Suite à ma recension de la tribune de Jean Peyrelevade, l'Hérétique trouve que je "laisse sans réponse ni proposition l'aporie que constitue l'équation de nos dépenses et nos recettes."
J'ignore ce qu'est une aporie, mais pour la proposition, voilà ce que je peux écrire.
Déjà, qu'il n'y aura pas de miracle. C'est une fois qu'on admet ça, qu'on peut commencer à construire des solutions.
À court terme, le choix qu'a la France est entre
- le dépôt de bilan (qui imposera une réduction drastique des dépenses, car sinon les recettes courantes ne couvrent pas les dépenses courantes),
- et la réduction drastique des dépenses à un niveau au moins comparable à celui décidé par la coalition Cameron-Clegg au Royaume-Uni.
Ce n'est pas de ma part une attaque contre la légitimité de l'impôt, de la dépense publique, contre la qualité du service public ou quoi que ce soit de ce genre ([1]) ; c'est juste que 19 euros ne peuvent pas éternellement en valoir 20. (et on leur demande de faire semblant de valoir en moyenne 20, depuis 1981).
D'ailleurs, il faudra aussi augmenter les impôts. Je pense qu'on devrait arriver à éviter la banqueroute en faisant la moitié du chemin de chaque côté ; 50 milliards d'euros de dépenses en moins (ce qui implique, à terme, un demi-million d'emplois publics en moins que si on ne faisait pas cette réduction, et une réduction violente des commandes d'équipements, notamment militaires) et 50 milliards d'impôts en plus (la TGAP, la taxe carbone, l'imposition du foncier et la TVA étant en tête de la liste).
Ceci dit encore, cette restructuration du service public à elle seule ne suffirait à éviter la banqueroute qu'à très court terme ; il faut, pour gagner à moyen long-terme, une perspective de croissance, de développement durable.
Je pense que l'axe principal de cette croissance durable sera une meilleure valorisation de la richesse accumulée - depuis 30 ans notamment ! - par notre territoire national. Richesse récemment soulignée par une comparaison internationale (si on a pu écrire que "les Français" sont si riches par rapport au reste du monde, cela signifie simplement que le terrain constructible français est très valorisé dans le monde).
Mais la terre, ça paye pas (ça eût payé...). Ce sont les Françaises et les Français qui lui donnent de la valeur de mille façons différentes - des expos de Versailles à l'installation de sièges sociaux à La Défense, du festival du Bout du monde aux petites fermes bio de Corrèze, de "Monet à Argenteuil" à la future promenade d'Argenteuil
Je vois bien que de la valeur, de la croissance, naît et croît partout sur notre territoire, et que les Français sont super-bons pour ça ; je ne saurais pas traduire ça en programme économique électoral qui vaille tant de milliards et tant de voix.
Notes
[1] même s'il y a eu plein d'énormités scandaleuses dans les décisions des gouvernements de ces décennies
Arrêter de croire aux miracles... tout un (anti)programme ! Peut-on en convaincre les électeurs sans que cette vérité ne s'impose à eux? c'est une conjecture de politicien (conquête ou exercice du pouvoir) et je ne saurai trancher ici.
Mais je rejoins votre conclusion qui rappelle avec Jean Bodin qu' "il n'est de richesse que d'hommes", et je vois dans la bulle immobilière actuelle un frein de plus à la véritable création de valeur (la propriété foncière comme droit d'occuper un lieu, d'exclusion, plus qu'un outil de production, de création). Je crois que la perte de repères sur le sens des valeurs dans une société contribue aussi au déclin économique (au sens concret du terme : qu'est ce qui a une valeur marchande pour un voisin, un client, un concitoyen, un consommateur étranger... même si on peut y associer la réflexion sur l'utilité et risques des monopoles de fait, les distorsions de concurrence et l'interventionnisme des pouvoirs publiques, ou encore le rôle social et économique du trader du banquier de l'ingénieur du boulanger de l’agriculteur etc..., qui débouchent invariablement sur l'éthique et les valeurs morales fondatrice du pacte social). De même, s'endormir sur la manne touristique que nous donne l'attractivité de notre pays reste un risque important, soumis aux aléas des priorités entre le nécessaire et l’agréable au niveau mondial.
Retrouver le chemin de la croissance passera pour moi par une réflexion sur la valeur, à la fois coté citoyen (revalorisant en cela certaines branches professionnelles qui créent de la valeur) et coté pouvoirs publiques (en arbitrant en faveur de l'exercice de la création de valeur, y compris fiscalement, et en levant des freins, y compris par la modération de la dépense publique quand sa nécessité n’est pas établie).