Bien sûr, nous avons dépassé le tricentenaire de la machine à vapeur à énergie fossile (charbon), cause du réchauffement actuel.

Mais je viens d'apprendre que l'effet de serre de l'atmosphère a été identifié par Fourier en 1824[1], et que le premier chiffrage de l'impact du CO2 - chiffrage d'ailleurs juste - date de 1896[2].

Apprendre ce genre de choses est la vertu des livres pour enfants que j'emprunte à la bibliothèque, ayant renoncé à lire de vrais livres. À vrai dire, "Comment l'homme a compris que le climat se réchauffe" n'est sans doute pas si facile à lire pour des enfants. Je le recommande donc aussi aux adultes, en pack avec la lecture gratuite de manicore.

En amuse-gueule, les dates clés.

Fin XVIIIème : Horace-Bénédict de Saussure a l'idée que l'atmosphère peut se comporter comme une serre piégeant la chaleur du Soleil.

Avant 1821 : on considère que le climat est constant, mais a pu connaître des changements catastrophiques dans un passé lointain : p.ex. le Déluge.

1821 : pour expliquer la présence de roches granitiques en pleines vallées calcaires, Ignace Venetz fait l'hypothèse d'une époque froide où ces blocs ont pu être charriés par des glaciers.

1824 : Joseph Fourier explique l'effet de serre atmosphérique. La lumière solaire est convertie en infra-rouges quand elle touche le sol, et ces infrarouges ne parviendraient pas à retraverser l'atmosphère (Fourier ne sait pas pourquoi).

1860 : John Tyndall[3] identifie les deux principaux gaz à effet de serre, ceux qui captent les infrarouges : la vapeur d'eau et le dioxyde de carbone. On craint à l'époque un nouvel âge glaciaire ? Tyndall indique qu'une baisse de la quantité des GES provoquerait cette glaciation.

1896 : Svante Arrhenius calcule l'impact qu'aurait un doublement de la concentration en CO2 : +5 à 6 degrés[4]. Il estime qu'au rythme des émissions industrielles (de son époque), cela devrait arriver dans 3000 ans. Réchauffement progressif qui serait une excellente assurance contre le risque d'âge glaciaire. Et du réchauffement, on ne s'inquiète pas : nul doute que les océans absorberaient le CO2 en excès.

1957 : Roger Revelle et Hans Suess montrent que les océans ne réabsorbent pas tout le CO2 industriel ; leur vitesse de réabsorption est deux fois moindre que prévue. Ce qui pourrait entraîner un réchauffement climatique global.

1957 : Charles Keeling commence à mesurer la concentration de CO2 dans l'atmosphère "en pleine nature", au pôle Sud et à Hawaï. Ses mesures démontrent une croissance rapide.

Au passage, la proportion de CO2 émis par l'homme semble facile à identifier. En effet, le carbone d'origine fossile (CO2 émis par l'homme) est pauvre en carbone 14.

Ça pourrait suffire, mais faisons ensuite un détour par l'astronomie. Il aide à comprendre pourquoi quelques esprits formés dans les années 60 continuent à nier la catastrophe en cours...

1924 : Milutan Milankovitch formule une théorie reliant les changements climatiques aux changements dans la rotation de la Terre et sa position par rapport au Soleil.

À partir des années 20, on commence à prélever des fossiles et autres indices de variations climatiques aux époques préhistoriques ...

1976 : Jim Hayes, John Imbrie et Nicolas Shackleton démontrent que le cycle des glaciations passées correspond bien aux changements astronomiques.

En fait le mécanisme est compliqué. Pour passer d'une ère glaciaire à une ère tempérée :

  • Dans un premier temps, le changement astronomique réchauffe la Terre d'environ 2,5 degrés, en commençant par l'Antarctique.
  • Les eaux de l'Océan glacial antarctique se réchauffent et ne parviennent plus à capter autant de CO2 ; sa concentration dans l'atmosphère augmente : d'où effet de serre, et réchauffement de 2,5 degrés supplémentaires[5].

Ces hausses passées du CO2 fournissent un argument aux climato-sceptiques : c'est du classique, selon eux. À ceci près que cet effet de serre "interglaciaire" était provoqué par des fluctuations astronomiques… qui ensuite s'inversaient. Rien de tel aujourd'hui.

Certains climato-sceptiques évoquent les fluctuations (de 0,1% environ) du rayonnement solaire, dues au cycle des taches à la surface du Soleil. Mais ces fluctuations, bien connues, sont intégrées dans les modèles actuels, et leur impact sur les températures est bien plus faible que la hausse constatée[6].

Restait à démontrer le lien entre concentration en CO2 et changement des températures (estimé par Arrhenius à 5 ou 6 degrés pour un doublement du CO2).

À partir des années 60, les ordinateurs permettent de construire des simulations du climat global.

1979 : Jim Hansen publie une simulation selon laquelle un doublement de la concentration en CO2 réchaufferait la planète de 4 degrés.

1983 : Une équipe soviétique extrait à Vostok (Antarctique) une carotte de glace de plus de 2000 mètres. Elle permet de mesurer les concentrations passées de CO2. Et on constate qu'elles correspondent aux variations de température.

2000 : l'Organisation météorologique mondiale déclare le 20ème siècle le plus chaud du millénaire, et la décennie 90 la plus chaude du siècle.

2003 : James Inhofe, président du comité de l'environnement du Sénat américain, déclare que le réchauffement planétaire est un "canular".

2007 : La totalité des modèles pris en compte dans les rapports du GIEC montrent un réchauffement d'ici 2100,

  • de +1° dans les modèles les plus optimistes et en supposant que les émissions humaines soit maîtrisées de la façon la plus favorable,
  • à +6° dans les modèles les plus pessimistes et en supposant que les émissions humaines continuent sur leur lancée.

Mai 2007 : Sergueï Mironov, président de la Chambre Haute du Parlement russe, affirme que "les émissions de CO2 n'ont aucun effet sur le climat".

Juin 2007 : la Chine se dote de son premier plan de lutte contre le changement climatique.

Décembre 2007, conférence de Bali : les États-Unis refusent tout engagement contraignant sur les émissions de GES.

Mars 2008 : Claude Allègre écrit : "Je ne crois pas aux prédictions climatiques à un siècle (...). La cause du changement climatique ? Je ne la connais pas. Certains de mes collègues, spécialistes sérieux, pensent, et ils ne sont pas les seuls, que le Soleil joue un rôle éminent dans ce processus. Ce ne serait pas étonnant." Je ne résiste pas à la tentation de vous renvoyer au démontage par Jean-Marc Jancovici d'une précédente tribune du même Claude Allègre.

Notes

[1] le même dont la fouriérisation occupe une bonne partie des études de maths

[2] Merci à AlainA pour la correction

[3] qui aussi démontré pourquoi le ciel est bleu.

[4] Les modèles actuels disent : 2 à 4,5 degrés.

[5] Le bouquin explique que la fonte des glaces amplifie le phénomène : la Terre devient plus sombre et absorbe plus la lumière. Mais il ne dit pas dans laquelle des deux moitiés c'est compté ;-)

[6] "À travers ses émissions de gaz à effet de serre l'homme a modifié la situation "comme si" le soleil avait augmenté sa puissance d'environ 1%", manicore.com