Y a-t-il eu des gens à l'UDF, ou au MoDem d'avant Arras, pour croire à l'autorégulation des marchés ?

Oui selon un article de Marianne cette semaine, titré : "Un programme pour l'Union avec la gauche ?". L'article cite "un conseiller de Bayrou" selon qui, je recite : "C'est vrai, nous avons évolué. Nous étions pour l'autorégulation des marchés, nous sommes pour la régulation".

Diantre. Qui a pu croire à quelque chose d'aussi absurde que l'autorégulation des marchés, en tout cas dans les années 1990-2000 ? Ça fait plus de 20 ans que les chercheurs ont décortiqué les mécanismes spéculaires (ceux qui créent les bulles) et la déconnexion entre "économie réelle" et valeurs de marché[1]. Certes, les Républicains de G. W. Bush ont continué à croire à la capacité d'autorégulation des marchés, mais ils n'étaient pas, que je sache, à l'UDF, ni soutenus par celle-ci.

J'ai mené une rapide enquête-goo-gle. En 1ère page, à part une reprise de l'article de Marianne, je trouve :

  • Le sénateur Jégou, cité par l'Hérétique, dans une allocution critiquant cette croyance à l'autorégulation des marchés financiers ;
  • Un blog militant vosgien qui s'attaque également à cette illusion ;
  • Une contribution sur e-soutiens qui dénonce ce "dogme" ;
  • Une reprise d'un article du Monde qui dénonce ce "mythe";
  • Une reprise du billet de Marianne (la blogueuse) qui dénonce l'imperfection des marchés, donc les limites de l'autorégulation ;
  • Une prise de position au sujet du président Barroso, texte qui l'appelle à passer de l'autorégulation à la régulation ... "comme tout le monde" ;
  • Un billet de militante Cap21 citant Frédéric Lordon, également dans le sens "autorégulation=mythe" ;
  • Un article de la Revue française de gestion (PDF), où "une partie des députés (européens) UDF" est citée comme ayant voté avec les communistes et les écologistes, contre un projet de directive sur les OPA, en 2001 ;
  • les autres pages retournées ne concernent pas l'UDF ou le MoDem.

Chou blanc, donc, dans la recherche des UDF-MoDem "autorégulateurs". Si vous en connaissez, merci de m'aiguiller !

Mon point de vue sur la question, c'est que la position de notre Mouvement s'est précisée grâce à la crise financière. Depuis la campagne 1999 des européennes, nous tendions (en tout cas François Bayrou tendait) à reporter la tâche de réguler sur le niveau européen, et à ne pas entrer beaucoup dans le détail (avec tout de même la référence à la taxe Tobin dans le programme 2002). Le besoin de régulation à différentes échelles et par différents acteurs se précise dans la campagne 2007 : par exemple François Bayrou justifie le besoin d'actions collectives des consommateurs (class actions) par l'affaiblissement de la régulation administrative. Pour passer à la régulation financière, nous manquions sans doute de technicité. La réflexion de Jean Peyrelevade sur "la refondation du capitalisme" a, j'imagine, contribué de façon décisive à des propositions précises dans le programme d'Arras, dont le "Glass-Steagall Act" (séparation entre banques de dépôt et d'investissement).


Sur la régulation, sur ce blog : "Réguler par la démocratie l'économie et la planète (pas facile)" (nov. 2009) ; "La démocratie économique, clé d'une prospérité durable" (oct. 2009) (où l'on verra qu'il y a bien eu selon moi, une tentation centriste de "séparation des ordres" entre économie et politique, fût-ce en des temps reculés) ; ou mon premier billet créé pour ce blog, "La technicité nous sauvera-t-elle des délocalisations ?" (août 2005).

Notes

[1] PS : et j'avais eu la chance de participer comme petit stagiaire à des travaux voisins, au laboratoire de Jean-Pierre Dupuy et Jean-Marie Domenach, le CREA, en 1987.