Cher M. Hollande,

La presse écrit que vous voulez rassembler "la gauche et le centre" parce que, selon France Info, vous avez déclaré :

"Et puis, il y en a d’autres qui ne savent pas s’ils sont de gauche, qui savent qu’ils ne sont plus de droite, ce qui est déjà pas mal, et qu’il faudra bien accueillir le moment venu, s’ils le décident"

Je ne sais pas de qui vous vouliez parler, mais ça doit être "d'autres" en effet.

Pour moi, je sais très bien si je suis "de gauche" : c'est non. Je ne tiens pas le moins du monde à être associé au triste bilan des gouvernements "de gauche".

Je sais très bien si j'ai été "de droite" : c'est non. Je ne tiens pas le moins du monde… etc.

PS et UMP se sont très bien passés de moi pour ruiner la République depuis 30 ans, et je vois mal pourquoi je "déciderais" de les y aider dans les prochaines années.

Si vous nous confondez avec une fuite d'eau de la droite vers la gauche, une sorte de copie symétrique des Besson-Jouyet-BHL, vous trouverez peut-être pour ce rôle de transfuges un pelé et deux tondus, mais peu de démocrates.

Nous ne venons pas vous demander l'aumône. Nous venons réparer vos dégâts.

Je sais bien que nous ne relèverons pas l'État tous seuls.

Je sais bien qu'il faudra vous accueillir, le moment venu, si vous le décidez. Si vous abandonnez vos songes creux, votre "réenchantement de rêve français" bricolé de trois défiscalisations et quatre charges sociales, si vous prenez la situation du pays au sérieux, si vous vous rendez compte qu'il y a d'autres priorités que de "faire gagner la gauche et battre la droite".

Je sais bien aussi qu'il faudra les accueillir, le moment venu, les barons et abbés de cour de la droite chiraco-sarkozyste qui se décideraient à sauter à la baille avant le naufrage — sûrement prêts, pour leur survie, à prendre le cap exactement inverse de celui qu'ils ont poursuivi et vanté depuis des années. On en entend déjà dire "on ne se rendait pas compte", "on savait mais on pouvait pas dire", et autres balivernes. Il faudra les entendre d'un air sérieux.

Car ce n'est pas de gaieté de coeur. Je préférerais bien que nous soyons assez nombreux, assez forts pour pouvoir mettre à la retraite toute la classe en place d'un seul coup. Que nous soyons déjà la majorité, le peuple en marche et tout ça. Mais ce n'est pas le cas, et c'est le vote qui a parlé en 2007, 2008, 2009, 2010[1]. Nous devrons faire avec toutes celles et tous ceux que le peuple français a élus.

Bon enfin voilà, M. Hollande. Des millions de gens se sont déplacés pour désigner le candidat du PS (et du PRG !). C'est vous. Félicitations ! D'autant que j'avais fait un autre pronostic : je ne suis décidément pas sinistrologue.

Mais pour le peu que je connais du centre, je peux vous affirmer une chose : le combat continue.

Notes

[1] Et j'oubliais 2011