Je poursuis mes notes sur l'Assemblée départementale du 28 novembre 2010, avec le débat sur le Grand Paris. On verra que l'Assemblée s'est réunie une nouvelle fois le 6 décembre pour adopter une motion à l'unanimité. Mais derrière l'emphase des grandes bagarres du 28 ou des proclamations de victoire du 6, y a-t-il beaucoup de contenu pratique ?

Au lecteur et citoyen d'en juger. Mon sentiment personnel : je ne vois pas là le début d'une stratégie de développement pour notre département "dans le Grand Paris" (ou à côté). Évidemment, après les élections de 2012 ou 2014, il n'y aura plus de Conseil général, alors…

Ce billet est un peu long. Mais, entendu d'Argenteuil, les débats étaient croquignolets. Difficile de couper.


Président Arnal (PS) : Avant d’entendre M. Lesparre (rapporteur, PCF), on va entendre rappeler ce qui a été fait depuis 2 ans, par un petit film.

M. Scellier (ancien président, UMP) : « le cinéma, vous avez l’habitude ! »

Le film commence par un discours du Président Sarkozy sur le Grand Paris : « l’Etat ne veut pas imposer un projet, le projet ne peut réussir que s’il est partagé par tous ».

Suivi de « micros-trottoir » où les Valdoisiens interrogés me semblent fort peu au courant de cette histoire « d’inclusion dans le grand Paris », contrairement aux citations jargonnantes et quasi-anonymes qui figurent sur le 4-pages édité par le Conseil général…

Puis 1 seconde de Christian Blanc souriant « Le Val d’Oise est dans le Grand Paris ! ».

Pour Dominique Lesparre, ce « petit film résume assez bien la volonté de notre majorité d’aller vers un avis le plus unanime possible. Le Grand Paris, ce n’est pas que les transports, c’est la question du développement économique et du développement social ». Il commence néanmoins par les transports et la « convergence tarifaire progressive pour les usagers de zones différentes, tout en maintenant l’équilibre financier des transporteurs ».

Philippe Doucet (vice-président, PS) semble plongé dans son iPhone (si c’est bien ce qui se cache, vu de ma place, derrière sa bouteille de Cristaline).

M. Lesparre passe en revue les projets d’infrastructure de transports en commun et demande « à l’État et à la Région de finaliser les accords financiers. Nous proposons à l’Assemblée :

  • « de se déclarer favorable… » à la prolongation du RER A, sous réserve « d’une nouvelle gare d’interconnexion à Achères », permettant « d’éviter une concentration excessive des flux de voyageurs à La Défense »,
  • de se déclarer favorable au projet Arc Express,
  • « de se déclarer favorable aux projets de desserte des aéroports, avec en particulier des gares au Bourget et à Gonesse,
  • de donner un avis défavorable sur les projets du Grand Paris dont les coûts nous apparaissent trop élevés au regard des bénéfices sociaux et environnementaux escomptés ;
  • de demander à l’Assemblée Nationale de mieux répartir les charges, en Loi de Finances, pour que les projets déjà retenus au Plan Régional de Mobilisation pour les Transports soient effectivement réalisés en priorité.
  • de prendre acte de ce que les projets annoncés ne répondent pas aux besoins de transport de marchandises, notamment le transfert de fret entre le fleuve et le fer ».

Il propose enfin de récupérer sur les voies rapides, des voies dédiées à la circulation de « bus à haut niveau de service ».

M. Bazin répond pour l’UVO (groupe qu'il préside, UMP) : « M. Lesparre souhaite un avis unanime, mais n’a pas pris les moyens d’une synthèse, à peine une réunion de travail à laquelle nous avons été conviés très tardivement et à laquelle nous n’avons donc pu nous rendre ».

« Selon vous Arc Express et les autres projets doivent être vus comme des compléments au Plan Régional de Mobilisation pour les Transports, mais ce n’est pas à la même échelle. Le projet du Grand Paris est structurant et imposera des modifications à (nos projets départementaux actuels). Le préambule fait état du Schéma Directeur de la Région Ile-de-France, mais celui-ci a reçu un avis défavorable à l’unanimité du Conseil d’État.

Le projet du Grand Paris vise à permettre à la capitale de retrouver son rang sur la planète, avec des pôles de 500000 habitants en moyenne couronne. Après Haussmann et les villes nouvelles, c’est une vision du développement de la moyenne couronne, très ambitieuse, un pari qui à nos yeux semble indispensable. Arc Express, calqué sur l’existant des besoins, ne va en aucune manière remodeler notre région pour l’avenir. »

Le projet du Grand Paris, certes très coûteux, est « prévu comme autofinancé », notamment « par les revenus qui seront tirés du développement immobilier autour des gares », et par « le recours à l’impôt, notamment une taxe spéciale d’équipement ».

Nos intérêts valdoisiens ont été « pris en compte dès le début », « trois territoires de projet » figurent dans le projet du Grand Paris – Roissy, le triangle de Gonesse et la confluence Seine-Oise.

« Notre département doit tirer son épingle du jeu par notre implication sur les territoires de projet, les contrats de développement territoriaux seront (certainement) prééminents par rapport à tous les schémas et textes existants. »

« C’est pourquoi nous ne pouvons approuver en l’état les conclusions qui sont les vôtres, que nous trouvons tout à fait partiales, même si nous en approuvons certains attendus sur le RER A, le RER E ou les tangentielles … Rejeter le projet du Grand Paris ne nous paraît pas conforme à la réalité. C’est une chance, il faut s’en saisir et être solidaires. Notre majorité UVO ne conçoit pas de développement démographique sans développement économique, sans emplois. Nous nous abstiendrons sur cette délibération. »

Didier Arnal : « j’aurais pris avec beaucoup d’intérêt vos amendements ».

Gérard Sebaoun (vice-président, PS) : « sur le SDRIF, j’ai entendu une énormité de la part de M. Bazin. Le Conseil d’Etat ne dit que la loi, qui est supérieure à tout décret, fût-ce au SDRIF. Le gouvernement n’a pas adopté le SDRIF et mis le Conseil d’État dans cette obligation. Le SDRIF, notre majorité l’a pas voté ; vous ne l’avez pas voté. Ce qui s’applique, c’est donc le SDAU de 1994, qui ne permet pas d’urbaniser le triangle de Gonesse !

Je citerai le MEDEF d’Ile-de-France : le projet Arc Express répond à des besoins à court et moyen termes en proche couronne ; le projet du Grand Paris répond à des besoins à plus long terme en grande couronne. Il ne les oppose pas, et conclut que dans l’état de nos finances, ces projets devront se raccorder au bon sens du terme. Le coût d’investissement est 21 à 23 milliards d’euros, le dossier ne donne aucune indication du coût de fonctionnement ni de l’équilibre financier. Il évoque une dotation de démarrage de 4 milliards d’euros, des emprunts à 40 ans, et des recettes qui ne sont pas estimées ! C’est quand même extraordinaire de proposer un tel dossier, avec seulement 4 milliards sur 20 ou 30.

Et les 6 milliards attendus de l’État pour le Plan de Mobilisation des Transports ne sont jamais venus… Notre position est tout à fait légitime : on s’appuie sur l’acquis, et on ne se laissera pas entraîner sur un terrain où le financement n’existe pas. »

Mme Dominique Gillot (vice-présidente, PS) estime que le projet de Grand Paris « ignore les choix faits antérieurement, notamment les villes nouvelles, créées il y a 40 ans, ce qui à l’échelle du développement territorial, n’est rien du tout ». « La seule gare de Roissy qui figure dans le projet est à Villepinte, pas à Roissy ! La gare à Gonesse, soutenue par l’ensemble des élus, ne serait qu’un décroché de la ligne Le Bourget-Roissy ! On a l’impression que tout ce projet revient à favoriser le Sud-Ouest de Paris, à des grandes visions sur le plateau de Saclay ».

« On participe à tous les débats » sur les projets de transports, « chaque dossier renvoie à l’autre, et nous ne discutons jamais de la cohérence ! Nous n’avons aucune certitude » sur la connexion entre ces projets, c’est le risque de « berner nos concitoyens » et « alimenter la ségrégation sociale ». « Le manque de financement est réel, on risque d’être dans un débat de dupes pour amuser la galerie. »

(Enfin une intervention qui met les choses en place ! hélas, on va assez vite replonger).

Jean-Pierre Enjalbert : « les choses sont en débat ; il y aurait des raisons pour moi d’être tout à fait contre les projets dans le cadre du Grand Paris ; mais (surtout), les projets de la métropole ne peuvent se limiter à la question des transport. Si la métropole doit être ambitieuse à l’échelle du monde, elles doit l’être en termes d’environnement et de cadre de vie, de développement durable… ce n’est même pas évoqué dans le préambule ! C’est une raison (suffisante) de rejeter cela. »

« Pour le Val d’Oise, tous ces projets-là sont très sympas, mais ils ne le concernent pas assez, il faut même dire plus clairement : ça ne nous concerne pas ! Au-delà de la gauche et de la droite, on défend des notions de territoires ! »

« J’ai entendu une 3ème voie qui m’a séduit, celle du cabinet d’architecte Castro, j’aimerais qu’elle soit proposée à notre assemblée. Une idée de métro au-dessus de l’A86, avec tout ce que ça représente d’économie d’espace, permettant de se branche sur nos propres embranchements, A15, A115… c’est plus ambitieux que de demander qu’on rattrape ce qu’on nous doit déjà, qui n’est pas le Grand Paris mais le Grand Retard ! »

(Aïe ! L'autoroute, elle passe là où il y a le moins de monde possible. Un métro, c'est censé aller là où il y a du monde à transporter…).

M. Scellier lit « La lettre du Limousin ». M. Doucet est dans son iPhone (Blackberry ?).

Philippe Sueur (UVO) adhère à « une très grande partie du propos de Jean-Pierre Enjalbert. On nous demande de nous prononcer sur un projet de transport des personnes, sur lequel nous n’avons pas toutes les réponses… le projet du Grand Paris est sans doute bien plus ambitieux et proche des réalités économiques. Le président du STIF a demandé en son temps un contre projet ; Arc Express ne coûterait pas 4 milliards mais 15, tel qu’il est arrêté, on n’est pas loin des 21 ou 23 ! Les nœuds de correspondance qui sont prévus seront d’un inconfort évident pour les valdoisiens. Cependant, le projet de ligne Normandie-Paris, nous en aurions un profit malgré la rupture de charge. Mais pour la vallée de l’Oise, il faut que les projets Ouest et Nord ne fassent qu’un seul arc. L’idée d’une région ville-port, tendue vers la mer, prend tout son sens. J’ai apprécié, dans le débat concernant Picardie-Roissy, le positionnement (du CG95) auquel j’adhère : ce projet coûte cher, 340 Mn€, et ne sert pas le département du Val d’Oise. C’est toute la plate-forme ferroviaire (de Roissy lignes B-D ?) qu’il faudrait faire tout de suite ».

Laurence Marchand (candidate PRG à Herblay), dans le public (quelque 20 personnes), est sur son Blackberry. Philippe Doucet sur son écran également.

Didier Arnal revient sur « la méthode retenue : une présence partout, permanente, sur tous les sujets qui concernent le département ? Pour la première fois, le Conseil général a été présent dans l’ensemble des ‘cahiers d’acteurs’ et des débats. J’aurais aimé de temps en temps croiser quelques élus du groupe UVO. »

« Il y a de quoi s’inquiéter quand un ancien Premier Ministre UMP estime que dans la situation financière actuelle, ce projet est à repousser à plus tard. »

« C’est un point d’étape… je vous demande le message du département… les enjeux dépassent le débat entre nous sur le calendrier électoral. J’avais proposé lors de la dernière séance qu’une Commission Grand Paris se réunisse, je vous propose que sa composition soit arrêtée définitivement et qu’elle fonctionne. On voit bien que sur les objectifs, nous sommes d’accord. Les Valdoisiens s’intéressent, ils ont une attente, ils vont être attentifs. Je vous demande, y compris de formuler un amendement si vous le souhaitez pour faire valoir votre point de vue, pour qu’on sorte avec un avis unanime, sinon ce serait affaiblir notre département ».

« Que le Préfet de Région vienne à deux reprises en 2 mois dans le département, c’est bien que nous avons attiré l’attention ».

François Scellier « On s’y est tous mis ! »

Didier Arnal « Continuons ! On voit bien avec le remaniement que le Préfet de Région est l’homme fort sur ce dossier ».

Les élus UVO se regardent et regardent M. Bazin…

M. Bazin : « Vous essayez de nous prendre en otages d’une urgence que vous avez vous-même soigneusement créée. Vous nous avez déjà fait le coup plus d’une fois. Ce n’est pas très sérieux. Vous nous avez proposé à la dernière séance, un vendredi, de participer au cahier d’acteurs… qui était imprimé le lundi ! Vous nous proposez de participer à une Commission qui ne pourra amender le projet voté aujourd’hui ! Nous vous proposons de réunir la Commission et de rétablir la séance plénière prévue pour décembre, avec cet objet unique, et réunissons la commission d’ici là. Il faut qu’on repose les choses. La date limite est le 31 décembre, pas aujourd’hui ».

Didier Arnal « Vous me baratinez… il y a une réalité qui est le calendrier. On nous a sollicités début septembre pour rendre les cahiers d’acteurs ‘la veille’. Vous savez comme moi comment a été créée la société du Grand Paris et quel est son calendrier ! Je ne vois pas où est le débat entre nous, si ce n’est de la politique politicienne, et les Valoisiens apprécieront ».

M. Bazin « Vous refusez donc… »

M. Arnal « Je ne refuse rien… Je propose que la Commission se réunisse, après cet avis qui n’est qu’un avis… »

M. Bazin : « Si vous aviez voulu un accord avec notre groupe, vous vous y seriez pris tout autrement ! »

M. Arnal « Pourquoi vous n’avez pas participé aux débat publics ? aux cahiers d’acteurs ? »

M. Enjalbert « La proposition de M. Bazin me semble d’une logique » parfaite. « On rétablit la séance du 17 décembre, et vous aurez la réponse à l’appel que vous avez lancé. Paris vaut bien une messe, le Grand Paris vaut bien une réunion. »

M. Arnal : « Les cahiers d’acteurs, il y en a 4, ça fait trois mois… vous avez eu l’occasion de les amender dans tous les sens. Le rapport qui vous est présenté ce matin, vous l’avez depuis 15 jours. Faites-moi confiance pour exposer votre attitude aux Valoisiens ».

M. Scellier : « Quand on veut avoir un avis unanime - j’ai été dans cette position plusieurs fois quand vous étiez de ce côté-ci de la table – j’ai le sentiment que je ne m’y étais pas tout à fait pris comme vous. J’avais essayé de prendre votre avis. Sur le Grand Paris, quand j’ai eu la possibilité d’aborder le Ministre, j’y suis allé. Notre département, par sa position géographique, n’est pas dans le cœur de Paris capitale mondiale, mais on ne peut pas faire Paris capitale mondiale sans n aménagement cohérent. Ce dossier mérite une séance à soi toute seule, je ne vois vraiment pas ce qui s’y oppose. Je suis contre tout ce qui est polémique dans l’exposé des motifs. J’aimerais que vous fassiez preuve de cette ouverture. Sinon, on sera amenés à prendre une position qui ne sera pas d’opposition, (mais d’abstention). Après la guerre de 39-45, l’état des finances de la France n’était pas terrible, mais on a réussi, droite et gauche ensemble, à remettre en état le pays. »

M. Arnal : « Nous avons eu cette démarche. J’ai réuni au Conseil général les parlementaires de droite comme de gauche ».

M. Scellier : « Essayons de faire pareil ».

M. Arnal donne la parole à un Gérard Seimbille (UVO) et se met à discuter avec son voisin.

Gérard Seimbille : « Vous appelez à l’unanimité, mais vous ne m’écoutez pas ! Une séance le 17 décembre, date que nous avons tous réservée sur nos agendas, et dont nous ignorons pourquoi vous l’avez annulée, c’est de votre responsabilité, pas celle de l’État. Qu’est-ce qui s’y oppose ? Dites-le clairement ! »

M. Arnal « On connaît tous la difficulté de caler une date d’ici la fin de l’année. La seule éventualité que je veux bien regarder, c’est qu’on élargisse la commission permanente du 6 décembre. »

M. Seimbille : « Prolongez la séance de la CP en Assemblée départementale ».

M. Sebaoun : « J’ai l’impression qu’on semble découvrir un rapport, alors que cette Assemblée a parlé du Grand Paris de très nombreuses fois, et a déjà tenu une session extraordinaire. En Commission, non seulement vous n’avez pas déposé d’amendement, mais vous n’avez pas souhaité vous exprimer ! Vous n’avez pas voulu regarder le texte ! J’ai le sentiment que vous jouez la montre, depuis le début, depuis le discours quasi-créationniste du Président de la République. Vous faites le grand écart entre la position gouvernementale, qui écrase tout et oublie juste les financements … vous faites le grand écart pour ne pas vous prononcer, alors que tous les éléments sont sur la table. »

M. Arnal : « Je propose qu’on en reste là. La dernière proposition que je fais, c’est que le CG délègue à la commission permanente, élargie à tous les conseillers généraux… »

M. Bazin : « Maintenez la réunion du 17 décembre ».

M. Arnal « Nous l’avons annulée, c’est notre décision. Ça alimentera quelques blogs… »

M. Bazin : « La Commission permanente le 6, c’est un pis-aller. On vous proposera un texte pour le 6 décembre ».

M. Arnal considère que cette délégation est adoptée à l’unanimité.


Bref, le barreau de Gonesse est certainement un bon projet, mais l'impression qui m'est restée, c'est celle d'une discussion de café du commerce, entre des gens tous convaincus d'avance de n'avoir aucune influence sur les décisions futures.

Qui dans la salle (à part Jean-Pierre Enjalbert chez DLR) pourrait se vanter d'être écouté de responsables politiques nationaux, ou même régionaux, de son parti ? Peut-être certains, après tout, mais sur ce sujet, ils ne m'en ont pas donné l'impression.