Hier soir, une amie m'envoie par mail un "pps" plein de ce qui est présenté comme des photos de Gazaouis déchiquetés par les bombes - des photos qu'on ne met pas dans des médias pour grand public adulte comme enfantin (et aussi des photos de Tsahal en bon ordre de marche, comme on en voit aussi dans les médias).

Un bombardement sur une école a fait des dizaines de morts dont, se défend Israël (!), "deux membres du Hamas" dont on donne les noms.

Farid L, qui a commenté un de mes précédents billets sur Gaza, exige chez L'Hérétique que je qualifie "l'opération sur Gaza" ("je n'ai pas eu de réponse l'opération sur Gaza, telle qu'elle se déroule, est ce oui ou non du terrorisme ?").

C'est me prêter un grand statut de personnalité de référence, que de me demander de réduire mes réponses à des oui ou des non… J'essaye de dire sur ce blog des choses dont je sois sûr, c'est déjà assez difficile comme ça quand on n'a pas d'info privilégiée et qu'on parle de loin, en commentateur, de très très loin de l'horreur… Alors, je regarde ce qu'en disent les premiers concernés.

En l'occurrence, Israël se défend de pratiquer le terrorisme (alors que le Hamas ne s'en défend pas, que je sache).

Selon l'Ambassade d'Israël "Les cibles visées sont toutes des cibles de l’Organisation terroriste". Et il est acquis que Tsahal multiplie les précautions afin de réduire le nombre de civils tués (dont, justement, le fait de téléphoner aux civils avant de tirer - dans Libération papier, ce jour - ou de lancer des tracts appelant à évacuer les sites) : c'est l'inverse que pratiquent habituellement les terroristes, en visant les masses de civils.

L'armée israëlienne est dans une logique de guerre (et en état de guerre, accessoirement).

Des termes comme "crimes de guerre" sont certainement appropriés pour désigner de nombreuses actions de l'armée israëlienne au cours des dernières années.

La "dispoportion" dans la riposte israëlienne me semble également évidente (c'était l'objet de mon tout premier billet), d'ailleurs le même site de l'Ambassade ne la nie pas, en répondant : "La proportionnalité d’une riposte ne doit pas être établie de manière mécanique à la lueur de l’arithmétique des pertes et du nombre des victimes d’un côté ou de l’autre, mais en fonction de l’ampleur de la menace qui pèse." La menace qui pèse sur les civils de Gaza attaquée par Tsahal étant évidemment dix, cent fois … plus grande que celle qui pèse sur les civils israëliens, la menace sur les structures publiques de Gaza étant incomparable avec celle (inexistante ou presque) contre les organisations étatiques en Israël, la disproportion en découle.

S'il faut conclure, l'Ambassade écrit encore : "Aucune explication valable ne peut justifier ces agressions permanentes contre Israël." C'est vrai, mais c'est un beau sophisme aussi. Une explication valable ne justifie pas (pour justifier, il faut une justification), mais elle explique… Aussi, quelle que soit l'horreur de l'attaque israélienne contre Gaza, je continue à y voir "plus : une faute". Cette attaque devrait susciter une montée en puissance d'attaques futures contre Israël, et mettre le Hamas en situation de se refuser à toute négociation pour ne pas perdre son principal atout : le soutien majoritaire, et croissant selon la presse, de la population palestinienne. Je suis prêt à imaginer que les Palestiniens ont dépassé depuis au moins dix ans le niveau d'écrasement au-delà duquel on n'espère même plus être traité humainement, dans une relation équilibrée, le niveau au-delà duquel on n'a plus que deux espoirs, la vengeance et la fuite.

Bref, je suis pessimiste.