Dans ma boîte aux lettres professionnelle, il y a quelques semaines, une enveloppe A4 à fenêtre, à en-tête :

ACHATS COLLECTIVITES
REGION PARIS - ILE DE FRANCE
42, Avenue Montaigne
75008 PARIS

J'avais déjà entendu parler du truc, mais là, c'est si bien fait que - chapeau.

À l'intérieur, une double page de papier cartonné blanc cassé, dont la mise en page s'inspire directement de la technique administrative - je lui trouve une parenté avec le PV que chacun aura pu observer sur le pare-brise d'autrui.

Un cadre de titre :

FICHIER DES FOURNISSEURS
(et Candidats)
AUX MARCHES des COLLECTIVITES

En haut à droite (lieu de l'action), une

DATE LIMITE DE RETOUR :
Pour validation du dossier
30 SEPTEMBRE 2008

(la date est imprimée à l'imprimante à aiguilles).

En bas à gauche (lieu du passé, de la menace), sur fond gris :

Précision importante : Le présent Bordereau de Référencement n'est suivi d'AUCUN RAPPEL.

Bref. Je passe directement aux petits caractères à l'encre grise en bas de la dernière page…

Le référencement ne se supplée pas (sic...) aux formalités officielles … ne présente pas de caractère obligatoire et n'est susceptible d'aucune contrepartie formelle de contrats (sic) publics ou privés. Le titre descriptif et générique (sic), et la marque déposée n'émanent pas d'une source officielle mais d'une initiative privée. ...

L'exploitation exclusive en est assurée par la société DIRE, sarl au capital de 8384,70 euro ... Le coût annuel de traitement du référencement est de 285 euros HT.

Ben tiens ! Et le plus beau pour la fin :

Le présent document de référencement tamponné et signé est un bon de commande ferme, au sens que lui donne le Code Civil, et une acceptation irrévocable des prestations souscrites.

Ah oui, mais si c'est juste une secrétaire qui l'a renvoyé par inadvertance ?

L'utilisation du tampon de l'entreprise par une personne annoncée comme non habilitée ne constitue pas un motif d'annulation. Devant le caractère spécifique du Référencement et des services annexes (sic - en quoi consiste cette spécificité, à vous de juger), et de son rapport direct avec les activités des entreprises destinataires, la société signataire ne dispose pas d'un délai de rétractation. Les litiges sont de la compétence exclusive des tribunaux de TOULON (83). Le règlement des frais de traitement est à joindre au présent formulaire. Le retour du formulaire implique l'acceptation du règlement des Frais de Traitement et des Conditions Générales du Référencement.

Et moi qui ai toujours rêvé d'être référencé…


Il y a quelques jours (mais je ne retrouve plus la page), je lisais que, selon la CNIL, la majorité des "spams" déplorés par les internautes n'en sont pas : ils ont en effet eux-mêmes fourni leur adresse mail. Comprendre : ils ont un jour cliqué une case du type "Mon adresse pourra être utilisée exclusivement par la société MACHIN et ses partenaires commerciaux", autrement dit, par n'importe quel acheteur de fichier.

Nous sommes dans une tradition de droit écrit, qu'il s'agisse de droit romano-germanique ou de common law. Mais s'agit-il de droit quand l'écrit contractuel est, de façon évidente, différent de la volonté de l'une au moins des parties contractantes ?

Ma carte bancaire professionnelle actuelle date d'il y a un peu moins de 2 ans. De passage à mon agence bancaire, j'avais demandé à l'accueil si ma nouvelle carte était arrivée : oui, c'était le cas. L'employée me tend le bordereau à signer : en signant, c'était écrit, je reconnaissais avoir reçu, lu et approuvé les "conditions générales" associées à ce produit bancaire.

Là j'ai fait un truc que l'employée n'avait jamais entendu : j'ai demandé à lire ces conditions générales. Dans un coup de folie démocrate, je me suis dit que tant qu'à signer un texte, autant qu'il soit vrai.

L'employée a cherché dans ses placards, demandé à ses collègues, ils ont cherché sur l'internet, cherché sur l'intranet : rien.

Qu'à cela ne tienne : je n'étais pas si pressé de prendre cette carte. J'ai donc indiqué que je reviendrais plus tard - et d'ici là, je demandais à la banque de bien vouloir trouver ce texte, qu'elle me demandait de lire et approuver.

La fois suivante, une ou deux semaines étaient passées, la carte était toujours là, les conditions générales toujours absentes : j'ai accepté de rentrer dans le rang, d'approuver ce texte inconnu.

Après tout, même dans notre société de droit écrit, un contrat que tout le monde signe, mais que personne ne lit ni ne peut trouver, ne doit pas avoir une grande portée ?


Épilogue : J'ai renouvelé ma carte bancaire dans le même établissement ; même bordereau à signer : je demande les conditions générales. Et hop, l'employé au guichet les imprime ! Halluciné j'étais !


Post-scriptum : le fichier "Achats collectivités" a également été évoqué par presse-citron ou Olivier El Mekki. Les contenus de ces deux pages sont sous la seule responsabilité de leurs éditeurs.


Sur des sujets ayant un vague rapport :

  • "BONJOUR, PUIS-JE PARLER À MONSIEUR L. ?" - OU LE COUP DE FIL QUI VOUS COINCE DANS LA TERMITIÈRE (20 sept. 2007)
  • COMMENT ON NOUS ARNAQUE : MONOPOLES TEMPORELS, OU COMMUNICATIONNELS ? (19 juill. 2007)