Je découvre grâce à edgar le blog de Descartes, du progressiste très sérieux et exigeant, et assez élégant.

Descartes pourfend dans quelques billets une naïveté-de-gauche (ou de droite, d'ailleurs), selon laquelle il suffirait de créer de la monnaie, ou de faire payer les riches, ou d'emprunter plus[1], pour que… tout continue comme avant.

"Oui, de l'argent il y en a... à condition de le laisser là où il est. Comme l'argent du Monopoly, il n'a de pouvoir d'achat qu'aussi longtemps qu'il reste dans la sphère financière, sous forme de titres qu'on ne vend que pour en acheter d'autres. Si on cherchait à transformer cet argent virtuel en argent réel, par exemple en vendant ces titres pour acheter des biens réels, les cours s'effondreraient et on récupérerait en fait une faible partie de la valeur théorique."

C'est vrai pour tout revenu du capital : avoirs financiers dont parle Descartes, et avoirs fonciers (qui représentent aujourd'hui l'essentiel).

Effectivement, selon mon calcul sur un coin de table, une plus forte imposition du foncier permettrait de collecter autour de 20 milliards / an[2] ; pris aux propriétaires, ce qui ne leur fera pas plaisir ; 20 milliards au total, c'est beaucoup d'argent pour chacun : de l'ordre de 400 € par logement et par an[3] !

Or la valeur totale du foncier français est autour de 12000 milliards dans les comptes nationaux. On n'arriverait donc à en collecter que 1,7 pour mille (en plus des impôts actuels), ce qui peut sembler ridicule - comparer aux taux de l'ISF !

Mais à mon avis, au-delà d'un tel montant, l'Etat pousserait des propriétaires à vendre pour se procurer les liquidités nécessaires, et ferait donc baisser la valeur foncière dont il prétendait bénéficier[4].

Plus profondément, dire que l'Etat (au sens large : secteur public) doit trouver 100 milliards par an, ça ne veut pas dire qu'il faut piocher 100 milliards dans un trésor jusqu'ici caché ou inaccessible ; ça veut dire qu'il faut affecter pour 100 milliards de plus de valeur réelle (travail ou autre), produite en France et par les Français, au secteur public[5].

Cela veut dire :

  1. de la production marchande (ou non marchande mais de même valeur), de l'emploi, un foncier bien valorisé, etc. !
  2. la capacité pour le secteur public de prélever efficacement une part de cette production.

Tout un programme pour un quinquennat !

Notes

[1] Sans parler de décréter rétroactivement nuls certains emprunts publics !

[2] Je parlais de 10 milliards ici, en limitant cette surtaxe aux mutations. Jean Peyrelevade arrive à peu près à la même estimation pour l'ensemble des revenus du capital, 15 à 20 milliards

[3] En ajoutant aux logements, le foncier professionnel et agricole, pour arriver au total.

[4] C'est simplifier : je sais bien qu'il n'y a pas d'effet de seuil.

[5] Ou bien sûr diminuer les besoins de financement du secteur public d'autant, à service rendu identique ; ou moit-moit…