Qu'un député (UMP, valdoisien) président de la Commission des Affaires Étrangères, ait proposé une partition de la Côte d'Ivoire, c'était atterrant, mais c'était une opinion qui le regarde.

Que L'Express ouvre ses colonnes à un "spécialiste de la Côte d'Ivoire" selon lequel une "option serait la partition du pays" suite à laquelle "il faudrait compter sur le déplacement spontané des populations: les nordistes vers le nord, et inversement", ça le regarde aussi.

D'ailleurs, j'ai appris des choses intéressantes dans cet entretien, et le "spécialiste" semble donc avoir des informations sur ce pays.

Cependant sa conclusion me semble étrange, presque contradictoire, et son argumentaire relève à mon humble avis de la désinformation.

"Comme l'a déjà dit Bertrand Badie, professeur à Sciences Po Paris, les Nations unies ont fait l'erreur de trop s'impliquer dans cette élection ivoirienne, qui n'était d'ailleurs selon lui pas assez préparée sur la question notamment du désarmement des FN du nord et du redéploiement de l'Etat dans cette zone."

-> C'est un gag. Dans un pays divisé des suites d'une guerre civile, imposer à un camp de désarmer tandis que l'autre reste armé, c'est quasiment assurer l'échec de toute tentative de transition démocratique. L'essentiel, c'était la paix, c'était la présence de toutes les institutions d'Etat (et elles fonctionnaient parfaitement au Nord, contrairement à ce que l'auteur suggère) et c'était le contrôle multipartite sur les élections, qui a très bien fonctionné également. Rappelons que de nombreux résultats "annulés" par le Conseil Constitutionnel pour pouvoir proclamer Laurent Gbagbo élu, avaient pourtant été contresignés par les représentants locaux de son parti...

"La principale faute de l'ONU est d'avoir certifié un candidat en particulier, et non l'élection dans sa globalité."

-> D'où cela peut-il sortir ? La mission de l'ONU a supervisé tout le processus électoral et certifié, conformément à sa mission, non un candidat (!), mais les résultats proclamé par le Président de la Commission Electorale Indépendante.

"Aujourd'hui, les forces onusiennes paraissent peu efficaces, en témoigne l'appel du camp Ouattara à une intervention plus franche de leur part."

-> Aucune mission de paix onusienne ne peut chasser un dictateur soutenu par les régiments les mieux armés du pays, constitués d'ailleurs au seul effet de protéger son pouvoir. Où cela se serait-il vu, depuis 65 ans d'ONU ? Les forces onusiennes n'ont été ni missionnées, ni prévues pour faire la guerre à l'un des deux camps. Elles étaient les garantes d'un accord de paix et de transition démocratique. Ce qu'elles peuvent faire de mieux, c'est de rester en place pour favoriser tous les efforts, ivoiriens ou extérieurs, de nature à faire aboutir cette transition et permettre ainsi de restaurer la paix.

Quant au titre "La partition du pays est une option" !… Depuis quand serait-il acceptable qu'une élection débouche sur une partition ? Depuis quand la majorité électorale devrait-elle migrer, avec familles et bagages, vers une partie pauvre, sans ressources et enclavée, du pays, que lui concéderait la minorité ? Proposition hallucinante.

L'autre option proposée par le "spécialiste" - "un gouvernement de techniciens pour rétablir le fonctionnement des institutions" - est tout aussi stupéfiante. Les institutions civiles fonctionnent en Côte d'Ivoire, il suffit de lire la presse en ligne ivoirienne. Les seules institutions ivoiriennes qui dysfonctionnent sont les régiments au service du dictateur[1]. Ils prennent leurs ordres auprès de lui, non du gouvernement : je vois mal en quoi la nomination d'un "bon" Premier Ministre changerait quoi que ce soit.

Notes

[1] Et bien sûr, les services, notamment fiscaux ou financiers, qui travaillent sous la contrainte de ces régiments.