Quelques recommandations vite faites, à l'attention de celles et ceux qui, comme moi, n'accrochent malheureusement pas aux romans, parce qu'il leur faut du vrai pour y croire.

Quelqu'un, je ne sais plus qui, m'avait offert "Ébène". Ryszard Kapuscinski y raconte, mieux que je ne saurai jamais le faire, l'Afrique que j'ai rencontrée il y a plus de 30 ans.

J'ai retrouvé son regard dans la magnifique exposition "Mali Twist" de la fondation Cartier sur le photographe récemment disparu, Malick Sidibé. Un contemporain de mon beau-père, qui l'avait forcément rencontré quand il était en CAP à Bamako, car les capitales africaines étaient petites alors. L'expo a fermé hier mais le site est encore là.

J'ai trouvé "Chinoises" à la fête de LO. Xinran a animé au tournant des années 90, sur une radio de Shanghaï, une émission de reportages et de libre antenne sur la vie des femmes. Le livre réunit quelques histoires de femmes ballottées ou écrasées par quatre décennies de révolution. Et aussi l'histoire immobile des femmes de "Colline hurlante", village troglodyte où le Moyen-Âge n'est pas encore arrivé.

J'ai sur une étagère un livre sûrement très bien dont je n'ai pas dépassé le premier chapitre : "Ce que pense la Chine". Ma bonne volonté n'a pas résisté au décalage entre le titre et le contenu : il s'agit en fait de "ce que pensent" les académies et quelques autres intellectuels. C'est certainement très bon à savoir ; mais sur ce que vivent 99,9% des Chinoises et aussi des Chinois, j'ai l'impression d'être mieux informé par Xinran.

J'ai reçu à Noël (merci R.) "Tokyo Vice", de Jake Adelstein, Américain qui a travaillé des années aux "Faits divers" d'un grand quotidien japonais. C'est de la même richesse que "Chinoises", en plus âcre, puisque ce journaliste-ci cherche les histoires que leurs protagonistes n'auraient pas voulu raconter.

Je n'accroche pas aux romans, mais deviens très bon public quand l'image porte la fiction, en BD ou au cinéma. Une amie ayant recommandé "Three Billboards", j'y suis allé ; malgré un titre qui me disait rien (à quoi bon ne pas traduire des mots pareils, ce n'est même pas le titre original), malgré une affiche qui ne me parlait guère, et malgré ce que j'avais mal lu sur internet au sujet du film — quelque chose comme "un film psychologique qui tourne au thriller". C'est pas ça. C'est un film honnête sur ce que des événements singuliers, et tragiques, peuvent provoquer sur des gens normaux. L'histoire n'est presque pas inspirée de faits réels. L'héroïne n'est pas le héros (rien à voir avec "Erin Brockovich"). La fin n'a rien à voir avec celle d'un thriller. Ce n'est pas non plus un film réaliste : autant de coups de théâtre que dans un Shakespeare, autant de répliques choc que chez Sophocle, des cadrages presque aussi directifs que ceux de Wes Anderson.

Le film fait partie des favoris pour les Oscars. Il a triomphé aux BAFTA. Les prix de meilleure actrice et de meilleur second rôle masculin sont allés à Frances McDormand et à Sam Rockwell. Celui-ci disait, dans je ne sais plus quelle interview, qu'eux deux ont joué leur rôle en "do or die", et que c'était la seule façon d'y arriver. C'est bien l'impression qu'ils donnent (et quelques autres actrices et acteurs de ce film aussi), donc, en fin de compte, ce n'est pas de la fiction :-)