Georges Ugeux, sur son blog finance.lemonde, se demande avec The Economist (en 2012) et Paul Krugman : "La chute de la France est-elle inéluctable ?"
Les problèmes économiques et sociaux de la France, fruit d'une absence de réformes de plusieurs décennies, atteignent un niveau insoutenable.
Le blocage du processus de décision… (par des) guerres de personnes maquillées derrière des débats idéologiques… laisse les amis et alliés de la France désespérés de voir une amélioration de la situation du pays.
(la dette publique, qui était) de 65% (de la production en 2007) dépassera 100% a la fin de 2014. La situation de l'endettement a ce redoutable privilège d’être irréductible et radicale.
Chance inouïe… : les taux d’intérêt ont connu… une baisse extraordinaire. En un an, les obligations à 10 ans de la République ont vu leur rendement baisser de 2,58% à 1,25%.
(Mais) dans un avenir rapproché, la hausse de l'endettement, jointe à une inévitable hausse des taux mondiaux, va se rappeler au bon souvenir des investisseurs.
… qui couperont fatalement, c'est le sens du billet, la perfusion de liquidités qu'ils accordent aujourd'hui à notre État.
En fait, la "déflation" actuelle (stagnation des prix, des salaires et taux d'intérêts proches de 0%) n'est pas une si bonne affaire à court terme pour l'État, car elle rend très lourds les intérêts des années passées, ceux que nous coûte la dette souscrite alors. Les ménages qui ont acheté une maison à 4% le savent bien quand leurs revenus ne progressent que de 1% ou même diminuent — et que la valeur de leur bien stagne ou décroît. Ils ont l'impression d'être perdants-perdants.
Ainsi, même avec la baisse des taux d'intérêt, la dette reste une bombe à retardement dont (comme pour le krach futur de l'immobilier) le délai est inconnu.
Au moins, ces taux bas sont-ils une opportunité pour le pays qui voudrait conduire des réformes de structure. Des réformes de structure, au sens propre : non pas la baisse des allocations et des minima sociaux (ce que certains éditorialistes de droite semblent comprendre comme "réforme de structure" : s'attaquer à l'État providence, etc.), au contraire ; mais un bond d'efficacité des services publics, de l'enseignement, du marché du travail, de l'insertion des jeunes.
Ces réformes demandent des moyens à court terme, mais elles rendraient l'État, la Sécurité sociale, le service public viables à moyen voire long terme.
Toute organisation au bord de la faillite ferait ce raisonnement : l'argent qui déborde des caisses des prêteurs nous permet de financer aujourd'hui, à bon marché, notre redressement et de revenir dans la course pour dix ou vingt ans. Fonçons !
Jusqu'ici notre gouvernement se comporte de façon inverse : certes, dans les idées et les paroles, il perçoit l'urgence ; mais dans les actes, le surplace est la règle. Ministre après ministre nous explique ce qu'il ne fera pas.
Ce qui explique sans doute l'intérêt des investisseurs, même français, ou des jeunes diplômés, même français, pour Londres, Singapour, Boston ou Mumbai ; au moins, il s'y passe quelque chose.
Entièrement d'accord avec l'approche par le haut=> valeur du service plutôt que démantèlement du modèle social. Une expérience en Suède mériterait d'être relayée => passage de certaines entreprises à semaine de 30h et accroissement de rentabilité de 20% par effet d'implication et productivité qualitative en lieu et place d'un présenteisme bureaucratique.
Au niveau de la dette actuelle, ceteris paribus, quel effort faudrait-il déployer pour ramener celle-ci à 70% du PIB ? Ou à tout autre niveau considèré comme acceptable ?
Pourtant le coût de l'Etat n'a pas augmenté en trente ans, mais ne faut-il pas se poser des questions sur une politique qui a réduit l'imposition depuis 15 ans, et provoqué, selon la Cour des comptes, une baisse des recettes de 100 milliards d'euros par an ? et que penser de la proposition de Picketty de taxer les grandes fortunes privées, ce qui selon lui permettait en quelques années, de ramener la dette à 60% du pib.
@ Yann ELIMAS : je crois en effet qu'il y a un potentiel énorme de progrès dans l'efficacité des services publics dans la plupart des domaines. Simplement parce qu'ils ont très peu évolué depuis 40 ans, par rapport aux progrès des entreprises, alors que les révolutions technologiques en cours les concernent directement. Comment comprendre par exemple que la révolution du mobile, de la géolocalisation, ait si peu amélioré les services publics municipaux ? Comment comprendre que les nouvelles technologies, partout présentées comme permettant une réduction des coûts, soient invoqués en matière de santé et de médicaments, comme une bonne raison pour augmenter sans cesse le prix des traitements ? C'est simplement absurde.
@ triton : le coût de l'Etat est stable… parce qu'il a gardé son personnel, et confié ses missions aux collectivités locales et à des entreprises ou associations qui ont dû embaucher pour cela (je caricature bien sûr, mais non sans raison). Les nouvelles technologies ont permis le développement de fraudes à grande échelle aux dépens des budgets sociaux et de la santé. Le coût du service public a donc augmenté de façon considérable sans que le service rendu n'ait progressé dans les mêmes proportions. C'est pourquoi tant de jeunes diplômés ou d'entreprises qui en ont les moyens, quittent notre pays, plus nombreux que ceux qui le rejoignent : simplement parce que nos voisins ont plus progressé que nous (ou moins régressé).
Sur les sujets fiscaux, j'ai fait pas mal de billets par le passé. L'évasion fiscale est une catastrophe. Les fortunes privées, qui ont bénéficié de la bulle immobilière et financière des 10 dernières années (elle-même nourrie par la dette publique), devront subir le dégonflement de cette bulle. Cependant, ramener les milliardaires en France, si on y parvient, ou plus probablement, les pousser à quitter le pays pour de bon à la suite de leur fortune, ne résoudra pas les surcoûts (au regard des services que nous devrions en attendre) de notre système de santé, de notre Education Nationale paralysée, de notre police nationale absente, etc. etc.