L'Académie des Sciences prend position pour l'enseignement de l'informatique (PDF ; merci à Michel Volle pour le lien). Je n'ai lu encore que les deux pages de résumé, et réagis sur cette base.
Nos Académiciens prennent la mesure de l'enjeu, ça me fait plaisir :
L’enseignement doit s’adresser d’une part à tous les citoyens, pour qu’ils comprennent les mécanismes et façons de penser du monde numérique qui les entoure et dont ils dépendent.
Il peut et doit être commencé dès le primaire, par une sensibilisation aux notions d’information et d’algorithme, possible à partir d’exemples très variés dans le style de La main à la pâte. Il doit être approfondi au collège et au lycée.
Je me réjouis qu'elle ait également repéré l'opportunité :
Les circonstances sont très favorables à l’introduction d’un véritable enseignement de l’informatique : pression de l’industrie en manque de personnel bien formé en informatique, attirance naturelle des élèves pour le numérique qui fait partie de leur environnement de tous les jours, possibilité de décliner les exemples d’applications dans des domaines très variés et attirants, excellente adaptation à l’enseignement en ligne qui se développe partout, développement d’une meilleure compréhension de ce qu’un curriculum doit inclure dans ce domaine avec participation des chercheurs.
Mais je déplore que l'Académie en reste à une conception tristement ringarde de l'enseignement d'une "science" qui tomberait de Sirius. Elle espère avoir l'iconomie à l'économie. Connecter en débranchant.
La sensibilisation (…) au primaire (…) peut se faire (…) en utilisant des ordinateurs ou de façon « débranchée »,
L’acquisition de l’autonomie (…) doit commencer au collège et approfondir la structuration de données et l’algorithmique. Une initiation à la programmation est un point de passage obligé d’activités créatrices, et donc d’autonomie.
Autrement dit, les enfants auront le droit, à l'école, de faire des dessins à 3 ans, des bouts de rédaction à 7, d'improviser en anglais à 8 ou 9, mais ils devraient attendre le collège, 11 ou 12 ans pour taper leur première formule.
Autrement dit, ils auront été invités à répondre aux ordinateurs (aux tablettes, aux téléphones) toute leur enfance, à subir le langage et le mode de pensée des machines, sans pouvoir en soulever le capot, sans voir et entendre comment elles marchent, sans penser un instant à en prendre le contrôle.
Moi aussi, je fais partie de l'ancienne génération, celle à qui il reste, en probabilité, moins d'années à vivre qu'elle n'en a vécu.
Moi aussi, j'ai été éduqué, jusqu'à l'entrée au collège, sans ordinateurs et sans informatique. Et je les ai découverts dans des cours "de sensibilisation" un ou deux ans avant d'avoir le droit de perforer mes premières cartes.
Moi aussi, j'ai eu des profs de maths bourbakistes, qui m'ont appris "la mathématique", et trois années de suite — en 1ère, en Terminale et en Maths Sup — et j'ai été émerveillé.
Moi aussi, j'ai été mathématicien et logicien bien plus qu'informaticien, et bien avant. Moi aussi j'ai appris à regarder un problème avant de commencer à le résoudre. J'ai appris à l'attaquer par le début et la fin de la page blanche — par l'énoncé, et par "ce qu'il faut démontrer". Et moi aussi, avec ça, j'ai eu un diplôme d'informatique, et si je n'ai jamais vraiment exercé, je n'ai jamais renoncé à programmer (je suis très fier de mon dernier script vba pour construire des beaux nuanciers de couleurs).
Et j'ai assez de bon sens pour ne pas confondre mon cas avec une généralité. Si nous voulons que la France s'en sorte, construisons une école dont les enfants sauront programmer de beaux nuanciers de couleurs avant l'âge de 47 ans.
Le meilleur moment pour programmer, c'est maintenant.
Bonsoir Frédéric,
Au risque de te décevoir, je me demande également si le niveau primaire est le mieux adapté pour une initiative à la programmation. Je m'en explique: la programmation demande déjà l'acquisition d'une certaine structure d'esprit logique, et je me demande si en primaire l'esprit logique est déjà là. C'est ma principale préoccupation vis-à-vis de cette ambition.
Après le Primaire, il est bien évident que sauf à confondre l'utilisation d'une souris et d'un clavier avec la maîtrise de l'informatique (témoignages reçus, il y en a qui croient que c'est la même chose!), un peu de retour aux fondamentaux ferait du bien. A savoir le fonctionnement et surtout la programmation d'un ordinateur. Puisque sans programmation, la souris et le clavier n'existent plus...
Aujourd'hui, dans les bacs généraux on pose des exercices d'algorithmique qui sont ridicules: tellement ils sont basiques pour qui a déjà fait de l'informatique, tellement ils semblent hors de portée pour ceux qui n'y connaissent rien (ce qui est le cas général). Il y a là un malaise et la preuve que l'enseignement de l'informatique dans le secondaire n'existe pas en France aujourd'hui.
Les solutions sont presque évidentes:
1) découpler l'enseignement de l'informatique et de l'algorithmique avec celui des maths, car ce sont deux choses différentes et parce qu'un prof de maths n'est pas un informaticien! Preuve en est, il manquait une instruction "fin de boucle" dans l'algorithme fourni au Bac S métropole 2012!
2) découpler l'enseignement de l'informatique avec celui des maths, car il y en a assez de diminuer les heures consacrées aux maths parce qu'il faut faire autre chose pendant un temps de scolarité qui est contraint.
Les maths permettent de former des esprits logiques, et quoique puissent en dire certains, c'est un dernier rempart contre l'imbécillité.
3) Instaurer dès le collège une initiation à l'informatique (la vraie, c'est à dire la programmation et pas juste le maniement d'Excel), en cours autonome. Il y a peut-être des choix à faire pour que cela puisse exister. J'ai toujours été personnellement contre ce qui était inutile. Cet enseignement pourrait à coup sûr remplacer celui du grec ancien, voire du latin, voire de certaines langues régionales (et là je suis en désaccord avec Bayrou) qui sont totalement inutiles dans la société d'aujourd'hui.
je constate que les enfants sont immergés dans le numérique, du smartphone à l'ordi, en permanence. Ma tentation est plutôt de les pousser à en sortir, lire, dessiner. Je ne sais pas si une technique spécialisée doit s'enseigner aussi tôt, vu le risque d'obsolescence rapide. Peut-être peut-on introduire une matière liée à la logique de l'informatique, mais qui reste de la logique. Le latin, inutile ? c'est ce que j'aurais dit autrefois, sauf s'il permet d'accéder à une culture disparue, un gisement de pensées et d'idées qui couvre 2 millénaires de l'antiquité, au moyen-âge, et jusqu'au 19ème siècle. C'est peut-être finalement un besoin humain aussi important que la technique, même s'il ne concourt pas à notre économie, mais une part de l'humain ne relève pas de l'économie. Si l'on rajoute une matière à l'école, qu'enlever ? c'est là que le choix est à faire. L'école doit fournir un panel, une base, la spécialisation survient ensuite. Est-ce qu'une éducation informatique précoce nous donnera de meilleurs informaticiens : après tout, personne n'apprend la comptabilité de manière prématurée, et pourtant nous formons des comptables, et en grande quantité ? est-ce cette précocité là qu'il faut vraiment développer ?
@ Triton
Vos arguments sont clairement très intéressants et bien formulés. Je ne peux que vous rejoindre quand vous indiquez: "Si l'on rajoute une matière à l'école, qu'enlever ? c'est là que le choix est à faire."
La grande question est évidemment celle-là...
"Qu'enlever ?"
Moi j'ai une idée !
http://www.planetoscope.com/tourism...
3h47 par jour à regarder des conneries ; 6,75 heures (et combien d'interruptions ?) par mois devant facebook
Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de raboter tout ceci ?
Bonjour et bon dimanche.
Pour 80% des personnes, l'informatique n'est qu'un outil parmi tant d'autres.
Apprendre à utiliser cet outil en collège oui, à l'école élémentaire non, il y a tant d'autres choses à faire.
Enfin, si une formation purement informatique doit exister, il faut créer dans chaque lycée une filière qui se prolongera dans le supérieur.
Merci à tous ; il y a sans doute un peu de provoc dans le billet. Mais sur le fond : pour 90% des personnes, les mathématiques sont à peine un outil ; l'informatique est bien plus proche d'eux. La pratique de l'informatique ne fournirait-elle pas, pour le monde d'aujourd'hui, une meilleure éducation que de résoudre des problèmes de mathématiques ? Celles-ci ne deviennent-elles pas une sorte de "latin du XXIème siècle", étude honorable pour comprendre le substrat de notre civilisation, mais inutile à la grande majorité des gens et en tout cas, dans la grande majorité des métiers ?