Antoine Vielliard, conseiller municipal à Saint-Julien en Genevois, publie sur son blog un texte dont je ne résiste pas au plaisir de reprendre plus que des extraits.
Il n'y a rien de plus facile que de s'engager en politique en France :
Première étape se choisir UN CAMP ! A droite ou à gauche.
- Si vous choisissez la droite, vous devrez défendre les intérêts particuliers des entrepreneurs, des créateurs d'entreprise et des investisseurs selon la droite... ou des possédants, des rentiers et des riches selon la gauche.
- Si vous choisissez la gauche vous devrez défendre les intérêts des classes laborieuses, des modestes, des humbles, des exploités, des courageux selon la gauche... ou des profiteurs, des fainéants selon les autres.
Une fois le monde divisé en deux… tout deviendra très simple : "sus à l'ennemi". (…)
Si d'aventure un méchant commençait à faire des propositions pas trop stupides qui pourraient convaincre des gentils, il faudra simplement l'attaquer, l'insulter ou caricaturer son propos pour recréer artificiellement ces clivages. (…)
L'avantage (…), c'est qu'il n'y a pas besoin d'aller trop se préoccuper des gens. La vérité ne vient pas du terrain mais du dogme. "Il faut corriger les injustices de la société selon les uns" ou "il faut aider ceux qui travaillent à créer de la valeur" selon les autres.
Pour ceux qui ne choisirait pas cette facilité, il y a le centre ! Le centre c'est plus compliqué.
Le centre ça impose d'aller sur le terrain à l'écoute des gens parce qu'on estime que la vérité ne vient pas des dogmes mais du terrain - ça s'appelle le pragmatisme.
Le centre ça oblige chacun à réfléchir, parce que le centre a pour principe la liberté individuelle de vote et pas la discipline comme les autres : on ne peut pas compter sur l'autre pour réfléchir pour soi-même, c'est plus difficile.
Le centre c'est beaucoup plus difficile à synthétiser dans des slogans simplistes pour la communication. Le centre doit faire l'effort d'expliquer chacune des positions, expliquer encore chaque jour, dans des blogs par exemple.
Quand on est au centre il faut travailler deux fois plus parce que les esprits simplistes de droite ou de gauche vous classent définitivement dans l'autre camp, parce qu'un jour les positions que vous avez défendues ont été différentes des consignes qu'ils ont reçues. (…)
Le centriste n'est pas irréprochable : parfois il confond pragmatisme et opportunisme[1]. (…) Parfois pris à parti, il se défend plutôt que de laisser pisser. Le centriste est humain lui aussi.
Etre centriste c'est beaucoup plus compliqué, plus long, ça demande beaucoup plus de travail, mais c'est le seul choix qui soit utile pour les habitants au service desquels vous voulez être.
Il y a pas mal de blogs démocrates tenus par des personnes qui, dans leur commune et leur département, se coltinent aussi bien les difficultés des problèmes abordés, que celle d'être des minoritaires gênants pour les simplismes en place. Je profite de cette longue citation d'Antoine Vielliard pour saluer et encourager Renaud Bellière à Villers-Cotterêts, Florence Arnoux Le Bras à Saint-Jean de Maurienne, Christophe Grébert et Sylvie Cancelloni à Puteaux, EvelyneD sur le plateau de Saclay… Tenez bon, "c'est beaucoup plus compliqué, plus long, ça demande beaucoup plus de travail, mais c'est le seul choix qui soit utile".
Notes
[1] Lien vers ce billet plus récent d'Antoine ajouté par moi-même. FrédéricLN. (9 nov. 10 : Ajout des noms de lieux dans le dernier paragraphe.)
Merci beaucoup Frédéric pour ce magnifique article et tes encouragements.
A mon tour te saluer et de t'encourager à poursuivre ce blog.
Amicalement.
EvelyneD
Si je reconnais l'effort de dénoncer le simplisme si commode et clienteliste du bipartisme, un mieux incontestable par rapport au monopartisme toutefois, faut-il pour autant s'arreter en bon chemin? en effet, si la tentation du 3eme bloc (quel que soit sa couleur) pour exister est de transformer le "sus à l'ennemi" en "sus aux deux ennemis", les concitoyens et les dossiers qui les preoccupent n'y auront pas gagné grand'chose ... en atteste l'état de notre pays après trois décennies d'alternances et de refus electoraliste de réformes de fond.
Je crains que la source des dérives partisanes ne soit dans le présupposé originel : "premiere etape se choisir un camp" (je laisse ici la provocation manicheenne "a droite ou a gauche") : revenir au sens originel du mot "politique" devrait plutot incliner à reflechir aux dossiers autant sinon plus qu'aux performances médiatiques des champions de pugilat qui sont supposés les porter. Ensuite, le choix du champion ou du camp devient plus facile, sur une base plus contractuelle qu'un palmares - et si d'aventure les champions en vue ne proposent pas de contrat acceptable, au moins on dispose d'un cahier des charges pour chercher des remplaçants...
Merci Frédéric pour ces encouragements.
Si je peux me permettre d'y associer Sylvie Cancelloni, ma collègue dans l'opposition au conseil municipal de Puteaux : http://www.sylviecancelloni.net/
Le MoDem, c'est le refus d'une opposition stérile entre la gauche et la droite. c'est aussi la volonté de faire progresser la démocratie qui dans son fonctionnement actuel ne nous convient pas.
Ne devrait on pas reprendre la promotion d'une 6e république ?
Merci pour vos commentaires ;
@ EvelyneD : j'ai au programme une incursion dans votre département ce dimanche ! (le semi vert de l'Allée Royale, organisé (au moins dans l'acception facebook du terme) par Pierre-Yves Stucki).
@ Nicolas Mauduit : effectivement il y a plus de 3 partis politiques, et chaque citoyen est un acteur politique. Mais je crois que notre conception du centre démocrate va exactement dans ce sens : appel à l'engagement civique, liberté de vote de nos élus, etc.
@ Christophe Grébert : permets-toi ... le blog de Sylvie est effectivement très riche, il manquait à ma culture. je l'ajoute dans le billet.
"liberté de vote de nos élus" ce point est beaucoup plus controversé qu'il n'y parait - et je le déplore : dès qu'il s'agit de parler concretement (par exemple, décision d'un Conseil Municipal pour rester proche du terrain) l'acception usuelle de démocratie ne s'étend plus qu'exceptionnellement à la liberté de vote aux élus... cette dérive n'étant pas l'apanage d'une couleur plus que d'une autre, mais semble être rapidement acquise dès l'accession au pouvoir obtenue (malgré l'importance de la prime majoritaire), transformant de fait l'élection en chèque en blanc sans contrôle autre que l'élection suivante, sauf cas excptionnel (cette tentation demeure au niveau national).
Comment favoriser la nécessaire prise de conscience des risques inhérents à un tel fonctionnement, "en boucle ouverte" comme dirait un ingénieur (sans régulation)? je ne sais pas si, comme le propose C Grébert, promouvoir une 6eme république aiderait à marquer les esprits, mais il y a certainement un travail de pédagogie à faire...
"l'acception usuelle de démocratie ne s'étend plus qu'exceptionnellement à la liberté de vote aux élus"
-> je ne suis pas au courant. Connaissez-vous des groupes démocrates où effectivement cette liberté de vote ne serait pas reconnue ? Merci de nous les indiquer (qu'on le fasse savoir pour que ça change !)