Mon intervention au Conseil Municipal de ce jeudi 16 octobre, pour le groupe Tous Fiers d'Être Argenteuillais.

1) Rappelons en préambule que la raison pour laquelle la Municipalité a voulu quitter l’agglomération, c’est, de votre aveu, Monsieur le Maire, votre volonté d’écarter le président Philippe Doucet de la gestion de cette agglomération.

Or, quelle que soit l’opinion de votre équipe sur la gestion municipale passée de la Ville, vous devriez constater

  • Premièrement, l’avis très favorable de la Chambre régionale des Comptes sur la gestion de l’Agglomération,
  • Deuxièmement, l’intérêt pour Argenteuil de la dotation d’Etat : 5 millions pour l’agglomération (contre 2 millions à Seine-Défense pour une population égale), soit l’équivalent de 4 millions pour Argenteuil.

Donc, adhérer à Seine-Défense, c’est une perte nette de plusieurs millions d’euros pour Argenteuil.

Accessoirement, si vous souhaitez, comme nous-mêmes, une gestion économe de l’argent public, vous allez trouver à dire à Seine-Défense : pour le même nombre d’habitants qu’Argenteuil-Bezons, et pour beaucoup moins de compétences qu’Argenteuil-Bezons, Seine-Défense a, non pas 10 vice-présidents comme Argenteuil-Bezons, mais 14, et qui plus est, au montant maximal d’indemnités. 14 vice-présidents pour, aujourd’hui, 2 employés, soit un ratio impressionnant de 7 vice-présidents par salarié.

Quant au président de l’agglomération, mis en examen dans l’affaire Bygmalion, nous espérons bien que vous exercerez la plus grande vigilance face à tout risque de confusion entre les intérêts de l’UMP et ceux de l’agglomération.


2) Donc cette délibération ne traduit pas un intérêt particulier pour Argenteuil à rejoindre Seine-Défense telle qu’elle fonctionne ; elle vise plutôt à accélérer la dissolution de l’Agglomération. Vous venez de le dire en introduction, et votre Premier Adjoint Xavier Péricat l’avait écrit ce mercredi en deux tweets, je cite : « Une nouvelle page de l'histoire de ‪@VilleArgenteuil‬‬ s'écrit ce jeudi avec notre adhésion à la Communauté d'Agglomération ‪#Seine‬‬-Défense ; Dès Jeudi, c'est aussi la dissolution de l'Agglomération ‪#Argenteuil‬‬-Bezons qui est enclenchée au 1er janvier 2015 ! » comme si ce Conseil n’avait pas déjà voté il y a trois mois la même dissolution et la même date… c’est à se demander pourquoi on est réunis !

Philippe Métézeau a prétendu lors du Conseil d’agglomération que cette démarche exprimait, non seulement le choix de la Municipalité, mais aussi la volonté des Argenteuillais. Alors là, scoop ! Les citoyens ont été complètement tenus hors du coup. Ce n’était pas dans le programme municipal de la liste qui a été élue, et il n’y a pas eu de débat public après l’élection… Si, il y en a eu un, organisé par l’agglomération elle-même, et il n’allait certes pas dans votre sens. Nous, à Engagés pour Argenteuil, nous avions demandé pendant la campagne un référendum local, et nous maintenons que ce choix d’agglomération concerne directement chaque citoyen.

Ce changement d’agglomération par-dessus la Seine ne traduit pas non plus une stratégie de développement qui soit perceptible dans la délibération qui nous est proposée. La délibération est muette sur ce point. Dire, comme l’a fait M. Péricat en commission unique, que l’on va s’élargir, s’ouvrir, ou créer un grand ensemble, a aussi peu de portée que de dire que l’on va gérer au plus près des quartiers — la question, ce n’est pas la petite ou grande échelle à laquelle on travaille, c’est d’abord à quoi on travaille.

Pas de stratégie côté Argenteuil, et encore moins côté Seine-Défense, puisque l’objectif affiché par son Président est de créer des bureaux à Bois-Colombes et Colombes, voire jusqu’à Gennevilliers en suivant la future ligne rouge du métro… mais pas à Argenteuil.


3) Les réalités géographiques ne sont pas si faciles à bouger. Argenteuil et Bezons sont solidaires, la montagne du Parisis nous sépare du reste du Val d’Oise, la Seine nous sépare de la petite couronne et de La Défense. Et c’est justement Bezons qui connecte, par le tramway, Argenteuil avec La Défense, via la Garenne-Colombes et Nanterre. Vous faites voter aujourd’hui une adhésion à l’agglomération constituée par Puteaux et Courbevoie, ce n’est pas cette agglomération qui décide du développement du quartier d’affaires : c’est l’établissement public EPADESA, qui réunit l’État, la Région, le Département et les communes, et dont la stratégie de développement est claire : vers l’Ouest, la Garenne-Colombes et Nanterre, voire Rueil-Malmaison.

Si nous voulons qu’Argenteuil bénéficie d’une extension de La Défense, la priorité serait de trouver un accord avec notre tête de pont vers Nanterre et La Défense, c’est-à-dire avec Bezons ; Kader Slifi vous l’avait rappelé lors d’un précédent Conseil. Or les deux votes que vous nous proposez ne témoignent pas, c’est le moins qu’on puisse dire, de la recherche d’un tel accord. Vos adjoints et vous-mêmes estimez que « Bezons n’a qu’à faire comme nous », ce n’est pas cela, à mon sens, chercher un accord.


4) Vous nous dites enfin que ces délibérations sont « techniques », j’ai entendu le terme en Commission Unique, qu’elles sont nécessaires dans le cadre de l’adhésion, déjà votée, au Grand Paris.

Eh bien, cette adhésion mériterait qu’on se repose la question, quand on entend les compromis qui viennent de se décider début octobre entre les élus de l’agglomération, compromis repris par le Premier Ministre, en particulier sur les finances du Grand Paris. Le budget de la métropole serait limité à quelques dizaines de millions d’euros, soit à l’échelle d’Argenteuil, quelques centaines de milliers d’euros. Ce n’est pas ça qui va combler le manque à gagner dû à la dissolution d’Argenteuil-Bezons.

À défaut d’argent, quelle sera la capacité politique du Grand Paris, sa capacité à organiser l’action des villes ? Philippe Laurent, le maire de Sceaux et ancien président du syndicat de collectivités Paris-Métropole, remarque que le « périmètre » du Grand Paris « n’est manifestement pas adapté au « fait métropolitain » quand « les aéroports n’en font pas partie, pas davantage que les villes nouvelles ». Ce que j’en comprends, c’est que la collectivité qui devrait gérer la métropole, de Roissy à Orly et de Cergy à Marne-la-Vallée, s’appelle tout simplement la Région Ile-de-France, et elle existe déjà.

Donc cette réforme, au lieu de simplifier le fameux « enchevêtrement des compétences », risque de rendre l’agglomération ingouvernable ! Puisqu’à la Métropole s’ajoutent les territoires, et qu’en face les départements, Val d’Oise comme Hauts-de-Seine, vont perdurer au moins jusqu’en 2020.

En d’autres termes, Argenteuil pourrait se reposer la question, et ne pas lâcher ses partenaires du département et de l’agglomération pour des plans aussi fumeux.


5) Cependant, ce serait là un autre vote, une autre décision. Vous situez la délibération d’aujourd’hui dans une perspective précise, celle fixée par le vote antérieur de ce Conseil, le 18 juillet, pour une adhésion au Grand Paris prenant effet au 1er janvier 2016.

Dans cette perspective-là, Argenteuil devra être rattachée, sans doute au 1er janvier 2016, à l’un des territoires du Grand Paris. Si Bezons n’adhère pas d’ici là (elle peut d’ailleurs encore le faire), la seule commune du Grand Paris avec laquelle nous ayons une véritable continuité territoriale, des échanges importants, des affaires communes, c’est Colombes.

Nous n’avons donc simplement pas le choix, et Colombes non plus, d’ailleurs : le territoire dont fera partie Colombes sera également le nôtre — en tous cas, toutes autres décisions seraient stupides, et comptons sur les Préfets pour les éviter.

Donc, si Colombes se rattache à La Défense, nous y serons aussi ; si Colombes se rattache à une Boucle Nord des Hauts-de-Seine sans La Défense, nous y serons aussi.

Alors, à quoi bon prendre la délibération que vous nous proposez ?

Son succès repose sur le volontariat de Bois-Colombes et Colombes, sans parler de Puteaux et Courbevoie, pour faire partie du même ensemble qu’Argenteuil. Croyez-vous vraiment que c’est cette méthode qui nous donne les meilleures chances de succès ?

Et ce volontariat, il doit se manifester par un vote de chacun des trois Conseils Municipaux, un vote du Conseil communautaire et un nouveau vote de chacun des trois Conseils Municipaux, le tout suivi d’un arrêté interpréfectoral, d’ici le 31 décembre, soit en 10 semaines. Le tout sur un sujet dont les habitants de ces communes ont à peine entendu parler jusqu’ici, mais comptez sur les médias pour attirer leur attention dès les premiers votes. Au dernier Conseil Municipal je disais que ce serait un « miracle », je ne peux que maintenir cette expression.

Vous prétendez que vous êtes contraints à ce vote parce que le Premier Ministre, lui, serait contraint de prononcer la dissolution d’Argenteuil-Bezons au 31 décembre ? Au motif que le Conseil municipal d’Argenteuil a voté cette date du 31 décembre ? C’est une blague, j’espère en tout cas que personne dans cette salle ne la prend au sérieux. La loi impose à M. Valls de prendre cette décision tôt ou tard, mais comptez sur lui pour le faire au moment qu’il jugera opportun ; et en matière de temps opportun, comptez sur lui pour garder en tête le calendrier du Grand Paris et pas seulement le calendrier de la municipalité d’Argenteuil.

Vous savez par ailleurs que l’adhésion à une nouvelle agglomération ne vaut pas retrait de l’agglomération existante ; si ça marchait, ça aurait pu être une astuce pour sortir plus rapidement d’Argenteuil-Bezons, mais cette procédure, qui existe pour les communautés de communes, c’est-à-dire les zones rurales, est interdite en agglomération. Ça ne marche pas.

Conclusion de bon sens : même dans la perspective votée le 18 juillet, celle d’un rattachement au Grand Paris, la solution raisonnable est de maintenir l’agglomération d’Argenteuil-Bezons jusqu’à la date de création du Grand Paris et de ses territoires.

Ça demande du bon sens, ça demande aussi le sens du compromis ; parce que bien sûr, il faut une cohérence entre les politiques de la ville et celle de l’agglomération. Il faudra donc une volonté partagée de sortir de ce que L’Express d’hier appelle le « cirque ». Et je vous le dis tout de suite, prétendre que le cirque « c’est l’autre », « c’est pas moi c’est lui », c’est encore du cirque.

En conclusion, j’appliquerai cette remarque à moi-même ; au nom du mouvement Engagés pour Argenteuil, je suis disposé à toute démarche allant dans le sens de sortir Argenteuil du ridicule de ce « combat des chefs », ce que, j’en suis sûr, nous souhaitons tous, et de construire des compromis permettant de travailler ensemble, entre autorités légitimes et démocratiquement élues, dans l’intérêt d’Argenteuil et des Argenteuillais.