Lors de la première campagne présidentielle de Barack Obama (et ensuite pendant sa présidence), les multiples rumeurs contre lui ou sa famille avaient conduit son équipe à créer sur son site une rubrique dédiée, une sorte de FAQ, “Fight the smears” (Lutter contre les calomnies). J’étais admiratif, et aurais apprécié que les mouvements politiques pour lesquelles je militais l’imitent. Nous étions au centre, et donc entre deux feux, le déluge du baratin de gauche pour nous prétendre “de droite” et la grosse artillerie de la droite pour nous dénoncer comme traîtres à la cause et complices de l’anti-France.

J’ai moi-même publié des tombereaux de billets de blog, de posts de forums, puis de tweets et de fils twitter, prétendant pulvériser des calomnies et rétablir des faits.

Dans la vraie vie même — je me souviens de cette manifestation où j’accompagnais une personnalité politique. Une jeune manifestante l’aborde en criant contre elle des accusations de nature criminelle. La personnalité ne répond pas, ou brièvement, je ne sais plus, et s’en va tristement. Je m’adresse à la jeune manifestante, aussi calmement et amicalement que possible : “personne n’a jamais porté de telles accusations : si vous vous basez seulement sur votre opinion, c’est de la diffamation, c’est dommage de se comporter ainsi”. La manifestante s’en va plus furieuse encore en répétant la même accusation.

Évidemment ma réaction était stupide. Que savais-je de ce que cette manifestante avait vécu, et de ce qui la conduisait à injurier et calomnier, non sans doute, de son point de vue, une personne réelle, mais une personnalité, une personne publique, un nom ?

Quinze ans après la campagne Obama, les “debunkings” se sont multipliés dans les médias, souvent formels, souvent faux ou lacunaires.

Il est certes justifié d’être formel sur l’élément mis en avant par un tiers pour appuyer sa thèse : “il s’agit bien d’un fait réel, vérifié”, ou : “cet élément est un mensonge, ce prétendu fait n’est pas arrivé”.

Il est beaucoup plus délicat d’être formel sur la conclusion qu’en tire le tiers. S’il prétend que les Neptuniens sont partout sur Terre, à vrai dire c’est possible.

Dans le cas du Covid (de son origine, mais aussi et surtout des premières affirmations sur l’hydroxychloroquine), j’avais trouvé, dans des articles de grande presse ou presse scientifique qui attaquaient le Pr Raoult, jusqu’à 50 erreurs ou affirmations très tendancieuses (50 dans un même article !).

Les auteurs et éditeurs de ces articles étaient sans doute convaincus que le Pr Raoult truquait ce qu’il présentait (et depuis, cette conviction s’est avérée justifiée au-delà même de ce qu’ils affirmaient). Mais cette conviction semblait les dispenser de tout regard autocritique. Ciblant le mensonge, ils faisaient flèche de tout bois, même mensonger.

Avec le temps, j’ai appris (spécialement en observant Jean Lassalle se comporter avec ses interlocutrices et interlocuteurs) qu’il y a du vrai et de l’important dans les discours farfelus ou complotistes, et qu’il faut donc les écouter avec respect et attention : car ils disent beaucoup de celles et ceux qui les tiennent, de ce qu’ils vivent, de la contradiction violente qu’ils éprouvent entre leur expérience et une doxa, ce qu’ils perçoivent comme un discours officiel, et qui est au moins la répétition des messages en miroir, en écho, d’un média à l’autre.

J’avais usé et abusé du débunking comme arme polémique (“vous mentez sur les faits, donc vous ne méritez pas confiance”).

Je m’en suis lassé. Peut-être à tort, peut-être parce que ça marche peu, peut-être aussi parce que ça vexe inutilement celles et ceux qui écoutent.

Bref, produire de la vérité est peut-être plus utile que de détruire du mensonge.

Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, et sur cette échelle de notation j’aurais peut-être une très mauvaise note !