'un autre côté, N.Sarkozy jouait sur son énergie, ce qui amenait à des mises en scène assez lourdes.
En 2007, comme en 2012 et 2017, le problème était surtout l'attitude schématique ou carrément bornée des médias. L'annonce d'un duel Sarkozy-Royal, d'un changement de génération, mais sans traiter du fond des programmes. (Sarkozy on connaissait ses idées, mais il rajoutait des tonnes de promesses, comme la fiscalité écologique, sans être mis en difficultés par les journalistes. Royal c'était le flou intégral).
Là dessus, Bayrou arrive à survivre à 7-8% (comment? par ses idées distillées auprès de médias bien ciblés? par sa stratégie Web?) . C'est sa résistance qui attire l'attention des observateurs, puis des votants .
Pour Lassalle en 2017, il se distingue de la masse des petits candidats sans signature (ex: A.Jardin) assez tard. Par sûr qu'avec plus d'argent cela aurait mieux marché, tant il était tard pour retourner les votants, déjà ciblés par le "vote utile". Mais cela aurait pu permettre de créer des meetings secondaires avec des soutiens etc . (le problème de J.Lassalle étant tout de même qu'on avait vraiment aucune idée sur ses ministres potentiels ..)
Il doit y avoir des moyens de faire des campagnes en profondeur par Internet, en passant par des réseaux sociaux divers: Facebook, LinkedIn/Microsoft .. mais on emploie des outils essentiellement américains.
Wikipedia est beaucoup plus international et très peu couteux. Il faut accepter la fameuse "NPOV" et c'est un sport de combat. Mais il doit y avoir moyen d'informer sérieusement les votants. Par ex, cela peut-être porteur de le faire dans les langues régionales, et de manière plus structurée que ce qui existe ( https://oc.wikipedia.org/wiki/Joan_... )
@ XS : merci pour cette discussion ; concernant Jean Lassalle je parle bien d'argent qui aurait été présent *avant* les 4 dernières semaines. Qui aurait permis de louer un bureau, d'indemniser les déplacements ou repas des bénévoles qui venaient téléphoner aux Maires pour les parrainages, de répondre aux demandes d'interviews des petits médias (car les grands l'ignoraient ou le boycottaient), de se déplacer dans les régions y compris l'outre-mer (et avec une équipe, dont un·e attaché·e de presse et une personne pour filmer !), etc., toutes choses dont Jean Lassalle a dû se passer jusqu'aux dernières semaines.
Pour 2007, j'avais posté quelques souvenirs qui n'épuisent pas le sujet : sur la fin de campagne plutôt, http://demsf.free.fr/C1749692591/E2... (les pages mettent longtemps à se charger) ; http://demsf.free.fr/index.php?post... ; sur la période de janvier à septembre 2006 et surtout septembre : http://www.lemonde.fr/societe/artic...
Entièrement en phase avec l'article et le suivant !
Voir aussi:
http://www.liberation.fr/politiques...
https://www.franceculture.fr/droit-...
Jérome Lavrilleux parle, et cela explique bien des choses.
Dans une campagne électorale, c'est normal de payer le restaurant ou les dépenses de transports des militants qui travaillent, un peu comme le ferait une entreprise commerciale ou une association. J'imagine que cela a pu manquer à votre équipe Jean Lassalle en 2017.
Avoir un système de primes en liquide comme l'UMP en 2007 ou 2012 n'est pas acceptable.