Hier samedi 16 mars, c'était "On n'est pas couché".

Avant ça, j'ai battu mon record de distance à pied en courant — en fait, non, en marchant — l'Écotrail de Paris sur 50 km. Une bien belle épreuve, que je recommande vivement ! même si c'est pas donné.

Je m'étais assez bien préparé depuis trois mois ; j'avais acheté et tenté d'optimiser le matériel requis (camelback et compagnie). Je suis parti gaiement, le moral à bloc. Vers le douzième kilomètre, dans les bois au-dessus de Versailles, j'ai dit "c'est la course que j'ai toujours rêvé de faire ! mais on verra si je pense pareil au 40ème kilomètre".

Au 25ème, une tendinite a commencé à se manifester à la rotule droite ;… la photo, c'est au ravitaillement du 28ème km.

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… Au 30ème, respiration de plus en plus difficile "thorax bloqué", j'avais déjà connu ça à l'arrivée d'un marathon, mais cette fois-ci l'arrivée est loin ; j'alterne footing, marche et arrêts plié en deux. Au 40ème, qui est le deuxième et dernier ravitaillement, je ne peux rien avaler et me demande comment continuer. Mais je reçois un bon conseil : "marche jusqu'à ce que ça se débloque". C'est là que le parcours devient moche, quatre kilomètres dans les chantiers en bord de Seine, face au vent. Puis on arrive à l'Ile-Saint-Germain, vent dans le dos, j'essaye de reprendre la course, berk renvois de bile (je sais, c'est moche), mais ça détend le thorax, et me voilà reparti, doublant quelques-uns des 200 ou 300 trailers qui m'avaient dépassé pendant mes kilomètres de marche.

Et voilà, les 50 kilomètres bouclés ! en quarante minutes de plus que ce que j'espérais, mais quelle importance.

Donc je confirme ;-) : le trail, c'est dur ; ça n'a rien à voir avec le marathon (où, sur route plate, il "suffit" de faire toujours le même geste en s'interdisant de se poser des questions) ; et il vaut mieux ne pas faire le malin dans la première moitié, parce qu'on le paye très très cher dans la seconde.

Et finalement, sans doute aurais-je dû réattaquer plus tôt, reprendre la course même si ça n'allait pas, même si les kilomètres précédents avaient été durs, même si l'arrivée semblait lointaine.

Il y a pas loin de 2000 ans, Paul de Tarse, qui aimait bien l'athlétisme, écrivait : Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but.


Comme j'ai fait une bonne sieste de récupération entre 18 et 20 heures, j'ai pu regarder la télé à minuit, une fois n'est pas coutume, et je suis tombé au début de la discussion avec François Bayrou sur On n'est pas couché.

Comme d'habitude, François Bayrou explique en toute franchise l'effondrement du pays. Pas avec des grands chiffres, mais avec des exemples tous simples, tragiques comme les suicides devant Pôle Emploi ou risibles comme la facture illisible d'EDF — ce que les Français, dans toutes les régions, vivent et voient tous les jours ; ce qu'une intelligentsia parisienne regarde avec amusement — car, pendant que le bateau prend l'eau, que les moteurs se noient, et que les passagers suffoquent, les commentateurs de la vie politique sont sur le pont supérieur et tout va bien pour eux, merci.

Alors les commentateurs présents[1], Philippe Labro et compagnie, répondent à François Bayrou : "bien sûr que ça va mal, mais enfin, il serait temps d'arrêter de sonner l'alarme ! c'est fatigant, tout de même ! il serait temps d'accepter un poste, une place, un rôle, de rentrer dans le rang !"

C'est vrai, ça : François Bayrou nous dit que le navire France coule (le surendettement, le chômage de masse, l'effondrement de la production nationale et des exportations…), et il nous dit que ça dure depuis bien quinze ans ; d'ailleurs, il le dit depuis pas loin de quinze ans ; alors, pour prix de tant de persévérance, pourquoi n'accepterait-il pas une place dans une cabine de 1ère classe ?

Thierry de Cabarrus, "chroniqueur politique" sur leplus, approuve hautement :

On a envie de lui dire que, bien sûr, il a raison, que c'est ce qu'il faudrait. C'est d'ailleurs ce que lâche Laurent Ruquier dans un éclat de rire: "On se dit 'il a raison mais il n’y arrivera pas!' Les autres, ils sont élus. C’est tout le problème !" Là encore, la salle se gondole et l'on a mal avec le patron du Modem qui déclenche des fous rires à défaut d'adhésion.

Et pour le coup, le chroniqueur a raison sur un point : la mobilisation générale pour sauver le pays, que François Bayrou espère et espère encore, n'a pas l'air pour demain. Les malins au pouvoir ont une très grande longueur d'avance.

Mais chacun de nous a le choix de partager leur cynisme, ou non.

Chypre, l'Italie, l'Espagne, la Grèce… nous apprennent ce que signifient des décennies passées à accepter le n'importe quoi au pouvoir. Nous sommes en politique parce que nous avons vu autre chose — De Gaulle, Barre, Kohl, Merkel… Nous avons vu des gens décidés à relever leur pays et pour qui tout le reste était accessoire.

Lessivé par les précédentes élections, à plus d'un an de toute nouvelle campagne, délaissé par ceux de ses partisans qui avaient quelque poids, dépourvu d'influence ou presque, l'ex-député de Pau aurait pu se dire "et puis m…", arrêter de courir, aller se promener en attendant que le vent tourne.

Ce n'est pas le genre du citoyen Bayrou.

Notes

[1] Et une partie des auteurs de twitts sur l'émission.