Notre société (humaine) est gagnée, depuis quelques années, par un retour du déni du changement climatique (ou de son origine humaine).

Ce billet n’est pas consacré à répéter l’évidence du réchauffement climatique, ni à démontrer qu’il est d’origine humaine : c’est de la très vieille science, accessible à des enfants du primaire, et j’en ai déjà pas mal parlé (compilation ici, le bicentenaire de la découverte de l’effet de serre c’est l’an prochain). Dire que l’activité industrielle et matérielle de l’humanité réchauffe très rapidement la planète (et avec une inertie : la planète continuera à se réchauffer à cause de l’activité passée de l’humanité), c’est dire vrai.

Ce billet est consacré à : “Pourquoi ce retour du déni ? A-t-il une signification juste ?”

Quand des amis ou correspondants-twitter, etc., me sortent des arguments (tous dérisoires ou honteux d’un point de vue scientifique, intellectuel) pour nier l’importance du réchauffement, ou nier son origine humaine, la discussion aboutit rapidement, dans mon expérience, à ce qu’ils disent l’une des choses suivantes, qui se ressemblent :

  • Ce sont les écolos qui répètent ce que dit le GIEC et les écolos sont cons (pour telle ou telle autre raison ; par exemple, ils n’aiment pas le nucléaire, cette exception française que le monde aurait mieux fait de nous envier).
  • Arrêtez, les moutons, avec votre morale de châtrés ! Vous allez demander à l’ONU le droit d’aller pisser ? Moi je prendrai ma voiture pour aller à la montagne si ça me chante.
  • Répéter ce que dit le GIEC est anxiogène, rend malheureux, voire pousse au suicide, c’est mauvais.

Et pour le coup, ces trois arguments-là, ils m’ont l’air assez solides.

Inversement, voici un discours “climato-conforme” que j’entends en boucle (encore hier, de la part d’un journaliste sur sur je ne sais quelle chaîne de télé) : “Le réchauffement climatique est un défi pour toute l’humanité. Nous devons immédiatement sortir des énergies fossiles pour arrêter ça”.

Vous noterez comme moi que :

  • sortir des énergies fossiles” est une abstraction, comme “changer de comportement” ou “de modèle économique” : soit ça veut dire “réduire progressivement, autant que possible, les usages du charbon et du pétrole”, et dans ce cas c’est (commençant en 2023) quasiment sans effet sur le changement climatique futur, donc ça ne répond pas au “défi” ; soit ça veut dire “l’humanité arrête demain tout usage d’énergie fossile”, et la personne qui dirait ça n’a pas la moindre idée de ce qui rendrait possible cet arrêt instantané.
  • et donc, “sortir des énergies fossiles” (ou “changer de comportement” ou “de modèle économique”) sont juste des incantations religieuses pour se classer dans le bon camp, celui des croyants à la vérité scientifique, conscients des tragédies qui attendent l’humanité, peut-être même empathiques avec les futures victimes et avec les éco-anxieux d’aujourd’hui.

Un truc me sidère : l’Humanité a changé de comportement à un point que personne (pas moi en tout cas) n’imaginait possible. Pendant des semaines de 2020, elle s’est confinée à domicile. Le nombre de voyageurs dans les trains franciliens a été, je crois, divisé par 20. C’est pas du +2% ou -20% ; divisé par 20. Les émissions de gaz à effet de serre n’ont presque pas changé : -17% au plan mondial pendant le confinement. Un effet microscopique sur le réchauffement.

Je suis donc d’accord pour mettre en doute la cohérence des écologistes, et la mienne en premier lieu. Pour respecter la neutralité carbone, personne ne devrait vivre dans plus de 15 m2 par personne (et on devrait arrêter de construire). Mon ménage vit à 3 dans nettement plus de 45 m2. Personne ne devrait parcourir plus de 3000 km par an, quel que soit le moyen de transport “fossile”. Je fais un peu plus, et la moyenne dans mon ménage est très supérieure.

Avoir “fortement réduit ma consommation de viande”, prendre mon vélo pour aller à la gare, et bien sûr trier, je le fais, c’est gentil et ça me classe peut-être dans les gentils, mais la Terre brûlera quand même.

Et même, on a pris l’avion pour aller voir un enfant qui vivait à l’étranger ; et même pour aller en voir un autre à Londres, qui s’était blessé, il n’y avait plus de place dans l’Eurostar. Tant pis pour l’Humanité de 2050, elle est un peu lointaine, là c’est une personne proche, et ça suffit à justifier de mettre entre parenthèses le défi climatique.

Et même, ma voiture est GPL : c’est non-polluant et émet peut-être un peu moins de CO2 - mais un peu seulement.

Et, pour le troisième argument : si, en répétant à quelqu’un ce que dit le GIEC (ou les vérités premières, niveau primaire, du changement climatique), mes paroles poussent cette personne au suicide,… mieux vaut que je me taise. Voire, que je laisse cette personne raconter des conneries : si ces conneries la maintiennent en vie, elles ne sont pas si connes.

La Terre n’est pas un but. Pas une déesse. Pas un absolu. Elle est magnifique, bouleversante, mais il y en a peut-être d’autres dans l’Univers plus belles encore — juste, hors de portée de nous. Ce que nous pouvons servir, la seule chose qui compte, c’est l’humanité — en nous, et au-delà de nous.

L’Humanité fait face à un défi, annoncé depuis des décennies voire des siècles, mais qu’elle n’est pas capable d’éviter. La Terre est en train d’être bouleversée, va l’être de plus en plus. Comme une maison se déforme, se fend, penche après un tremblement de terre.

Dans ce bouleversement, nous pouvons, nous pourrons, rester humains. Ou le devenir plus. Et bien agir.