Suite du billet du 15 décembre !... qui se terminait par :

Parfaitement au courant des règles nouvelles de la mondialisation, salariés, consommateurs, riverains… savent ne signer avec l’entreprise que des compromis précaires et révocables.

En même temps, comme acheteurs, comme investisseurs, comme habitants, comme salariés, ils souhaiteraient pouvoir s’appuyer sur des engagements de long terme. Ils souhaiteraient que l’entreprise soit capable de produire de la prévisibilité, en interne et dans son environnement immédiat.

Ce paradoxe pourrait être au cœur de la relation « entreprise et société » dans la décennie 2010. Ou pas ?...


C'est à travers ces divers jeux d'influence - opinion publique, salariés, ONG… - que la notion "d'entreprise citoyenne" devrait se concrétiser. Pour moi, "l'entreprise citoyenne" de la prochaine décennie sera celle qui saura trouver un équilibre entre les diverses parties (stakeholders) qui toutes conditionnent la continuité, et parfois la nature, de son activité.

Reconnaître autour de soi des intérêts légitimes pérennes, prévenir les risques, c'est déjà considérer le long terme, prendre du recul par rapport au yoyo boursier. C’est pourquoi la dimension "citoyenne" pourrait s'inscrire, dès ces premiers jours de 2009, dans les perspectives de "sortie de crise".

"La sortie de crise ne sera harmonieuse et paisible que si elle débouche sur un capitalisme qui entre en synergie avec l’écologie et la société." (Alain de Vulpian, ce 2 janvier).

Des années 75 à 2005, alors que se déployaient les logiques de croissance et d’instabilité de la mondialisation, la stabilité de la société française avait résisté aux vagues de délocalisation et au chômage de masse – contre toutes les prédictions faites auparavant. Le système de répartition étatique, qui caractérisait notre pays, est apparu, pour les entreprises, comme une assurance de paix sociale, alors qu’une croissance "à l'américaine" des inégalités eût induit une menace de crispation sociale.

Que pourrait-il se passer dans les années 2010 ?

D’un côté, l’articulation entre système global et capacités d’action locales ou nationales pourrait être été mieux comprise non seulement par l’opinion, mais aussi par les décideurs nationaux – politiques, syndicaux, médiatiques. Les porte-parole de toute sorte seraient en mesure de formuler des revendications mobilisatrices, au-delà de la déploration ou du refus qui caractérisait les années antérieures.

De l’autre côté, la France devra, sinon régler la facture des décennies antérieures, du moins cesser de creuser ses déficits ; elle devra donc rendre ses services publics plus efficaces au regard de leur coût. Dans une République dont les services publics sont le symbole de l’intégration sociale – droits à la santé, à l’éducation, transports publics… - cela pourrait nourrir des tensions potentiellement violentes. La capacité des gouvernants à informer et responsabiliser leurs interlocuteurs, à trouver des terrains d’entente et des compromis, sera essentielle. La capacité des entreprises à s’inscrire dans ces compromis, à investir sur la stabilité et le renouveau du territoire, le sera également.

Il y a aussi le scénario de l'implosion : celui d’un cercle vicieux de tensions, entre

  • des grandes entreprises de plus en plus exigeantes vis-à-vis du site français (en concurrence avec d’autres),
  • une société de plus en plus frustrée et paniquée par les conséquences de l’appauvrissement de l’État.

Dans l’environnement structurellement instable de l’économie nouvelle, précieuse sera la capacité… à durer.