Grâce à Christian Chavagneux sur Alternatives économiques, je découvre le récent rapport d'évaluation, par l'unité d'évaluation du FMI, des études… du FMI.

Ça m'a rappelé mon unique contact avec cette unité, un jour où elle avait souhaité déléguer une mission à un cabinet externe ("indépendant") ; ma proposition avait sans doute été présélectionnée, car j'avais eu depuis leurs bureaux de l'avenue d'Iéna, une téléconférence vidéo avec Washington… C'était peu après le 11 septembre, et je ne me souviens que de cette question-test impromptue : "qu'est-ce que vous recommanderiez pour contrer les circuits financiers du terrorisme ?". Ma réponse avait été à la mesure de mon ignorance du sujet (mettre sous surveillance les organismes de transfert d'argent liquide, et analyser les réseaux communautaires qui permettent le financement sur parole sans virement international). Elle n'avait pas du suffire : le FMI a choisi un autre prestataire !

Christian Chavagneux explique :

62 % du staff interrogé pour l’exercice, déclare qu’il vaut mieux que les résultats des analyses avancées soient dans « la ligne » de l’institution. Dans des entretiens réalisés sur place afin de prolonger les réponses au questionnaire, plus de la moitié des économistes sollicités confirment qu’on leur a demandé, ou bien qu’ils connaissent un collègue à qui on demandé « d’ajuster » leurs résultats pour qu’ils soient compatibles avec la ligne du parti.

Seules des périodes de grand trouble donnent l'occasion de lire des choses pareilles. Vous pourriez vous demander si Christian Chavagneux a chargé la barque dans son interprétation ("la ligne du parti"…). Eh bien non : la synthèse en français, qui fait à peine une page, consacre au même point un paragraphe entier :

les autorités de nombreux pays ont signalé que les études du FMI servaient à faire passer un message et de nombreux fonctionnaires de l'institution ont indiqué qu'ils se sentaient souvent obligés d'aligner leurs conclusions sur les opinions du FMI. Pour en améliorer la qualité et la réputation, et en développer l'utilisation, les documents de travail devraient refléter les résultats des analyses techniques même si elles ne correspondent pas aux messages avancés dans les documents préparés lors des activités de surveillance.

Ce que je retraduis, si vous me permettez, en français normal :

Normalement, les recommandations du FMI aux autorités nationales[1] devraient se fonder sur les conclusions des études.
En réalité, c'était l'inverse : les conclusions des études étaient biaisées pour correspondre à ce que le FMI recommandait aux autorités nationales.
La seule consolation, c'est que les autorités nationales n'étaient pas dupes.

Une petite consolation, pour ce qui nous concerne, est que, ayant la chance de lire Stiglitz, nous n'étions pas dupes non plus, et que ça nous a évité de duper les Français. D'autres s'en sont chargés…

Mais si même le FMI reconnaît le danger de la pensée unique, et la nécessité d'apprendre des faits, on peut espérer que la politique française prendra tôt ou tard ce chemin ?

Notes

[1] Les "activités de surveillance".