Je rencontre en tout cas pas mal de gens convaincus que pour le Covid (comme pour le changement climatique — ce ne sont pas forcément les mêmes personnes) (ou pour le 11 septembre — même remarque) “c’est impossible de connaître la vérité, parce que le jeu des pouvoirs et des médias nous la cache”.

Bizarrerie, les mêmes personnes enchaînent : “d’ailleurs, telle source le dit très bien”.

Une telle situation se produit bien dans quelques cas, où un système organisé cache l’intérêt général, et où seuls des lanceurs d’alerte solitaires, et vilipendés par les pouvoirs en place, révèlent une vérité (ex. : Irène Frachon avec le Mediator).

Pour que ce mécanisme organisé tienne, il faut que l’intérêt que ses participants en tirent dépasse le coût de leurs actions : par exemple, pour le Mediator et ses centaines ou milliers de victimes, il faut des centaines de millions d’€ de chiffre d’affaires.

C’est là que ça devient très bizarre dans le cas du Covid et ses millions de morts. Peut-on imaginer qu’il y ait des *milliers de milliards d’€* à se partager entre complices (explicites ou tacites) d’un système de dissimulation géant, planétaire ?

C’est évidemment difficile à imaginer : les tenants de la théorie de la dissimulation s’en sortent en répondant *qu’il n’y a pas de morts du Covid*, ou très peu, ou des gens qui seraient de toute façon morts peu après, etc.

Mais ça ne rend toujours pas leur théorie viable, car ça implique que tous les systèmes statistiques publics (systèmes démographiques et systèmes sanitaires) des grands pays mentent, soit des dizaines de milliers de complices de la dissimulation — et je vois très difficilement ce qu’un statisticien de l’INSEE, ou des hôpitaux de New York, gagnerait à fausser les statistiques de décès.

Bref, *si on gratte un peu*, la théorie du Covid bénin, celle du vaccin qui ne protège pas, celle des traitements efficaces cachés, etc. etc., tombent toutes seules. Pour qu’elles tiennent, il faut *ne pas gratter*, ne pas aller se renseigner à des sources que des indices raisonnables permettraient de supposer fiables.

Et ce comportement — ne pas gratter — est bien connu lui aussi en psychologie cognitive (je suppose, je n’en suis pas spécialiste). C’est le comportement habituel des fidèles d’une religion ou d’une idéologie. Par exemple celui des nombreux fidèles catholiques qui maintiennent l’omerta suite au rapport de la CIASE (et qui ont commencé par ne pas aller le lire, ne pas suivre la conférence de presse, etc.) — je fais le rapprochement après un fil twitter ce samedi matin là-dessus. Mais cela va au-delà des religions et idéologies : c’est notre comportement à tous quand nous avons fait des choix que nous ne pensons pas remettre en cause. Nous n’avons donc pas besoin de “gratter” sur les éléments qui pourraient actualiser notre information sur le sujet, et éventuellement remettre en question ces choix.

Je peux citer une bonne douzaine de cas rien que pour moi.

À commencer par celui du Covid. J’ai certes tenté à mon petit niveau de “sonner l’alarme” aux débuts de l’épidémie, mais il a fallu que ma femme me demande “est-ce que nous devrions faire des provisions ?” pour que j’envisage de changer quelque chose dans notre vie familiale. Au fond, prolonger des courbes et appliquer le modèle épidémiologique de base, donc afficher l’explosion certaine du nombre de cas (donc des décès) c’était du niveau de mon travail quotidien, ça ne me demandait pas de changer quoi que ce soit.

Même le conseiller qui est intervenu le plus tôt et de la façon la plus précise auprès des gouvernements et dans le débat public — Neil Ferguson — n’a guère “que le mérite” d’avoir dépoussiéré pour le Covid des programmes de simulation qu’il avait écrits des années auparavant pour la grippe. C’était aussi une forme de “business as usual”.