Le débat politique sur l'agriculture française a été soudainement clarifié par les déclarations de Nicolas Sarkozy au Salon de l'Agriculture. Stupéfiantes, aberrantes, irresponsables, mais au moins, on sait où aller : à l'opposé.

Ces dernières années, les discussions sur l'avenir de notre agriculture me semblaient bien cotonneuses. On débattait sur les tribunes françaises, mais les agriculteurs étaient financés par nos voisins européens à travers la Politique Agricole Commune. On parlait à la fois de rémunérer les agriculteurs à travers leur production, et de "multifonctionnalité" (les paysages, le tourisme, la biodiversité...) "durable" (les nappes phréatiques, l'effet de serre, l'effet de serre...). On souhaitait tout le bien possible aux paysans[1], mais une part croissante de la marge était capturée par les acteurs les plus concentrés, les distributeurs et l'agro-alimentaire - "coopératives" comprises ! L'opinion française majoritaire semblait plus proche des écologistes que des productivistes, mais la FNSEA remportait la quasi-totalité des chambres d'agriculture. Tout le monde disait du bien du bio, mais il restait marginal. L'atmosphère était un gisement croissant de carbone et de carburant, mais le sol français ne permettait pas de produire des agrocarburants de façon écologiquement ou économiquement rentable.

Il y avait deux agriculteurs en concurrence dans la présidentielle, José Bové et François Bayrou. Les propositions de notre candidat mettaient la barre très haut en rappelant "la triple exigence d’une politique agricole : la sécurité des approvisionnements en produits sains, une conduite protectrice de l’environnement et le maintien d’un tissu dense d’agriculteurs"... et en reconnaissant l'ampleur de l'échelle à laquelle se situer : "pour notre pays, pour l’Europe et pour la planète".

À ce "et" si exigeant, le Président de la République a apporté sa réponse : le ras-le-bol.

Je n'en ai d'abord entendu que des bribes hier sur France Info, du genre de cette citation reprise par rue89 :

ces questions d'environnement, ... ça commence à bien faire.

Je me suis dit : avant de réagir sur ton blog, vérifie ce qu'il a vraiment dit.

J'ai pensé aux élevages de porcs, autorisés à tire-larigot par les autorités de l'État au plus grand mépris des eaux anciennement potables (le Canard Enchaîné en tenait une triste chronique).

L'État doit assumer ses responsabilités. Il ne peut pas faire comme si l'effondrement des prix agricoles résultait du libre jeu du libre marché. La production agricole française est massivement encadrée, pilotée, cogérée par l'État et la FNSEA. S'ils ont mis les agriculteurs dans la mouise, à eux de les en sortir.

Et on voit comment, même si c'est difficile : en regardant à long terme. En valorisant dès aujourd'hui les bénéfices qu'une agriculture durable nous apportera demain.

On voit comment, mais le Président de la République semble prendre exactement l'orientation inverse. Ras-le-bol de la durée, les élections sont dans 8 jours. L'environnement est une merveilleuse opportunité pour cliver à coup de MAIS.

Je crois à une agriculture durable. (…) Mais il faut que nous changions notre méthode de mise en œuvre des mesures environnementales en agriculture. (...)

Sur les normes environnementales, je souhaite qu'on montre l'exemple mais qu'on avance en regardant ce que font les autres, parce que sinon il n'y aura plus d'éleveurs de porcs bientôt chez nous.

Si nous voulons le cochon ET l'eau potable, dimanche, votons orange !

Notes

[1] en les remerciant de produire le lait avec lequel on fait le pain - selon la perle d'une candidate à une émission de téléréalité.