Deux modèles de société sont en confrontation à cette élection, nous dit François Bayrou. J'apporte mes pierres à cette confrontation avec deux scénarios pour les prochaines années, quelques paragraphes, écrits il y a 6 mois, au sujet de la cohésion sociale en France[1].
Ceux-ci racontent comment la France et l’Europe trouvent leur place dans la nouvelle économie-monde, comment le nouveau consensus national permet la refondation des systèmes sociaux. Il y a une autre histoire ici : "Une décennie de troubles sociaux (modèle de société 1)".
La société française, les sociétés européennes ne veulent pas la fragmentation sociale. À l’image des années 1975-2005, elles tiendront aux principes de l’intérêt public, à la pratique de la recherche de consensus (à travers les simulacres d’affrontements devant les caméras) ; et, mieux que dans les années 1975, elle sauront rendre leur modèle social viable et attractif.
Dans un monde où l’instabilité sera reconnue comme une règle, alors que les nouvelles puissances pétrolières et industrielles seront secouées par une violence aux ressorts multiples (économiques et ethnico-religieux), l’Europe sera, grâce à sa tradition de liberté et de consensus social, le refuge des capitaux, des grandes fortunes, des élites culturelles mondialisées. De grands groupes de médias ou de nouvelles technologies, issus des nouvelles économies, s’implanteront en Europe.
La France continuera même à profiter de l’enrichissement des « émergents », grâce aux fortes positions de grandes entreprises françaises sur les secteurs de l’énergie, du luxe, des transports et de l’agroalimentaire.
Les élites économiques comme politiques resteront, de ce fait, attachées au territoire, tant pour leur vie personnelle et pour leurs enfants, que pour leurs cadres et parties prenantes, donc pour leurs entreprises. Tirant la leçon de décennies de vain lobbying court-termiste, elles accepteront de construire des systèmes sociaux, financiers, éducatifs, de santé justes, efficaces et durables.
La réforme de l’éducation mettra fin au scandale spécifiquement français qu’était l’exclusion des 20% les moins performants ou les moins conformes à la culture scolaire traditionnelle. Le système scolaire intégrera au lieu d’éliminer, préparera à progresser tout au long de la vie, au lieu de préparer aux concours. Les descendants d’immigrés verront ainsi leurs chances améliorées, et par un cercle vertueux, les préjugés qui les discriminaient s’effaceront.
L’emploi des travailleurs les moins qualifiés sera simplifié et mieux organisé : les formalités pour l’employeur seront limitées au chèque-emploi, une bourse d’échange de services y sera intégrée (solvabilisant les ménages jeunes et d’âge intermédiaire), seules les charges sociales profitant directement au travailleur (retraite et chômage) seront à financer. Cela suscitera le développement d’un secteur des services locaux, en accroissant l’offre de travail, et en dissuadant le travail au noir et les déclarations frauduleuses.
Croissance et perspectives d’emploi dans le secteur privé permettront un consensus sur la réforme des retraites – notamment l’allongement des carrières dans le public - et la réforme de l’assurance-maladie – réduisant spectaculairement les coûts de gestion, et permettant que les TIC se traduisent enfin en économies financières. Ainsi, les principes du modèle social français auront été préservés et son efficacité améliorée.
De la même façon, les classes moyennes, confiantes en leurs perspectives d’avenir tant en France que dans l’économie-monde, accepteront l’abolition des multiples privilèges et contingentements hérités des bureaucraties monarchique et industrielle, et l’application large, dans la société française, des principes du libre échange, du libre commerce et de la libre entreprise.
La France et l’Europe auront trouvé leur place dans la nouvelle économie-monde, le nouveau consensus national aura permis la refondation des systèmes sociaux. Ce qu'il fallait raconter !
Notes
[1] Dans la même famille que ces deux billets déjà publiés : "Entreprise et société, un travelling avant" ; "Grande entreprise et société française dans les prochaines années (2/2)"
Evidemment Frédéric je suis dans ton scénario N°2 ! LE modèle démocrate idéal.
La seule façon d'y parvenir est de mettre au point de nouvelles pratiques vertueuses certes mais que cela ne reste pas du seul niveau du voeu pieux. Nous ne pouvons plus attendre les prochaines élections présidentielles pour les mettre en application !
Démontrons immédiatement que des organisations exemplaires sont possibles : basons-nous pour cela sur de l'existant ayant fait ses preuves depuis des centaines d'année, tel le fonctionnement des Compagnons du Devoir et du Tour de France entre autre pour l'artisanat classique ; Pour le reste, inventons de nouvelles formes d'entreprises et fonçons sans attendre la permission ou l'aval de quiconque !
Ces sempiternels atermoiements commencent à me fatiguer ! Pas toi ?!
ben ... non ? je n'ai pas le sentiment d'atermoyer (plutôt de m'épuiser à inventer et foncer !). Chacun fait ce qu'il peut, j'en suis convaincu ; c'est la compréhension d'ensemble qui me semble manquer.
Heu, grand pardon Frédéric ! Je ne parlais pas de toi puisque bien au contraire tu n'arrêtes pas de proposer innovant effectivement et de faire toi-même la démonstration de tout ce qui pourrait se mettre en place.
J'ai lancé mes reproches à la va-vite sans doute et plutôt à mon intention d'ailleurs...
oups, c'est ma réponse qui n'était pas claire. Je me doute bien que ce n'était pas de ta part une attaque personnelle ! Et je suis bien convaincu qu'il n'y a pas de raison d'attendre 2012 comme une date miracle. C'est la société qui fait l'élection, non l'inverse. Mon espoir est que la société française devienne (plus) démocrate, plus consciente des défis qu'elle affronte et des moyens de les surmonter ensemble. Et alors elle mettra tout naturellement à la retraite les castes actuellement au pouvoir.
"Tirant la leçon de décennies de vain lobbying court-termiste, elles accepteront de construire des systèmes sociaux, financiers, éducatifs, de santé justes, efficaces et durables."
Ayant lu récemment Denis Kessler expliquer que c'était le bon moment pour mettre en place des retraites à base de fonds de pension (elles sont pas chères mes actions, profitez-en messieurs dames...), j'ai plus pensé à Michel Audiard et à sa caractérisation des cons qu'à ton optimiste phrase...
eh bien ... cette page est celle du scénario optimiste, mais effectivement, j'ai aussi eu la chance d'assister (depuis l'écriture de cette page) à une conférence de Denis Kessler. Mais bon, c'est un intellectuel (assez sympathique au demeurant), et de ce fait, contrairement à ce que j'imaginais avant de le voir et entendre en vrai, une personne très peu représentative des élites économiques et politiques.