Charly, premier commentateur de ma note précédente (merci à lui), trouve que j'enfile des perles quand j'appelle le nouveau Premier Ministre à évaluer les services publics en repartant de zéro, à l'inverse de la méthode lentissime et inefficace du gouvernement précédente. Selon Charly :

Il faut leur rentrer dans le lard à ces mandarins qui s'engraissent sur le dos du contribuable. On parle d'une bande de lâches (de bandes de lâches, pardon) obsédée par la conquête et la conservation du pouvoir. Quelqu'en soit le prix à payer par leur pays. (…) Si jamais un, moins médiocre que les autres, montre le bout de son nez, le cartel des mandarins de tout bord a vite fait de le réduire en poussière. Faudrait quand même pas tuer la poule aux œufs d'or ! Et puis on va quand même pas s'exposer à trouver un vrai job, avec un vrai salaire, et des vrais impôts à payer à la fin de l'année (…)

Le commentaire de Charly me semble porter sur les élus (ceux qui ont du "pouvoir"), alors que mon billet portait surtout sur les agents (les millions de gens qui travaillent dans les écoles, la police, l'armée, la propreté, l'aide aux personnes âgées etc. etc.).

Les élus gagnent, pour la très très grande majorité, beaucoup moins qu'à compétences égales dans le secteur privé ; ce qui les fait carburer, en France, est non monétaire : la légitime ambition d'être reconnus pour leur dévouement à leur ville / pays / région. Beaucoup carburent donc aux caméras — pas aux dollars. Sauf bien sûr les cas de corruption, mafias, dont le Sud et le Nord de la France ont donné quelques exemples : ceux-là fuient les caméras.

Les élus sont donc en permanence "dans" le changement. Personne ne peut aller à une élection en annonçant qu'il n'a rien "fait" et ne "fera" rien.

Le blocage du système depuis 30 ans ne vient pas des élus, mais des agents publics.

Bien sûr, les élus s'y adaptent, soit en faisant des moulinets de bras devant les caméras pour faire croire que tout change, mais sans rien changer (méthode du précédent Président de la République) ; soit en achetant le changement hors de l'administration, à coups de milliards dans le béton généralement (méthode fréquente dans les collectivités locales, prisée aussi dans certains Ministères comme la Défense, qui ajoute au béton les gros joujoux).

Les agents publics se sentent, en France, propriétaires de leur job (ce qui est plutôt une qualité, ils s'impliquent plus que dans d'autres pays) et menacés, dans ce job, par les changements du monde (technologie, mondialisation, surendettement national…) : ils jouent la montre, la retraite, le statut, et s'inquiètent pour leurs successeurs. Ça existe tout autant dans le privé ; mais dans le privé, en tout cas dans les PME, le salarié pige que, si l'entreprise fait faillite, il sera à la rue ; donc il essaye d'éviter la faillite, de surfer sur les nouvelles technologies, de vendre à l'international, de contribuer à ce que l'action de l'entreprise soit à la hausse. Dans le public, il n'y a pas de chiffre d'affaires, très rarement de faillite, donc qu'est-ce qui va pousser au changement ?

Normalement, ce qui peut pousser au changement, ce sont deux choses :

  • la demande des habitants / citoyens (parents d'élèves, habitants de quartiers dégradés, travailleurs sans emploi…), pour que le service public réponde à leurs attentes ; les agents publics sont sensibles à cette demande s'ils l'entendent ; et
  • la demande des contribuables pour que le service rendu coûte le moins possible. Les agents publics sont gênés par cette demande-là (comme tout salarié qui s'inquiète pour le budget de son service), mais ils l'entendent bien, notamment les jours d'élections ;-) et la comprennent comme légitime.

Le rôle de l'évaluation, c'est de faire entendre ces deux demandes-là et d'en tirer les conséquences pratiques en changeant le service public, pour qu'il rende un meilleur service au public en le lui faisant payer moins cher.

Si les détenteurs du pouvoir masquent ce double objectif pour ne pas gêner des mandarinats en place, leur échec est assuré. Et les 50 milliards seront éternellement introuvables.