Sur le blog "French politics" d'Art Goldhammer, j'ai répondu à "Tacitus" sur les chances de succès d'une candidature présidentielle de François Bayrou.

D'accord avec Art : les sondages sont aujourd'hui médiocres, mais tout est possible.

François Bayrou me semble actuellement engagé dans une "primaire implicite" avec des leaders qui se disent "centristes" et sont au centre-droit :

  • son ancien lieutenant Hervé Morin, un "libéral" typique au sens français du terme, quelque chose comme un Républicain de l'époque où le parti de l'éléphant était régenté par Wall Street ;
  • son ancien n°2 Jean-Louis Borloo, qui malgré un parcours assez erratique d'un parti à l'autre, est un "radical" typique au sens français du terme : c'est-à-dire un "laïc" (sans références religieuses), très lié au monde des affaires — il était l'avocat d'affaires de Bernard Tapie dans les années 80 — et très talentueux pour construire des coalitions de forces non-partisanes, indépendantes ou non-idéologiques.

François Bayrou lui-même est, de mon point de vue, un Démocrate au sens de Barack Obama, enraciné dans la tradition "démocrate chrétienne" française (Marc Sangnier), qui a été rajeunie par les premiers philosophes "écologistes" des années 60 (Lanza del Vasto, Jacques Ellul, etc.).

Ainsi, François Bayrou, Hervé Morin et Jean-Louis Borloo représentent les trois composantes de l'ancienne UDF : une coalition que Valéry Giscard d'Estaing avait construite en 1976 pour contrebalancer l'Union de la Gauche et l'UDR/RPR de Jacques Chirac.

Une première étape pour gagner en 2012 sera d'émerger, dès 2011, comme le seul candidat crédible de tous ces courants. Même si la plupart des politiciens de ces mêmes courants soutiendront Nicolas Sarkozy pour maximiser leurs propres chances de réélection à l'Assemblée ; cela n'est pas un problème majeur.

La porte du "centre-gauche" — s'il y a vraiment un centre-gauche dans l'électorat français — sera plus difficile à ouvrir.

À la base, les cinq principaux candidats aux primaires de la gauche (Eva Joly et Nicolas Hulot pour EELV, François Hollande, Ségolène Royal et Martine Aubry — qui devrait remporter la primaire à mon avis — pour le PS) viennent justement de ce "centre-gauche" ! Mais le soutien dont ils bénéficient, la structure, la couverture média, tout cela dépend profondément de leur capacité à adopter le ton et les slogans de la gauche traditionnelle ("première gauche"). Qu'est-ce qui sortira de tout ça ? Je n'en sais rien.

Et troisième étape, une victoire de François Bayrou suppose un krach de Nicolas Sarkozy dans les sondages, ce qui n'arrive pas si fréquemment à un Président sortant.

Et l'un dans l'autre, j'estime les chances de succès à 75%.