(Areva a annoncé 5 milliards de pertes, l'équivalent de ses fonds propres ; autrement dit, le géant du nucléaire français est en faillite, et le contribuable français va devoir payer. Un scandale d'État ?)
"Je ne connais pas assez le détail des dossiers, pour en faire une affaire de personnes. Mme Lauvergeon était aux commandes, mais elle avait un actionnaire : l'État. L'État est en cause. Les moeurs de ce secteur sont insupportables. Les guerres d'ego entre les présidents des grandes sociétés… ceux qui veulent prendre le contrôle de l'autre… les guerres de communication pour dézinguer leurs voisins, se faire des empires personnels, c'est le pire de la gouvernance française.
Ce sont les mêmes filières, les mêmes grandes écoles, les mêmes corps, les mêmes avantages indus, les mêmes publicités égotistes, c'est une très grave faiblesse de notre État, intimement liée à la manière dont il est gouverné depuis des années.
(Rien ne changera) si vous continuez l'alternance entre les deux partis qui ont les mêmes moeurs, les mêmes pratiques… entièrement contrôlées. Ce sont jamais des gens qui viennent de la base qui se retrouvent au sommet de ces partis…
Au Parti socialiste, vous vous retrouvez au MJS, puis vous allez à SOS Racisme, puis vous devenez assistant parlementaire… (Ce qu'il y a de mal à ça ?) Ils n'ont pas de métier ! Ils n'ont pas d'expérience professionnelle !
Tout cela, c'est la gouvernance dans l'entre-soi à la française. Lorsqu'il s'agit de nommer le patron d'une entreprise, il est rarissime qu'on prenne quelqu'un qui est monté du rang, devenu n°2, 3 ou 4. Quand l'État intervient, les pratiques de l'État se répandent dans les entreprises. Tout ça, ça permet des services mutuels, l'installation de réseaux. Une grande banque, vous installez à sa tête quelqu'un qui vient du bon entourage, tant qu'il a le pouvoir…
Évidemment, en le disant, vous ne vous affrontez pas seulement aux puissants du jour, mais aussi aux puissants du lendemain qui sont aussi ceux de la veille.
(Marine Le Pen fait ce constat ?) Il se trouve que je le fais, et depuis plus longtemps que Marine Le Pen. Pas seulement verbalement : j'ai écrit des livres qui ont été assez entendus… Je considère que ces moeurs, ces ententes entre gens de bonne compagnie — ce ne sont pas des capi mafiosi — sont la faiblesse de notre pays. L'intérêt général disparaît derrière les intérêts particuliers, intérêts de groupes, de clans, de personnes.
Il y a 20 ans, j'étais dans le monde politique français, un sympathique animateur. Jeune responsable, ministre très jeune, chef de parti très jeune.
Pourquoi vous croyez que je me suis séparé de tout ça ? Est-ce que vous imaginez que ça a été facile d'entrer dans cette dissidence ? D'accepter les accusations, les sifflets ? Pourquoi ? J'ai fait ça uniquement parce que j'ai considéré qu'auprès de ceux que j'avais de plus cher, mes concitoyens, mes enfants, je ne pouvais pas continuer à défendre ce système. Quand vous êtes un homme, un père de famille, vous vous dites : Tu ne peux pas continuer ? Eh bien, il faut le dire.
C'est l'histoire de mes quinze dernières années."
François Bayrou, dimanche 8 mars, Le Grand Jury (seul le prononcé fait foi).
Merci à ZigHug, commentateur sur ce blog, qui m'a signalé l'émission.
La liberté de l'écrivain de fiction lui permet d'être moins précautionneux que ne l'est l'homme politique, qui engage sa parole et souhaite respecter la présomption d'innocence. "L'Emprise" de Marc Dugain semble ainsi décrire de manière approfondie, explicite (et passionnante) les mécanismes qui font que le bien commun est "beaucoup trop" détourné vers des intérêts particuliers.
Areva et une grande entreprise liée à l'énergie et l'environnement sont au coeur de l'intrigue. Le récit est semé de remarquables traits d'intelligence sur les liens entre la psychologie des individus (électeurs et élus) et la tournure que prend notre vie politique. Déprimant ou électrisant ? Je laisse chaque lecteur trancher !
Bonjour Frédéric et merci pour cette info. Je suis allé écouter l'interview illico.
Superbe survol de la politique française. Juste un bémol , pourquoi laisse -t-il faire dans certaines fédérations ce qu'il dénonce brillamment? Je me pose cette question de manière récurrente et je n'ai pas la réponse. Peut etre pourra-tu m'éclairer
@ ZigHug : merci pour le conseil de lecture ! En ce moment je suis dans http://www.amazon.fr/Shooting-War-n... et dans http://www.amazon.fr/Confidences-du... .
@ paulo40 : en tant que père, je serais bien incapable de décider de ce que font mes enfants (majeurs) dans la semaine. Alors, un président de parti… En gros je crois que chacun est responsable de ses propres actes, dans quelque étiquette qu'il se range.
@Frédéric
Bien tapé en touche!!!
Mais si tu apprends que tes enfants (majeurs ) font des conneries, continueras-tu à leur confier des responsabilités?
Une preuve de plus que l'ascenseur social fonctionne de plus en plus mal dans notre société.
Que le travail et/ou la valeur des hommes ne sont plus reconnus dans le monde de l'entreprise comme dans la politique.
On se partage les postes à responsabilité entre copains issus des mêmes grandes écoles, si possible de la même promotion et surtout, on n'oublie pas de placer à la tête de... celui ou celle qui pourra me faire gagner un maximum d'argent ou mieux, m'être utile en cas de nécessité !
Depuis presque une décennie, je bats le terrain à chaque élection et d'élection en élection, le "tous pourris" prend de l'importance !
On ne fait plus confiance à nos élus et pourtant nombre d'entre eux se battent pour l'intérêt général mais quelques arbres (à Levallois par exemple sans être loin de là, le seul endroit) cachent la forêt de tous ces élus honnêtes et dévoués à leurs concitoyens.
Dans le monde de l'entreprise et principalement dans les grands groupes du CAC 40, leurs dirigeants ne sont là que pour s'octroyer des salaires et autres bonus mirobolants tout en cherchant une rentabilité maximum en délocalisant par exemple, au mépris de l'emploi.
Et pendant ce temps, le découragement s'installe dans notre pays, la misère se développe et le FN monte, monte.....
Reveillons nous pendant qu'il en est encore temps mais attention, le temps est désormais compté avant l'irréversible.
@ paulo40 : juste réponse pour ce qui concerne les délégués départementaux, nommés par le siège. Mais François Bayrou n'est pas le siège à lui tout seul, pas plus que François Hollande n'est la République ou le pape n'est le Vatican À chacun donc de rendre compte pour les responsabilités qui lui reviennent. "Tout est dans les institutions", à mon avis (Cf. débats de 2007 sur les statuts du MoDem).
@ Bernard : je partage ce sentiment — pas forcément tout de même sur les dirigeants du CAC 40. Je pense que beaucoup d'entre eux s'identifient à leur entreprise, la voient menacées par les concurrents et les bascules financières et technologiques, et se pensent chargés en premier lieu de la faire survivre. Par exemple sur la BNP, un livre très intéressant sur les préoccupations de ses plus hauts dirigeants : http://www.amazon.fr/semaine-Kervie...
Certes, j'ai peut être trop vite mis tous les dirigeants du CAC 40 sur le même plan et j'aurai du nuancer mes propos mais il ne se passe pas un mois sans qu'on entende parler du bonus d'un tel, du parachute doré d'un autre, de la retraite chapeau d'un troisième etc.....
Certes, les Grands Groupes sont menacés par la concurrence et à leur niveau il y a des milliers d'emploi en jeu.
Bien sur, les entreprises dans notre pays doivent être valorisées car elles sont seules créatrices d'emploi, principalement les PME et PMI et le Gouvernement actuel a pris des mesures fiscales en ce sens et des réformes sont en préparation (enfin j'espère)
Mais pour de nombreux dirigeants du CAC 40, je doute fortement que l'intérêt de la Nation passe toujours avant leurs intérêts personnels.
Comment faire accepter par les français qu'ils s'octroient des salaires qui sont des centaines de fois supérieurs au salaire minimum alors que leurs sociétés délocalisent à tour de bras et que le coût de leurs actions stagne depuis des années ?
Les Français ne sont pas opposés à leur entreprise, tout au contraire, beaucoup sont fiers de la leur et s'y investissent.
Mais comment accepter avec 5 milions de sans emploi, des délocalisations au seul profit d'une rentabilité pour les actionnaires ?
La compétitivité n'est pas forcément la conséquence de la rentabilité.
On peut être compétitifs par exemple par l'innovation.
La rentabilité maximum au détriment de l'investissement et de l'emploi, sera à terme un poison pour l'entreprise.
Je garde la même conclusion que mon précédent commentaire meme si je pense être hors sujet par rapport à ton billet.