Reprise de quelques commentaires chez Art Goldhammer et Arun Kapil.

(Art) :

For the time being, the French political map has two large continental blocs (UMP, FN), a smaller island-nation across La Manche (the "Blairite" PS), a shrinking center, and an archipelago of islands basking in their own purity (EELV, NPA, etc.). With Sarkozy apparently once again in firm control of the UMP and a base more than unfriendly to Alain Juppé, the political contest will be an ugly rumble between the Sarkozites and the Le Penists to see who will be more successful at appealing to the primal fears and vengefulness of those voters who think that depriving schoolchildren of an alternative to a pork lunch is the best answer to the problems facing the country in the decade ahead.

Tout à fait d'accord. Et pour l'effondrement du Centre, on ne peut pas en blâmer un gouvernement de gauche conservatrice, ni l'absence du MoDem dans ce gouvernement : car les choses ne sont pas bien différentes pour le centre britannique, les Lib-Dems, alors que la droite y est au pouvoir en coalition avec le centre. Ils semblent voués à s'effondrer aussi, les électeurs préférant, comme alternatives au bipartisme, le nationalisme façon royaume-uniste UKIP ou façon écossaise SNP.

Le mot inquiétant est l'euphémisme le plus euphémique que je trouve.

(Art encore) :

The far right is redrawing France’s political map. The National Front has secured its place at the center of French politics. (Marine Le Pen) has broadened the party’s base by refocusing its platform, altering its rhetoric and appealing to younger voters. Polls show that the FN electorate remains staunchly opposed to immigration. But the younger Le Pen has shrewdly recast the issue as a defense of the “republican” value of laïcité (secularism) rather than open hostility to immigrants. Tactics such as these have “de-demonized” the party, as the French media like to say, and thus removed much of the stigma of voting for it. (…) The FN is drawing more votes than either the Socialist Party (PS) or the UMP by themselves (that is, not counting votes won by their coalition partners). (…)

The substantial losses by the PS in the last elections undercut the party’s traditional base of support in cities and towns. Municipal socialism was the breeding ground for national leaders as well as a source of employment for party activists. These prizes have now fallen to the rival UMP. (…) Some observers believe that the PS has entered a death spiral.

The surprise winner is Sarkozy. In 2012, his position was similar to Hollande’s in that his performance in office had discredited him with much of his own base. (…) But Sarkozy may have outflanked Juppé in the center by forging an alliance with the centrist UDI, and the election outcome — a substantial victory in terms of number of departments controlled by the UMP — seems to have vindicated both of Sarkozy’s tactical choices. He thus appears to be in a commanding position to retake the presidency in 2017 (unless, of course, one of the pending investigations turns up something substantial). Yet Sarkozy’s comeback, which few would have predicted in 2012, proves that in French politics, three years is a very long time.

Sur "Certains observateurs voient le PS engagé dans une spirale mortelle" :

Oui mais… d'autres le verraient différemment, à Argenteuil par exemple. La poussée du FN — sans que le PS l'ait encouragée ! — est électoralement une bonne affaire pour lui, une chance de sauver de nombreux sièges malgré le manque de soutien populaire. C'est tout aussi vrai de l'UMP qui a obtenu un raz-de-marée national malgré de faibles pourcentages de voix.

C'est peut-être une banalité, puisque les % obtenus par le FN ont été perdus par les autres, tandis que le FN ayant gagné peu de sièges, les autres ont gardé les leurs…

Mais il y a plus. Dans ce système à trois partis, le PS et l'UMP peuvent se dire que la victoire finale dépend de facteurs qu'ils ne contrôlent pas, de petits hasards qui changent l'ordre d'arrivée au premier tour, et assurent la victoire au second tour de celui qui se retrouve face au FN.

Si c'est bien cela la nouvelle règle du jeu, si elle assure au PS comme à l'UMP 50% des sièges en moyenne, de quoi ces partis s'inquiéteraient-ils ?

Finalement, que leurs succès électoraux ne dépendent pas de la réussite des politiques qu'ils mènent, c'est presque l'idéal pour eux.

Alors bien sûr, cette "règle du jeu" ne s'applique pas aux élections à la proportionnelle, européennes et régionales. Là, la FN leur prend autour d'un quart des sièges. Mais qui s'en soucie ? Ni M. Hollande ni M. Sarkozy, pour ce que j'en ai entendu.

Plus sérieusement, aux élections dont tout le monde se soucie, cette "règle du jeu" suppose que le FN reste entre 22 et 30-33% des voix. Au-delà, il gagnera beaucoup, si ce n'est tout. Du seul point de vue de l'arithmétique, c'est ainsi que plusieurs partis antidémocratiques ont gagné des élections, et de là, le contrôle de leurs pays, dans les années 30 et 40 : parce que les partis "du système" ont trop longtemps cru pouvoir cantonner ces opposants remuants en-dehors du pouvoir réel.

Les partis sortants, UMP et PS, prendront-ils le risque de révolutionner leur projet et leur pratique politique pour regagner un soutien populaire ? J'en doute. C'est le risque d'une traversée de désert avec plus de 50% de chances de disparaître.

Le PCF n'a pas tenté cette révolution interne, ou trop tard et trop prudemment : il est devenu un petit syndicat, constamment déclinant, d'élus locaux.

L'UDF de François Bayrou, le troisième parti à l'époque, a fait la révolution qui l'a conduite au MoDem actuel : elle est passée de 9-14% de suffrages en 1997-2001 à 4 ou 5% actuellement. La majorité de ses membres et de ses élus sont passés à l'UDI, le parti accompagnateur centriste de l'UMP, puisque seul le soutien de l'UMP permet de garder un mandat.

Au total, sur les 4 grands partis des années 70-80, il n'en reste que 2, et je ne vois, ni chez leurs électeurs ni chez leurs élus, d'envie de changer.

Ce qui fait une grande différence par rapport à 2005-2006, où ces deux parties étaient secoués par des mouvements aussi profonds que le "royalisme" (ou ségolisme !) et sa démocratie participative, et le "sarkozysme", version française du reaganisme ou du thatchérisme.

Aujourd'hui, le conservatisme règne des deux côtés, avec sa ferme stratégie de ne rien changer à l'état actuel des choses, dans les politiques menées pour le pays, comme dans les relations entre partis politiques.

(Arun)

Sunday’s 2nd round (…) was a smashing victory for the UMP-UDI (as expected) and a severe defeat for the Socialists and the rest of the left (though it could have been worse). As for the FN, the result was en demi-teinte.

The election was not about (Nicolas Sarkozy) and it is most unlikely that the excellent result for his party was due to anything in particular he did or said. (…) As for notable things Sarkozy said during the campaign, there was mainly his declaration supporting the UMP mayor of Chalon-sur-Saône on ending substitute meals when pork is served in school cafeterias (meals that had been offered in cafeterias without debate or controversy for decades). For good measure, Sarko reiterated his endorsement of a law banning the wearing of Islamic headscarves by students in universities. With his peremptory pronouncements on these non-issues—fabricated de toute pièce in the ambient climate of anti-Muslim bigotry—Sarkozy demonstrated once again that he is the worst person in the top-tier of French politics, utterly devoid of principles, shame, or republican values.

In my post on the UMP six months ago, I categorically stated that I did not believe for a minute that Sarkozy would succeed in his comeback and impose himself as the UMP’s candidate in ’17. I still hold to this.

The primary will hardly be a cakewalk for Juppé, though, as the immigration and national identity questions are sure to be central and on which Sarkozy is more in tune with the Tea-Partyized UMP base.

Je ne partage pas l'optimisme d'Arun Kapil concernant 2017. J'en reste plutôt à ma comparaison entre le come-back de Nicolas Sarkozy et celui réussi par Benyamin Netanyahou après un premier mandat décevant. Les gens votent-ils si souvent pour les personnes qu'ils apprécient le plus ? Plus souvent, à mon avis (en tout cas en France et aux élections nationales), le vote joue contre les personnes présumées perdantes, celles qui donnent le moins l'impression de vouloir le job.

Peu de gens voudront permettre à la gauche de persévérer dans l'immobilisme. Un peu plus, mais pas une majorité j'espère, feraient confiance à Marine Le Pen : même les supporters du FN admettront que leur équipe n'est pas au niveau pour gouverner la France.

Si bien qu'un Nicolas Sarkozy qui montre du respect pour les "idées" du FN, tout en poussant quelques "centristes" pour garantir sa crédibilité, me semble la formule favorite pour gagner en 2017. Même si en deux ans, beaucoup de choses peuvent changer.

La popularité d'Alain Juppé dans les sondages, notamment chez les électeurs âgés, a de la valeur. Mais est-il capable de mener une campagne nationale, de tenir le devant de la scène pendant deux ans, de verrouiller les allégeances tout en détournant les soupçons vers des boucs émissaires, d'éviter que ce soit ses supporters qui apparaissent agressifs envers Nicolas Sarkozy, tout en le poussant dans les cordes ? À ma connaissance, autant de choses qu'il n'a jamais réalisées.

Bien évidemment, je préférerais, si une présidence Bayrou n'est pas possible, Alain Juppé à Manuel Valls, Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen. Et je me doute que des courants du centre, ou démocrates, partageraient cette préférence. Mais par quelle brèche passeraient-ils pour prendre la place ? Et où sont ces courants ? D'où resurgiraient-ils ?

Quelques corrections de coquilles et de style le 7 avril 2015. Sans incidence sur les commentaires 1 et 2 ci-dessous.