Hervé Torchet, décidément un fameux économiste, montre que les pseudo-solutions apportées aux crises depuis 2008 nourrissent en fait cette même crise : en gros, il y a une énorme bulle spéculative mondiale, des masses d'argent qui déstabilisent l'économie, et qui sont nourries par les plans de relance et les "fonds" nouvellement créés…
"le carburant de la spéculation, ce sont les liquidités" … "la monétisation est aussi une création de liquidités, alors qu'il faut réduire la liquidité".
En effet, si on veut considérer 2008 et 2011 comme une même crise, alors la définition de cette crise c'est : une crise du surendettement, public et privé.
Et comme elle est générale, on ne peut pas se contenter de dire "c'est la faute des emprunteurs" ; il faut se demander pourquoi les emprunteurs ont trouvé de l'argent si bon marché, qui leur a fait tellement envie, les a tellement dissuadés de devenir plus économes. Par exemple, pourquoi un pays dont le risque de faillite est reconnu (retrait du AAA) trouve-t-il aujourd'hui de l'argent à 1,5% de taux d'intérêt, soit moins que l'inflation actuelle et prévisible ? Pourquoi les prêteurs prêtent-ils à perte ?
La seule cause que je voie est : la surabondance des liquidités mondiales.[1]
D'où vient cette surabondance de liquidités ?
- En partie, du surendettement lui-même, en boule de neige ;
- avant cela, de la mondialisation (technique), qui permet des super-marges aux producteurs les plus productifs, ceux qui obtiennent des situations de monopole ou d'oligopole planétaire ;
- et particulièrement de la financiarisation, qui multiplie les couches de monnaie de plus en plus fausses au-dessus de la valeur réelle.
Les réponses semblent donc simples :
- équilibrer volontairement les budgets (même si de nouveaux "grands" emprunts seraient tentants) ;
- réguler la mondialisation et, contre les oligopoles, l'économie de casino et les dumpings, imposer la libre concurrence par ceux qui veulent investir dans l'économie réelle (ce que l'Italie vient de décider) ;
- réguler la finance pour qu'elle ait intérêt à retrouver son rôle d'auxiliaire de l'économie réelle.
Qui peut faire cela ?
Ni les extrêmes, qui croient à la fermeture des frontières ; ni l'UMP et le PS, qui ont fait l'inverse depuis 30 ans.
Le centre démocrate, qui porte ces réponses depuis des décennies, peut le faire. Si c'est autour de lui que le pays se réunit.
Notes
[1] Eh non ! Pas l'euro ! Pas l'abominable Europe de Maastricht-Lisbonne ! Sinon, pourquoi l'Allemagne ou la Finlande s'en sortiraient-elles si bien, et le Japon si mal ?
Je partage (avec effroi) cette analyse. Dans son blog sur les crises, Olivier Berruyer affirme que l’économie financière, représentant le chiffre de plus de 2 000 milliers de milliards (= 2 millions de milliards = 2 000 trillions ou T$) de dollars en 2007 (dont 1 400 T$ de produits dérivés et 500 T$ de produits de change), représente plus de 50 fois l’économie réelle (échanges de biens et services). Le montant des échanges de devises (3 210 Md$ en 2007) est également 50 fois plus élevé que celui des exportations (64 Md$)
http://www.les-crises.fr/deconnexio...
Le combat à mener est celui de David contre Goliath. Qui voudra jouer le rôle de David ?
Je crois qu'en réalité, il s'agit d'un même mécanisme depuis 1973 : à cette époque, le relèvement des prix du pétrole crée deux fois plus de liquidités que nécessaire, il en crée chez les exportateurs de pétrole, certes, mais il en crée autant chez les importateurs, car c'est le moment où la dette des états de la vieille économie commence à enfler. Depuis cette époque, la création de liquidités non productives se fait systématiquement en double, et pour la même raison. De là vient le gonflement d'une colossale bulle de liquidités, entretenue et augmentée sans cesse par l'erreur d'analyse que tu dis très justement : on croit qu'il s'agit d'une crise de liquidité de l'économie (qui en manquerait) alors que c'est l'inverse. Le plus urgent et le plus simple est en effet de réduire la liquidité mondiale en équilibrant les budgets publics et vitaminer l'économie réelle, faute de quoi, la bulle finira par éclater vraiment, et alors, gare aux conséquences.
Dans le dernier rapport annuel de la Banque des Règlements Internationaux (http://www.bis.org/publ/arpdf/ar201...) on trouve en page 49 des encours en euro de 3600 mdrs entre la Zone euro et la Grande -Bretagne, puis, en dollars, 2 700 mrds entre US et GB et 3 800 mrds entre US et les centre financiers des Caraïbes. Quand on voit ces chiffres notre combat pour la productivité française paraît vraiment dérisoire.
@ Jacques Rioland et Hervé Torchet : merci pour ces commentaires.
Rendons à Jean ce qui est à Peyrelevade : c'est sur son blog que j'ai lu pour la première fois, sans doute en 2009, cette explication de la crise par une hyperinflation des actifs.
Sur le commentaire #3 de Jacques Rioland : oui, il s'agit des encours de placements (d'un stock de titres, non de flux annuels). Cela illustre, sans commentaire évidemment dans le rapport de la BRI, l'importance du coulage vers les paradis fiscaux, qui mine le financement public américain plus encore que le nôtre. C'est pourquoi j'ai repris ce graphique dans http://www.debateco.fr/analyses/120...
Sur le commentaire #1 et la comparaison entre flux financiers, et valeur réellement produite, je suis d'accord, c'est un problème (celui-là même dont une taxe Tobin nous débarasserait vraisemblablement). Cependant les deux ne sont pas tout à fait dans la même unité. La meilleure comparaison que je connaisse, c'est entre le nombre de fois où la balle de ping-pong passe le filet, et le nombre de points marqués dans la partie.
Si elle passe 1000 fois pour 15 points marqués, on ne peut pas en conclure que le passage des balles "l'emporte sur le score" ; on peut en revanche conclure que le jeu est devenu tellement ennuyeux, avec tellement peu d'initiatives de joueurs, que le score en est presque aléatoire, et que c'est un assez mauvais moyen de sélectionner les meilleurs joueurs. Il faut alors modifier les règles pour raccourcir les échanges.