Sur la base de mon expérience de campagne 2007, je témoignais tout à l’heure, que non, contrairement à ce que prétend M. Lavrilleux de l’UMP, il n’est pas nécessaire de tricher pour mener une campagne présidentielle. Quant à savoir si seuls les tricheurs accèdent au second tour, je lui laisse la responsabilité de cette affirmation.

Je poursuis avec un souvenir qui date d’aussitôt après. L’élection était perdue, et sans pouvoir pointer à l’ANPE (parce que juridiquement je restais profession libérale, même si je n’avais plus de clients), je cherchais un emploi.

Je pensais pouvoir valoriser mon expérience dans des fonctions de stratégie. Si l’élection était perdue, la candidature de François Bayrou avait tout de même recueilli plus du double de suffrages que ce que tous les analystes politiques, même les plus optimistes, avaient envisagé. Ayant été le conseiller du candidat[1], je pensais que des chefs de grands services publics, ou de grandes entreprises sur les marchés « grand public », pourraient se dire « il y a là un type qui voit des opportunités que les autres n’ont pas vues », ou peut-être même, « un type qui sait faire émerger des mouvements d’opinion ». (Si on sait vraiment faire ça, ou juste être au bon endroit au bon moment, ça reste indécidable). Disons tout de suite que je ne me suis pris que des râteaux et quelques réponses négatives, ce qui m’a ramené à une juste modestie sur mes capacités :-)

Parmi ces réponses négatives, une était instructive.

France Télévisions, dirigée par le très UMP-iste Patrick de Carolis, venait de laisser partir son « directeur délégué chargé de la stratégie, de l’innovation et de la communication », Bastien Millot[2].

Ayant quelque expérience des médias, non seulement via la politique mais aussi comme directeur scientifique et technique de Médiamétrie en 95-96, j’ai envoyé sans hésiter une candidature spontanée :-)

Et j’ai reçu une réponse, selon laquelle (de mémoire) France Télévisions ne prévoyait pas de recruter sur ce poste, mais plutôt de répartir ces tâches entre des ressources internes et externes. Autrement dit, pouvait-on supposer, de continuer à faire appel à Bastien Millot, mais sur factures et non plus comme salarié – à Bygmalion qu’il co-fondait dans le même temps, le 28 octobre 2008.

J’ai donc suivi, avec un peu plus d'attention que pour d'autres, la belle carrière passée et récente de M. Bastien Millot et les belles affaires de sa société Bygmalion — à défaut de les avoir croisés dans la vraie vie. J’avais bien compris que Bygmalion fonctionnait comme relais financier de réseaux politico-médiatiques UMP, et j’espérais que tôt ou tard, une Justice ou une presse indépendante les alignerait…

Enfin, ces dernières semaines, l’omerta commençait à se fissurer… mais Jean-François Copé a réussi à faire durer jusqu’au soir des européennes. Ce qui a pu aider son parti à réunir 20% des voix — là où je lui en prévoyais moins de 15 — mais je surestime souvent la demande d’honnêteté de la part de l’électorat.

Donc, pas de surprise ? Et bien si. Je suis tombé de l’armoire ce matin en apprenant, sur BFM, que Bygmalion rémunérait Patrick de Carolis. Je croyais le système moins imbriqué que ça, je croyais le sens des flèches plus simple dans les réseaux de facturation…

Amis limiers de la brigade financière, vous n’avez pas fini de suivre les flèches !

Notes

[1] Certainement pas le seul à donner des conseils, heureusement ! Du moins celui qui avait ce titre dans l’organigramme.

[2] J’apprends aujourd’hui via Le Point que son départ était en fait un « congé sans solde suivi, jusqu’en 2010, par un congé pour création d’activité » : c’est beau, les filets de sécurité des travailleurs précaires !