Le rapport Sauvé a percuté — c’est bien son moindre effet — ma façon de parler de la religion, et des religions.

M’exprimant beaucoup sur internet sur les sujets politiques des années 1999 à 2020, je tenais à le faire sans référence aucune à une appartenance religieuse ou à une doctrine religieuse.

Tout en m’intéressant aux religions, et à la laïcité, et à l’athéisme, comme composantes majeures de nos sociétés, de la vie culturelle, associative, intellectuelle. Et en espérant vivement qu’elles soient reconnues comme telles, intégrées, qu’elles sortent du tabou. J’ai tenté de le faire à mon petit niveau en adaptant le dialogue d’Héloïse et Abélard.

J’ai été éduqué dans la religion catholique, et ce n’est pas peu dire, entre un lycée privé, le scoutisme et les aumôneries étudiantes. Je n’ai pas fait “annuler mon baptême”, et suis bénévole (et trésorier) d’une association créée par des religieux Salésiens.

Pourtant je ne voulais pas écrire “mon” Église, pour deux raisons.

OK, quand il y en a deux, c’est souvent une de trop ; c’est souvent qu’on n’est pas au bout du discernement.

La première raison est politique. Parmi les points de départ à respecter dans le débat démocratique français, il y a la notion de République au sens de “chose commune”, d’intérêt général. Les arguments faisant référence à une communauté spécifique y sont proscrits, ou plus précisément, marginalisés d’office (souvenez-vous de Mme Boutin brandissant la Bible dans l’hémicycle de l’Assemblée). Nous faisons, toutes et tous ou presque, l’effort de formuler des idées, arguments, propositions que nous pensons également acceptables par toutes et tous quels que soient leurs positions communautaires, idéologiques, etc.

Et je trouve ça super. Je veux que ça continue.

Ça demande un effort, qui semble parfois illusoire (je suis facilement répertorié, à partir des idées fort laïques que j’exprime, comme “chrétien” : le christianisme est l’une des principales sources des courants politiques démocrate et écologiste, dans lesquels je me reconnais).

Mais cet effort de prendre de la distance par rapport aux sources, d’avancer vers la mer, je le crois très bénéfique. En cela, je me sens tout à fait dans la ligne de feu mon maître Jean-Marie Domenach.

La deuxième raison est religieuse — et Domenach aurait pu la signer aussi, je crois. J’ai le sentiment que mon appréhension personnelle, ma compréhension, de la religion chrétienne, est hyper-minoritaire parmi les chrétiens (notamment les plus actifs et visibles). Sur des questions liées à la religion, je me sens bien plus souvent d’accord avec des athées militants, ou militants laïques, qu’avec la grande majorité des cathos militants. Mes votes au Conseil municipal (2014-2020) permettent d’ailleurs de quantifier ça !

Donc, quand je m’exprime, je suis conscient de ne représenter en rien “les cathos” dans leur ensemble. Juste un type avec sa trajectoire personnelle, intérieure et extérieure, qui peut l’amener à l’église tout comme le dresser contre l’Église.

J’ai beaucoup réagi sur Twitter, depuis mardi 5, au rapport Sauvé ; et sur Facebook ; j’ai signé la pétition sur change.org. Je me sens concerné. Plus concerné, manifestement, que la grande majorité des Français·es.

En ce sens, cette grande communauté désertée, vermoulue, ruinée, archaïque, dysfonctionnelle, collectivement criminelle, c’est aussi mon Église.

Église Saint Jean-Marie Vianney, Argenteuil, 20 septembre 2015