Le débat lancé en 2005 par François Bayrou sur les charges sociales, et qui avait rebondi lors des législatives 2007 sur le thème de la TVA sociale, revient à la Une. Un peu dans la foulée du conflit sur les retraites, un peu parce que les expédients du budget 2011 ont leurs limites, un peu parce que les Anglais ont tiré les premiers.

L'énoncé du problème est simple : comment financer les prestations sociales, en argent et en nature (système de santé, logement social, transports publics) sans décourager la création d'entreprises, l'activité économique, l'emploi[1] ?

Une solution débattue depuis longtemps au sein de l'UDF puis du MoDem est la TVA dite "sociale" (voir sur ce blog en 2003, 2004, 2008 en PDF, et surtout juin 2007).

Marie-Anne Kraft a publié sur mediapart un exposé très clair et fouillé sur la TVA sociale ; voici quelques commentaires[2] sur les réserves qui existent par rapport à la TVA dite sociale, et qui sont à mon avis fondées.

1 : Les partisans de la TVA sociale tendent à surpromettre. Les bénéfices grandioses qu'ils annoncent pour l'économie supposent un transfert *massif* des charges vers la TVA. Pour ramener la France dans le milieu du peloton des pays de l'OCDE en termes de charges sociales, il faudrait les réduire d'environ 100 à 150 milliards en augmentant la TVA de 10-15 points (taux de 30-35% au lieu de 19,6%). Ce n'est pas raisonnable, car ça provoquerait un coulage massif (transfert de valeur vers d'autres pays au sein des multinationales, achats à l'étranger par les consommateurs...).

2 : Deux tiens valent mieux qu'un tu les as. Concrètement : près de la moitié de l'activité économique n'est pas soumise à la TVA, alors qu'elle est soumise à cotisations salariales (secteur public, associatif "non marchand", assurances, santé...). Tout concentrer sur la TVA, c'est concentrer toute la charge sur la moitié de la production de valeur. Or la TVA représente déjà à elle seule plus de la moitié des recettes de l'Etat !

3 : Une hausse de la TVA impliquera au moins un peu d'inflation (notamment en raison du point 2, qui implique des rigidités : certains secteurs verraient leurs coûts allégés mais ne baisseraient pas leurs prix ; d'autres secteurs verraient leurs coûts si alourdis qu'ils devraient les augmenter). Donc, il y aura des surcoûts pour ceux qui consomment le plus de biens et services marchands vendus en France, en proportion de leurs revenus : en substance, comme l'article le remarque, les pauvres (notamment les retraités) paieraient proportionnellement plus que les riches, ce qui demanderait à être compensé. Cette compensation est possible, l'argument n'est donc pas très sérieux, mais il a fait florès en 2007 et conduit au demi-succès du PS entre les deux tours des législatives.

Ceci dit, il est probable que la TVA soit augmentée tôt ou tard, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni ... simplement parce que c'est la solution la plus simple pour éviter la faillite de l'Etat.

Notes

[1] L'impôt, voilà l'ennemi !

[2] Incidemment, on lit dans cet exposé que François Bayrou serait "réservé" sur la TVA sociale, alors que selon l'inénarrable Jean-Luc Mélenchon, une hausse de 6 points figurait dans le programme de François Bayrou (c'est évidemment faux, mais M. Mélenchon est arrivé à le faire croire à quelques-uns dans son camp... et c'était sa "preuve" du fait que François Bayrou est "de droite" ! Dans le camp des faux-monnayeurs, on n'en est pas à ça près).