Sur ce blog, je me demandais en 2011 si l’ancienne île d’Argenteuil redeviendrait le “coeur vert d’Argenteuil” ou ferait plutôt le “bonheur des promoteurs”.
En mars 2016, la municipalité d’Argenteuil a annoncé sur ce site, à la place de la salle des fêtes Jean Vilar, un “pôle de loisirs” (point 22 ici). Avec le groupe Engagés pour Argenteuil, et d’autres personnes dont une autre élue, Marie-José Cayzac, je m’en inquiétais. A la rentrée, nous avons participé à la création du Comité Jean Vilar, lançant une pétition qui a recueilli depuis près de 10000 signatures, principalement “papier” sur place à Argenteuil. De fait, le projet s’est avéré, en octobre, plutôt de nature à faire le bonheur d’un promoteur, Fiminco.
Ont suivi 8 années d’un feuilleton de type “pot de terre contre le pot de fer”, qui méritera peut-être un jour un petit documentaire.
Marie-José et moi avons déposé deux recours devant les tribunaux administratifs. D’autres ont suivi, déposés notamment par France Nature Environnement Val d’Oise, six autres association citoyennes, cinq autres personnes physiques, et plusieurs sociétés liées au centre commercial à quelques hectomètres, Côté Seine, qui aurait été concurrencé directement par l’hypermarché et le centre commercial prévu pour le projet. Les procédures sont aujourd’hui toujours en cours sur les 4 recours des associations.
Et soudain plouf, ce 4 juillet 2024, le maire a annoncé - au Comité Jean Vilar d’abord ! - l’arrêt du projet : la promesse de vente ne serait pas renouvelée au-delà de sa date d’expiration.
Un bonheur immense ! Rarissime - unique pour moi - dans une vie militante.
Dans l’été, Fiminco contre-attaquait en justice : d’une part contre la Ville pour obtenir que la promesse reste considérée valable, d’autre part contre toutes celles et ceux qui avaient déposé des recours, “abusifs” selon Fiminco et qui lui auraient coûté, dit-il, plus de 28 millions d’euros (trois fois le prix d’achat du terrain, c’est dire).
Toutes celles et ceux, dont votre serviteur. J’ai donc dû prendre un avocat — en l’occurrence la même avocate que le comité Jean Vilar, les autres associations et les personnes physiques assignées. Et par cet avocat, nous avons connaissance non seulement de l’assignation initiale de Fiminco, mais aussi de la défense des autres parties. Donc celle de la Ville elle-même, que Fiminco a assignée également.
Le dossier déposé par la Ville comprend 9 courriers entre le maire, Georges Mothron, et le président de Fiminco, Gérald Azancot.
Le 5 avril 2024, 10 jours seulement avant l’expiration de la promesse de vente, Fiminco écrit que
La Promesse prévoit une clause de rencontre des Parties pour convenir des suites à donner à la Promesse en l’absence de réalisation des conditions suspensives dans le délai prévu.
Pourtant Fiminco ne parle pas de rencontre, mais d’un accord unilatéral que la Ville n’aurait qu’à contresigner :
pour faire suite à nos échanges, nous avons bien noté votre accord de principe afin de proroger la durée de réalisation des conditions suspensives susvisées et votre souhait d’organiser à ce titre une réunion de travail.
Nous actons donc la poursuite de la durée de validité de la promesse et la signature prochaine d’un avenant de prorogation.
Afin de formaliser votre accord sans réserve sur les termes du présent courrier, nous vous remercions de bien vouloir nous le retourner daté, revêtu de la mention « Bon pour accord » et signé de votre part avant la date du 10 avril 2024. /T’as 5 jours, gringo/.
Le 8 avril, le maire confirme qu’il y a eu des “échanges”, mais pas un “accord de principe”.
Une plaidoirie… devant la Cour Administrative d’Appel de Versailles… (sur un de nos recours, contre le permis de construire)… est prévue ce Jeudi 11 avril… Dès lors, l’empressement que vous souhaitez imposer à la ville avec un retour souhaité avant le 10 avril entre en contradiction avec l’objet de la plaidoirie… /= Si la Cour Administrative — contre l’avis de mon avocat — invalide le permis, tu peux toujours courir, l’Indien !/
mon Directeur Général des services a précisé à /la directrice des relations avec les collectivités chez Fiminco/, par sms et dans un message vocal, mon accord pour l’organisation de cette réunion… à partir du 22 avril… C’est pourquoi je vous invite… à l’Hôtel de Ville… le Mardi 23 avril 2024 à 10h00… J’ai demandé au conseil de la Ville (= son avocat) … d’être présent.
(Traduisons-les : ça va être chaud).
Le 15 avril, “dans l’attente du délibéré des audiences du 11”, Fiminco sort des chiffres : son projet a été retardé, “de plus de 6 ans”, par les recours. Et d’ailleurs le maire avait prononcé un sursis à statuer de 2019 à 2021.
Ce décalage cause à notre société un préjudice financier extrêmement important pour le chiffrage duquel nous avons mandaté le cabinet Abergel, expert près la Cour d’appel de Paris. Le rapport d’expertise provisoire…, établi dans une approche conservatrice /ça n’est que le débout, gringo/… aboutit à un chiffrage provisoire de préjudice à hauteur de 28.495.036,00€… Ce chiffrage ne comprend pas (suit une liste d’autres dommages)
Je souhaite vous informer /parce que yé souis ton ami/ que… notre société engage une procédure visant d’une part à mettre les auteurs de recours abusifs en face de leurs responsabilités et d’autre part à expertiser l’ensemble des responsabilités ayant concouru à causer notre préjudice et à en fixer les modalités d’indemnisation. /Tou vas payer, gringo/
Le vendredi 19 avril, nouveau courrier de Fiminco, pour répondre à celui du 8 avril “dont les termes nous ont surpris” :
… vous suggérez que la Ville d’Argenteuil n’envisage pas nécessairement de prolonger la promesse de vente… vous nous convoquez… en présence des avocats de la Commune… La présence de vos avocats à une réunion à laquelle vous souhaiterez évoquer la rupture de nos relations contractuelles /avoue, gringo, avoue/ impliquerait… que nous soyons nous-mêmes assistés de nos conseils.
La soudaineté et la brutalité de votre position commande que nous conférions préalablement avec avocats, ce qui ne nous permet pas de répondre favorablement à votre convocation… Nous nous rapprocherons de vos services pour programmer le cas échéant /et ce cas, il n’existe pas, gringo/ une réunion plénière.
J’imagine que vous avez eu l’occasion d’évaluer la situation avec vos conseils avant de nous adresser votre courrier du 8 avril /ils ne t’ont pas prévenu, tes amis ? Le sable il est profond ici…/ mais je me permets toutefois de vous signaler que la non-prorogation… causerait à notre société un préjudice très considérable qu’il convient d’ajouter aux montants du préjudice d’ores et déjà chiffré… /je t’ai parlé de millions ? Oublie, mon ami, oublie. Parlons de milliards/
Dès le mardi 23 avril, le maire se drape d’une sainte indignation :
… Vous refusez d’honorer l’invitation… que je vous ai adressée … Mon invitation… avait pour objet de permettre le rapprochement entre nos deux parties pour convenir des suites à donner à l’expiration de la promesse… /convenir de la route que tu prendras pour rentrer dans ton XVIème arrondissement/
Notre position, qui consiste à ce stade à vouloir exécuter la promesse de vente /à ce stade nébuleux, puisqu’elle a expiré…/ en prévoyant de conférer sur les suites à lui donner /tu piges, l’Indien ? ma position consiste à prévoir de conférer sur les suites/ n’est ni soudaine, ni brutale…
Or… votre société n’a pas cru nécessaire… d’anticiper… Votre silence au cours de ces nombreux mois pouvait, tout autant que le nôtre, suggérer que Fiminco ‘n’envisage pas nécessairement de prolonger la promesse de vente’, pour reprendre vos termes. /Tu veux, ou je veux pas ? Tu veux, ou je veux pas ?/
Un courrier… du 5 avril… dans lequel vous avez cru pouvoir acter unilatéralement la poursuite de la durée de validité de la promesse, … démarche tardive, inédite entre nous, étrangère aux termes de la promesse… ne pouvait être acceptée.
Donc mon courrier du 8 avril… ne préjugeait nullement d’une différence entre nous…
… Je regrette que vous vous placiez dans une position précontentieuse… Un ton aussi menaçant nuit à la confiance mutuelle indispensable… alors que c’est votre société qui a refusé d’échanger…
22 mai 2024, un mois plus tard. Fiminco a attendu, pour répondre, les décisions de la Cour Administrative d’Appel, qui en l’occurrence n’a pas annulé le permis de construire…
ce qui nous permet de lever les obstacles principaux à la mise en oeuvre de notre projet /le nôtre, gringo, à nous deux/.
… Je comprends des termes de votre courrier qu’il y ait pu y avoir un malentendu /tout petit, le malentendu, mon gringo à moi. Minuscule/. Votre proposition de rendez-vous à date unique, avec un préavis très court et en présence de votre avocat, a pu être interprétée par nous comme une convocation à un entretien pré-contentieux compte tenu du faut que nous n’avons jamais fonctionné comme cela /, mon amour. Comme cette ombre a-t-elle pu passer entre nous ?/
3 juillet 2024 : après avoir pu tourner sa langue 7 fois dans sa bouche, et inviter ses avocats à le faire 77 fois 7 fois, le maire répond :
… d’une part, les incertitudes contentieuses sont… loin d’être levées et, d’autre part, la promesse de vente aurait dû être prolongée bien avant que son terme n’advienne /tu n’as donc pas compris ? C’est fini entre nous/
… Pis, /pis./ alors que je vous invitais, le 8 avril 2024, à une réunion…, vous y avez opposé, par votre courrier du 19 avril, une fin de non-recevoir.
Enfin, le ton menaçant … a nécessairement contribué à écorner un peu plus la confiance de la Ville dans votre détermination à mener à bien le projet. /Tu vois ? c’était un projet à vivre ensemble, la main dans la main. Mais tu m’as mal parlé. Tu m’as mal parlé, l’Indien/.
Que vous avez attendu un mois avant de me donner suite à ma proposition réitérée de rendez-vous n’a pu qu’alimenter ce doute, que la seule évocation d’un éventuel malentendu ne saurait… dissiper. /Tu m’avais très bien entendu, en fait/.
… Dans ce contexte de confiance altérée…, l’option de signer un nouveau contrat n’a pas été retenue.
Là, il ne faut plus que 3 semaines à Fiminco pour envoyer un courrier de 8 pages par voie d’huissier
Ce courrier nous stupéfait par sa brutalité et sa soudaineté … en totale contradiction avec les relations contractuelles que nous entretenons avec la Ville depuis près de 10 ans en vue de la réalisation de ce projet.
Vous révélez la véritable intention sous-jacente…
Vous opérez une volte-face…
L’existence (des) recours n’est pas une nouveauté. Il a toujours été décidé de faire front commun devant les juridictions /jusqu’à ce que tu veuilles me priver du magot/…
Vous faites… preuve de duplicité…
… Des précédents échanges verbaux, ou par mail et SMS… entre les membres de nos équipes respectives… il résultait un accord de principe partagé de proroger…
Vous invoquez un ‘contexte de confiance altérée’ qui résulterait du ‘ton menaçant’ employé dans notre courrier du 17 avril… alors qu’il s’agit d’un simple constat objectif…
Alors que la Ville était engagée depuis plus de sept (7) ans aux côtés de Fiminco dans la défense contre les (recours),… elle a subitement fait le choix… de soutenir (la) position (des opposants) et de substituer à une victoire judiciaire une compromission politique.
Le maintien par la Ville de cette position serait à l’origine d’un préjudice considérable pour notre société qui viendrait s’ajouter au préjudice existant… lié notamment au sursis à statuer que vous avez prononcé en septembre 2019 /on ne l’avait pas contesté, ce sursis ? Eh ben on va faire comme si/.
FIMINCO se réserve le droit … d’obtenir l’exécution forcée des engagements contractuels qui ne seraient pas respectés par la Ville.
Au coeur de l’été, le 6 août donc, le maire a trouvé des plumes pour s’indigner de :
(l’) entrée en matière de votre courrier, aussi virulente qu’erronée…
Considérer comme vous le faites que la Ville serait tenue de renouveler la promesse à son expiration reviendrait à nier tout effet utile à la clause fixant un terme à ladite promesse…
Contrairement aux affirmations péremptoires contenues dans votre courrier, aucun accord de principe de proroger… n’a été ni conclu ni même sollicité par votre société.
Dès le 17 avril 2024, (vous prétendiez à) un comportement fautif de la Ville : (ça) n’a pas incité les élus à envisager sereinement la prolongation de relations contractuelles avec votre société…
Enfin, votre affirmation selon laquelle la Ville aurait fait le choix de ‘soutenir finalement la position’ des opposants au projet à la faveur /faveur !/ d’une ‘compromission politique’ ne serait qu’infondée si elle n’était pas grave… : une immixtion injustifiée de votre part (même au regard de la défense des intérêts de votre société) dans le débat politique argenteuillais.
Une éventuelle réitération publique de tels propos donnerait lieu, de la part de la Ville et de ses élus, à l’engagement de procédures tendant au rétablissement de leur honneur…
Et voilà qui ferait un contentieux de plus !
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