L'ailier gauche de l'équipe nationale de handball explique :

Même quand on parle entre nous, tu regardes par derrière, voir si y a pas quelqu'un qui te balance

Entendu sur BFMTV ce matin (citation de mémoire).

Pour autant que quatre ou cinq jours en 2008 en Tunisie me permettent d'avoir une opinion :-( … l'impression que j'avais eue était celle d'un pays très étroitement fliqué, pour lequel la question du choix de ses gouvernants ne se posait simplement pas. Qui s'accommodait raisonnablement, et même subtilement, d'un régime qui vous laissait vivre… tant que vous n'aviez aucune prétention ni à faire de la politique, ni à vous enrichir (ou alors, en lien étroit avec la Famille et le Parti).

Certainement pas le pire régime du monde ; mais certainement pas non plus un régime dans lequel la notion de "popularité" pouvait avoir grand sens.

La société semblait calme et le débat détendu … étant entendu qu'on se tiendra toujours / Loin des tourbillons géants, que le pouvoir n'est pas un sujet de conversation.

En revanche, le pouvoir était en permanence sous nos yeux. Dans les rues, dans les halls d'entrée des entreprises ou des hôtels, grande diversité de photos officielles du Président, toujours en complet veston, fond rouge et violet, sans une touche de vert. Zine el-Abidine Ben Ali semblait affirmer ce que n'aurait osé exprimer aucun Président démocratiquement élu dans notre Occident : l'État, c'est moi.

M. Ben Ali est parti, l'État reste là : les Présidents des deux Chambres, quasi-monocoles RCD, entourent M. Mohammed Ghannouchi, Premier Ministre depuis 1999. Celui-ci s'exprime au nom d'Allah, le Tout-Puissant, et de la Constitution, article 56.

La déstabilisation par les troubles suffit rarement à faire tomber un clan de "n°1". Pour qu'il tombe vraiment, il faut aussi que le clan "n°2" saisissant l'occasion, le pousse dans le dos ou lui fasse un croche-pieds. Le clan n°2 tente alors de profiter des 6 ou 8 semaines d'état de grâce pour verrouiller. C'est ce qu'avait brillamment réussi M. Ben Ali voici 23 ans. Attendons de voir qui reprend les manettes qu'il tenait avec la Famille.

Peut-être les Tunisiens, qui ont eu le courage d'affronter les myriades de policiers et de caméras, obtiendront-ils vraiment, cette fois-ci, un peu plus d'espace d'expression et de liberté.

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Peut-être les dossiers policiers et fiscaux vont-ils s'ouvrir, et révéleront qui a profité, de ce côté-ci de la Méditerranée, de la manne tunisienne[1], entre camarades de l'Internationale Socialiste et amis de l'UMP[2].

Dans l'avion qui nous amenait à Tunis en 2008, je lisais la presse officielle :

"Le Chef de l'État", de derrière son bureau, "a donné ses instructions" à son Premier ministre, assis en travers de façon à pouvoir poser ses dossiers sur un guéridon, "soulignant l'impératif de veiller à parfaire la concrétisation des législations et des dispositions instituées aux fins de stimuler l'esprit d'initiative et d'aménager les espaces économiques et les zones industrielles".

Idée de manoeuvre pour comprendre une phrase arabe : le point est à la fin.

Notes

[1] Et surtout des pâtisseries, dont j'ai largement profité moi aussi, comme le montre la photo... Excellentes ! Les meilleures du monde !

[2] Au passage, voir chez l'Hérétique la prise de position de notre porte-parole Yann Wehrling, d'une justesse millimétrée, le 13 janvier.