La polémique soulevée par M. Philippe Doucet avec son paquet cultuel m'incite à publier[1] ces lignes écrites il y a quelques semaines comme mail.

Mon correspondant avait entendu parler d'une réunion locale organisée par le Parti Chrétien-Démocrate (le parti de Christine Boutin), et me demandait mon opinion sur ce parti. La voici donc ;-) Ce sera aussi un début de réponse au commentaire laissé ici par Philippe Métézeau.


Je connais un peu le PCD, dont le représentant argenteuillais Franck Debeaud est à la fois un ami et l'un de mes concurrents aux deux dernières élections.

La Doctrine Sociale de l'Église (catholique) est une philosophie politique solide ; quand je relis des textes des années 80, et même 60, et même du XIXème siècle, je suis souvent épaté par sa lucidité et son progressisme. Et bien sûr, au MoDem, nous en sommes très proches, même si le parti comporte des athées très militants, des gens de toutes religions, et que les catholiques pratiquants y sont très minoritaires.

La question d'afficher ou non l'étiquette "chrétien" sur une pratique politique, se pose pour les personnes comme pour les partis.

Il y a en France des personnes engagées en politique qui se présentent comme "démocrates-chrétiens" ou "chrétiens de gauche / cathos de gauche", en liant donc explicitement appartenance religieuse et ligne politique.

Pour une personne physique, au fond, ça ne pose pas de problème. Ça relève de la façon dont chacun construit ses convictions et ses engagements ; il n'y a qu'un même bonhomme (ou une femme) derrière plusieurs étiquettes politique, religieuse, professionnelle, sportive, etc.

Pour les partis, organisations collectives, la question est différente.

Dans un pays comme l'Allemagne, certains secteurs des Églises ont été les veilleuses de la résistance au nazisme (en arrêtant, par exemple, le massacre des handicapés en 1940-41, Cf. cet historique). L'identité religieuse a été nettement affirmée après la guerre dans le nom des partis CDU et CSU, alors qu'elle était absente des étiquettes avant la guerre (le parti des catholiques rhénans était le Zentrum).

En France, je pense qu'une condition d'accès à la scène politique est de reconnaître la République comme laïque. Historiquement, ça a été un choix de rupture pour les catholiques, avec la création du parti Jeune République et du PDP, après que le pape ait exigé la dissolution du plus grand mouvement politique qu'ait connu le catholicisme français, le Sillon, Cf. cet historique.

Depuis lors, les partis inspirés par la Doctrine Sociale de l'Église ont toujours fait le choix d'être des partis laïcs (MRP, puis Centre démocrate, puis CDS…) d'ailleurs capables de s'allier ou de fusionner avec des partis de tradition "laïque militante", voire anticléricale, comme en 1973 (création du Mouvement des Réformateurs), 1995 (création de Force démocrate) ou 2007 (création du MoDem).

Ces raisons historiques sont-elles dépassées ? Est-il plus efficace, dans une société qui se "communautariserait", d'afficher des étiquettes religieuses (ou autres), en assumant donc un statut de minoritaire et de porte-parole d'un groupe particulier ?

C'est le choix fait par quelques partis à étiquette uniquement religieuse comme le Parti des Musulmans de France, qui avait une liste aux dernières municipales d'Argenteuil.

Le PCD est dans une situation intermédiaire. Le C me semble l'emporter sur le D : la référence idéologique revendiquée par le PCD est la référence chrétienne ; malgré son nom, le PCD ne fait jamais référence, à ma connaissance, à l'idéologie démocrate (p.ex. dans la page "nos valeurs" de son site). Il n'a pas demandé, toujours à ma connaissance, à adhérer au Parti démocrate européen ou à l'Alliance (mondiale) des Démocrates.

Un avantage, en tout cas, de l'étiquette communautaire (religieuse) est de pouvoir lutter explicitement pour la reconnaissance de cette communauté. Une affirmation que j'entends souvent est que la religion devrait être une "affaire privée", s'exprimer dans "l'espace privé", etc., ce qui me semble tout à fait absurde : une religion réunit des gens hors du cercle familial. Sinon c'est une secte ;-) Le PCD a le mérite de revendiquer explicitement cette reconnaissance d'un groupe social, les chrétiens, qui peut avoir quelque chose à dire sur la politique du pays.


Mais pour ce qui me concerne, ma référence et ma philosophie politiques sont démocrates. Sans étiquette religieuse, nationale, ou d'aucune autre sorte de communauté. Démocrate sans frontière :-)

Et pour expliquer pourquoi, je ne peux pas dire mieux que Barack H. Obama : "Croire en l'autre : c'est ce qui a fait de moi un Démocrate".

Notes

[1] Avec quelques allègements, reformulations et corrections d'inexactitudes.