Sur Twitter, “mme framboise” témoigne[1] :

A @ParoisLevallois, quand on fait une soirée pour parler de la #CIASE, on parle plus des larmes des évêques à Lourdes que des larmes des victimes, et on applaudit «les 97% de “saints prêtres” qui eux sont formidables» en guise de conclusion. Impossible pour moi de prier ensuite.

Rien que ce tweet m’attriste, alors si j’avais été là…

Mais vu de loin (à travers ce tweet) ça a l’air facile à comprendre : le “petit troupeau” est désemparé, voire paniqué à l’idée de perdre son “berger” (la figure du prêtre fort comme un roc et doux comme un agneau).

Les premières réactions au rapport de la CIASE,m’ont semblé venir toutes de personnes qui se sentaient “autonomes” dans leur expression sur la religion, par rapport au clergé et à la structure. (Des Abélard, Hildegarde ou Domenach d’aujourd’hui).

C’est rare en religion.

Dans les religions, d’habitude, beaucoup de personnes parlent, mais à 99% en reprenant les éléments de langage, la langue de bois usuelle. Sur la pédocriminalité, il n’y a pas (en fait il y a eu mais il n’y a plus) d’éléments de langage, donc les fidèles sont démunis de mots.

Ils ont conscience qu’il s’agit d’un mal (!) mais ne savent s’en protéger qu’en s’en cachant. D’autant que ses contours flous, en l’absence de doctrine (pédophilie / homosexualité, pédophilie / désir sexuel / ambiguïté dans les relations hommes-femmes…) menacent chacun·e.

Le rapport de la CIASE a eu, me semblait-il, un triple immense apport :



a) nommer le mal en termes clairs, ceux des victimes, sans délayer, sans langue de buis, dans un cadre biblique et chrétien.

b) nommer aussi les éléments de religiosité dangereux (le prêtre trop “assimilé au Christ”…)

c) nommer des solutions, des réponses, venant du monde laïc (procédures d’alerte existantes dans les entreprises, à transférer dans les structures religieuses) ou religieux (distinction for interne / for externe…).

Ça devait et doit rendre chaque chrétien·ne capable d’agir. Qu’il ne soit plus un mouton désorienté mais un montagnard qui s’oriente.

Et je suis certain que ça infusera, et libérera. Mais je vois au tweet de mme_framboise que ça peut prendre du temps, le temps de se mettre en marche sur un sujet où chacun·e était figé dans l’immobilité (y compris, il y a encore peu, des personnes en pointe aujourd’hui).

Les miracles arrivent, et j’espère qu’il en arrivera un. Que des “paralytiques” se lèveront. C’est déjà arrivé. Ne seraient-ce que ces victimes paralysées de dégoût, de pression sociale, voire de honte, qui ont parlé, milité et même proposé.

Peut-être que la libération (la libération des simples fidèles de leur bulle de silence et de gêne) viendra de là : de se reconnaître soi aussi comme victime, ou plus précisément, comme paralytique, comme aveugle et sourd, comme inhibé par la gêne générale.

Paralytique voulant se mettre en marche pour aider et protéger. Aveugle espérant voir même ce qui fait mal aux yeux, pour se diriger lui-même, voire diriger les collectifs. Sourd·e désormais prêt·e à entendre sans faire la leçon, et pleurer toutes les larmes de son corps.

Ce n’est pas tant d’une démission que nous avons besoin, bien sûr (notamment pas de celle de personnes qui ont peu à voir avec le sujet). C’est d’une mission reconnue, reçue, partagée, assumée. Celle de servir et protéger les plus petits, les plus vulnérables.

(P.S. Ce laïus doit beaucoup non seulement à “mme framboise” et d’autres dont koztoujours et “le paroissien”, mais aussi à Héloïse et Abélard, et, pour les derniers tweets, à deux discussions hier à l’Hôpital d’Argenteuil. Merci les ami·e·s).