Hier je commentais sur le scriptorium : l'auteur Thierry P., comme ses commentateurs, se désole qu'au MoDem, les fruits n'aient pas tenu la promesse des fleurs - et il incrimine François Bayrou et son ambition présidentielle, qui serait selon Thierry P la "vraie nature" du "projet démocratique" invoqué.
Moi aussi, je me demande pourquoi et comment ça a marché moins bien que nous l'espérions. Au fond, pour moi il y a eu deux périodes : la première a duré 4 ou 5 semaines, la deuxième dure depuis deux ans et demi.
La première période a été un contrecoup de la présidentielle : des dizaines de milliers de gens, voyant que le changement ne se faisait pas au sommet, ont décidé de le faire eux-mêmes. Se sont engagés.
Et il y avait, tout de suite, les législatives : les néo-militants n'ont pas su comment les gagner, les militants anciens n'ont pas su comment les gagner, le siège national épuisé par la campagne présidentielle n'a pas su comment les gagner, Nicolas Sarkozy a su comment les gagner, nos candidats et leur enthousiasme ont été soufflés net.
La campagne de l'UMP répétait en boucle un argument unique : "il faut donner au Président de la République la majorité dont il a besoin". Rien sur la France, rien sur le pouvoir législatif, rien sur le contenu. Et ça marchait. Je tenais au siège la permanence téléphonique "projet", prêt à répondre aux questions des 500 candidats et équipes de campagne de France sur nos propositions politiques : je n'avais pas deux appels par jour.
Depuis cette fin mai 2007, j'ai l'impression que beaucoup d'adhérents du MoDem sont des gens au tempérament plein d'espoir, mais qui ne voyant pas d'espoir de gagner, de réaliser ce qu'ils ont dans le coeur, se découragent ou se retournent contre des boucs émissaires. Dont François Bayrou, accusé de mettre en priorité n°1 l'élection présidentielle.
Comme si lui, François Bayrou, espérait vraiment que la politique du pays puisse changer, que la France puisse se relever, qu'on puisse passer de la décomposition à la reconquête. Au fond, peut-être que certains lui en veulent d'y croire encore.
Et ce matin, j'écoute par internet le Grand Jury de dimanche, que plusieurs amis m'ont dit avoir trouvé passionnant. Et justement la même question (sur les échecs du MoDem) était posée à François Bayrou, à partir du marchandage souhaité par Daniel Cohn-Bendit avec le Parti socialiste. J'ai bien aimé la réponse :
"Je suis en désaccord avec la perspective (que Daniel Cohn-Bendit) étale dans tous les journaux et dans le Figaro en particulier : c’est la réélection de Nicolas Sarkozy, « on est absents contre 50 circonscriptions ».
Je ne crois pas une seconde que si Nicolas Sarkozy était réélu, il y aurait une majorité contraire. La dynamique de l’élection fait que ça n’existe pas."
Expérience de 2007 faite, je confirme…
La dynamique de changement, c'est dans la campagne électorale qu'on peut la créer. Non dans les marchandages d'avant-campagne, non dans le commerce de peau de l'ours, non dans le renoncement.
Je trouve une tonalité tout à fait similaire dans la partie suivante du Grand Jury, sur la politique industrielle et l'emploi. Les liens sont de moi
François Bayrou : "On a l'impression que tous les jours, on se bat en défense, jamais en attaque ... tout ceci nous conduit à une catastrophe nationale. (Il faut) maintenir un outil industriel performant."
Etienne Mougeotte : "Je préfère qu'on fabrique des satellites que des machines à laver !"
François Bayrou : "Je suis, sur ce point, en désaccord avec vous. Dans le beau département d'où je suis élu, il y avait sur la côte basque une entreprise qui fabriquait le produit le plus obsolète - pour vous ! - qu'on puisse imaginer : des panneaux indicateurs routiers. Le produit le plus basique apparemment, composé de tôle repoussée, et de peinture dessus. Et ceux qui auraient repris (votre) raisonnement, vous auriez dit : il y a bien longtemps que ce prouit ne devrait plus être fabriqué ici ... partez donc en Roumanie ou même en Chine !"
Etienne Mougeotte : "Je n'ai pas dit cela !"
François Bayrou : "Mais si ! vous avez dit que vous préfériez qu'on fabrique des satellites plutôt que des machines à laver. Moi je veux qu'on fabrique des satellites et des machines à laver. Parce que cette entreprise de signalisation routière est devenue la première dans son secteur, c'est elle qui a pris des parts de marché à la Roumanie et à la Chine. Et il y a le même nombre d'emplois. Ce ne sont pas les mêmes emplois : des emplois de designers, des emplois de commerciaux. Un grand pays comme le nôtre doit être présent sur tous les grands secteurs, et les machines à laver aussi.
Pan par pan, la France abandonne des pans entiers de ce qui fait notre capacité. On nous dit "vous avez des heures de travail trop chères…" Ça, je n'y crois plus.
J'ai observé ce qui s'était passé très récemment : le contrat des centrales nucléaires à Abu Dhabi. Nous avons été battus par la Corée. Sur le TGV, battus par la Corée. Sur l'automobile, battus par la Corée.
J'ai regardé les chiffres. La Corée c'est 50 millions d'habitants, pas 400 millions de travailleurs prêts à être bradés ! Le coût du travail en Corée est supérieur au coût du travail en France.
La Corée : (sa) performance (pour) l'enseignement primaire est la première du monde. Scolarisation des (jeunes à l'âge) étudiant : premiers du monde.
Un modèle industriel intégré : leur constructeurs automobiles ont intégré l'ensemble de la chaîne, et produisent eux-mêmes leur acier.
1990 : la France dépose 8 fois plus de brevets qua la Corée. 2010 : ils déposent 4 fois plus de brevets que nous.
Une politique de reconquête fondée sur un modèle industriel original et sur une éducation de première qualité mondiale, voilà ce que la France peut à son tour espérer, à condition qu'on change la politique qu'on connaît, et qu'on renonce au renoncement."
Il faut pour le Mouvement démocrate passer à une troisième période, celle de l'espoir que l'on construit.
A 18 jours des régionales, nous sommes face à ce défi : changer la politique, renoncer au renoncement, lancer la reconquête. Fondée sur un modèle de développement original et une éducation de première qualité mondiale. Vive l'Ile-de-France démocrate !
"Moi aussi, je me demande pourquoi et comment ça a marché moins bien que nous l'espérions. Au fond, pour moi il y a eu deux périodes : la première a duré 4 ou 5 semaines, la deuxième dure depuis deux ans et demi."
=> Qui ne se sera pas un jour posé la même question.
En réponse à la remarque tu m'as faite, je t'ai répondu sur mon blog. Ce point de vue n'a pas la prétention d'apporter une réponse définitive sur les dysfonctionnements qui ont fait que cela n'aura pas aussi bien "marché" qu'escompté.
http://lescriptorium.wordpress.com/...
Chacun a ses clés de lecture des éléments factuels.
J'aime beaucoup la formule "ça a marché moins bien que nous l'espérions". Dans le genre litote, elle se pose un peu là !
Sinon, d'accord sur la fin du billet. Mais pas pour exonérer FB et son premier cercle de leurs responsabilités dans le gâchis actuel. Tout est à repenser, tout est à reconstruire ! Il faut seulement donner les coudées franches à des gens qui sauront faire. Mais les auront-ils ?
Je suis très étonné par les deux dernières phrases. J'ai toujours eu les coudées parfaitement franches dans ma circonscription, et tous nos adhérents diraient la même chose, que je sache. A ceci près que nous avons les coudées franches *ensemble* : à condition de nous mettre d'accord entre nous !
On voit bien que dès que Estrosi ou un autre essaient de mettre en place des éléments de ce qui pourrait être une politique industrielle, Bruxelles s'émeut.
Au bout de 15 jours de Bayrou président, soit son discours serait à remiser au placard, soit il serait en conflit ouvert avec bruxelles.
Comme il a plié en votant pour le traité de lisbonne malgré son rejet par la population, chacun sent bien que son opposition n'est que pure façade. de fait il n'a plus aucune crédibilité, en tout cas pas plus que celle de n'importe quel présidentiable qui passe bien dans les médias. on veut bien croire qu'il serait plus sympathique que sarko, personne n'imagine qu'au fond il serait capable de faire mieux.
Je crains même qu'avec son obsession anti-déficit il n'eût fait pire que sarko pendant la crise de 2009 - dont nous ne sommes pas sortis.
En fait, une bonne partie du problème est résumé dans le 2ème commentaire de Romain : il a attendu quelque chose de Bayrou au lieu de profiter de l'autonomie que donnait la construction d'un nouveau parti. Et cela peut s'appliquer aussi à la politique industrielle de la France où certains sont passifs et attendent que cela se passe en attendant les subventions de l'état, avec en plus un volontarisme affiché qui fait croire que l'état y peut quelque chose.
Que l'on est loin des automoteurs rêvés par Bayrou...
Comme d'habitude, je pense quasiment la même chose que l'auteur (y compris ses interventions sur le Scriptorium). J'ai tout de même deux remarques.
- les problèmes internes (et les opportunités d'initiatives démocrates) n'ont pas eu la même ampleur dans tous les départements, selon les personnes qui y officiaient (on pense évidemment aux 92, 13, 75... mais il y en d'autres)
- FB a bien évidemment raison sur le maintien et la relocalisation des activités industrielles ; pour autant, le fait est que le politique n'a aujourd'hui plus aucun moyen d'agir en la matière, comme le dit le billet en lien ci-dessous (j'aimerais bien qu'il soit erroné... mais je n'ai pas trouvé comment le montrer)
http://www.lesdemocrates35.fr/blog/...
Pas du tout, mais alors pas du tout d'accord avec Christophe Rabiet, selon qui les pouvoirs publics ne peuvent pas influencer la localisation des entreprises. C'est exactement l'inverse qui est vrai. Pour s'en rendre compte, il suffit de constater que même le plus petit village de France a une stratégie de localisation / implantation d'entreprises. Alors pourquoi pas l'Etat ?
Les "lieux" (territoire, infrastructures, réglementation, réseaux relationnels, fiscalité...) relèvent presque uniquement des pouvoirs publics. Evidemment ils sont en concurrence avec le reste du monde. Ils doivent donc agir dans deux directions :
Bien sûr, cela fait appel à cent leviers politiques différents - et ce n'est pas le même qui sera décisif pour 2 établissements différents, 2 secteurs différents, 2 sites différents. Il ne suffit pas de dire "on supprime la taxe professionnelle", ni même "on réduit les charges sociales" (F. Bayrou reconnaît sur ce point avoir évolué par rapport à son discours d'août 2005). C'est peut-être ce qui fait croire à certains (comme Christophe Rabiet) qu'il ne s'agit que d'incantations. Alors que les nombreux succès - donc ceux de l'Allemagne ou de la Corée du Sud, cités par François Bayrou - montrent qu'une stratégie de fond, et de long terme, peut être gagnante.
@ edgar : mes excuses si la publication de votre commentaire a été retardée par le filtre qui l'a envoyé en "indésirable".
J'en profite pour dire quelque énervement devant l'argument très répandu chez les eurosceptiques : (François Bayrou) "a plié en votant pour le traité de lisbonne malgré son rejet par la population, chacun sent bien que son opposition n'est que pure façade. de fait il n'a plus aucune crédibilité"
Les mêmes eurosceptiques disent (à juste titre) que le traité de Lisbonne reproduit de très près le TCE. Qu'auraient-ils dit si François Bayrou, après avoir fait campagne pour le TCE, avait voté non à Lisbonne ? Ne l'auraient-ils pas traité d'affreux démagogue prêt à retourner sa veste selon les brises de l'opinion ?
(au passage, le torchon de 40 pages publié par le Parti de gauche et qui se présente comme un argumentaire anti-Bayrou, excelle dans ce genre d'interprétations et procès d'intentions à la "pile t'es nul face tu perds").
François Bayrou trouvait que le TCE valait mieux que le traité de Nice et a appelé à voter "pour". Il a pris acte de son rejet par le peuple français et a appelé à remettre le sujet en chantier plutôt que de passer en force à l'Assemblée. Nicolas Sarkozy est passé en force. Chacun ses responsabilités - nous sommes, si peu que ce soit, en démocratie, non en démiurgie ... et en tout cas, pas en démiurgie bayrouienne !
Hum...
Difficile de dire que Sarko est passé en force contre l'avis du peuple tout en donnant un satisfecit à bayrou pour l'avoir aidé.
Désolé de dire que toute la crédibilité de Bayrou est partie en l'air à ce moment. Et je ne parle pas en tant que commentateur détaché, je parle en électeur de gauche ayant fait confiance au discours de bayrou sur le respect de la démocratie et de la volonté des français, et lui ayant accordé sa voix en 2007. On ne m'y reprendra pas et je ne peux plus envisager une seconde de voter Bayrou sachant que le conformisme proeuropéen vaut plus à ses yeux que la volonté des électeurs.
Bayrou pouvait parfaitement voter non à Lisbonne en expliquant qu'il s'agissait de faire respecter la voix des français. C'était l'esprit de sa campagne de 2007. En faisant primer ainsi ses convictions européennes il a clairement marqué que son respect de la vox populi n'est qu'un coup de chapeau formel, destiné à amuser la galerie.
Pas de bol, we are not amused et nous avons de la mémoire !
@FLN : je ne partage pas du tout ton analyse de début de billet sur les cause de l'échec du MoDem :
http://benoitb.lesdemocrates.fr/201...
Je suis mort de rire, de voir que certains en lisant mon commentaire me considèrent comme quelqu'un de "passif" qui "attendait quelque chose de Bayrou" au lieu d'être "automoteur" !!!
Mais bon, je peux rien pour ces mecs-là. Ils sont bouchés ; qu'ils le restent.
De toute façon, d'ici trois semaines, les choses sérieuses vont commencer, pour le meilleur ou pour le pire. C'est là que certains comprendront peut-être ce que je veux dire en parlant de "coudées franches".
Dans le domaine particulier des délocalisations / re-localisations, puisque nous sommes en pleine campagne des régionales, autant rappeler que la région a ad minima la possibilité d'aider les PME en difficulté selon des critères dont elle est maître, de faciliter des plans de reprise de certaines entreprises en difficulté par ses salariés, et si on se projette bien plus loin dans l'avenir de financer les moyens en Recherche qui permettront de mettre en place des industries durablement implantées sur notre territoire.
Si la Région a ces possibilités, il me semble donc faux de dire que l'Etat n'en a aucune. Il nous manque une vraie politique industrielle en ce pays, il existe des tas de moyens - plus ou moins moraux on va dire - de privilégier la ré-industrialisation de notre territoire, mais force est de constater que peut-être C. Estrosi ne se montre pas toujours à la hauteur.
Mon opinion sur le "foirage" du MoDem ?
- trop de com' à la con,
- trop de francs-macs imbéciles et de sectarisme antilibéral,
- trop de Sciences-Po rive gauche qui se la pètent
- des élus locaux pas à la hauteur
- un Bayrou devenu asocial et incapable de mener ses troupes