Les stock-options sont un système délirant, qui encourage les dirigeants d'entreprise à se comporter en prédateurs aux dépens des intérêts des sociétés dont ils ont la charge. Ça fait des années qu'on l'explique.
Ce système ne fonctionne que par la complicité de caste des dirigeants (les fameux conseils d'administration consanguins) fondée sur le bon vieil argument "tout le monde le fait".
Tout le monde ? Voire. Il y a des pays qui utilisent ce système plus que les autres : ce sont la France et les États-Unis. Cela situe le niveau de notre classe dirigeante.
Patronale ? Politique également. Si le système est aussi prospère, c'est grâce aux avantages fiscaux et comptables qui lui sont attachés. Grâce à MM. Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius (l'historique wikipedia), ainsi qu'à un sauveur, Edouard Balladur.
Le gouvernement a eu une idée géniale : maintenir une nouvelle fois en état ce système délirant, et demander au MEDEF de définir une exception alambiquée, "un dispositif pour encadrer la rémunération des dirigeants d'entreprise qui recourent au chômage partiel ou à des licenciements économiques en période de crise."
Laurence Parisot répond, je cite toujours europe1.fr : "Nous, Medef, nous avons une autorité morale mais pas plus que ça. Nous n'avons pas les moyens ni même le désir d'imposer quelque chose qui dépend de la relation contractuelle entre le mandataire social et son entreprise, via les décisions du conseil d'administration."
Evidemment ! Le MEDEF n'a pas à servir de paravent à l'irresponsabilité de l'UMP.
Alors que répond M. Xavier Bertrand ? Il propose de "changer la loi".
Abolir les stock-options ? L'inverse ! "Si c'est pour tout le monde, ça ne me dérange pas," dit-il.
Tout de même - Christine Lagarde s'est interrogée sur "la pertinence des stock-options". Si Mme Lagarde avait le début d'un soupçon de poids politique, cette très tardive "interrogation" serait tout de même un signe d'espoir.
NB : Je ne crois pas les stock-options scandaleuses en elles-mêmes. Voir les liens donnés au long du billet. Ma position est de demander 1) la neutralité fiscale pour les stock-options, c'est-à-dire leur comptabilisation et leur imposition comme tout autre revenu, 2) l'interdiction pour un cadre dirigeant d'entreprise de lever ses options ou acheter et vendre des actions de son entreprises tant qu'il y travaille et pendant un certain délai ensuite (2 ans p.ex.). Si cela, de fait, met fin aux stock-options… cela prouvera simplement que ce système n'avait aucun avantage en lui-même.
NB2 : voir sur un blog spécialisé une prise de position pendant la campagne présidentielle, attribuée à François Bayrou.
En définitive, Frédéric, tu voudrais que le gouvernement français cesse d'encourager les délits d'initié en son propre sein !
Moi aussi.
"l'interdiction pour un cadre dirigeant d'entreprise de lever ses options [...] de son entreprises tant qu'il y travaille et pendant un certain délai ensuite"
Ca pose quand même un problème inhérent à la nature de l'option : ne pas pouvoir exercer une option avant sa date de maturité lui donne automatiquement une valeur nulle...
Je suis globalement d'accord avec ton analyse mais je crois que le problème vient plus de la *vente* des actions que de l'achat (directement ou via l'exercice d'un call). Peut-on interdire à un salarié de croire à son entreprise au point de vouloir en acheter des parts ?
D'ailleurs je pense que si les stock options pouvaient être exercées mais sans vente du sous-jacent tant que l'on travaille dans l'entreprise, et pendant un certain délai ensuite, l'intérêt qu'on leur porte serait, comme par magie, fortement amoindri.
Au final, ce qui est choquant c'est surtout qu'un salarié puisse ne pas avoir confiance dans l'entreprise pour laquelle il travaille au point d'en vendre des actions. Et cela parait tout simplement inconcevable si le salarié en question est le dirigeant.
@ Françoise Boulanger : si on veut ... en repartant du commentaire d'OAz : qui au gouvernement accepterait d'acheter pour 1 euro d'actions de "la France" ?... J'ai un doute.
@ OAz : oui, tout à fait, je suis d'accord ou plutôt je l'étais - maintenant j'ai un doute. Sur cette notion de "je crois que le problème vient plus de la *vente* des actions que de l'achat (...). Peut-on interdire à un salarié de croire à son entreprise au point de vouloir en acheter des parts ?"
Je suis tout à fait d'accord pour une petite entreprise (mais elle n'a pas d'actions en Bourse) - car le cours de l'action peut alors être lié aux efforts individuels de l'actionnaire. Pour une grande entreprise cotée, la contribution de chaque personne physique (même le dirigeant) à sa valeur est minime en pourcentage du total. Donc "acheter" signifie : penser qu'il y a une plus value latente, indépendamment de vos efforts personnels. Or, *en principe de bonne micro-économie*, le marché est informé de façon transparente de l'activité de la société cotée, et le cours de Bourse traduit la confiance qu'il est légitime de lui faire. Si un salarié pense qu'il y a une plus-value latente, c'est soit une erreur soit un délit d'initié.
Bref, en autorisant ou subventionnant l'actionnariat salarié de grandes entreprises, au-delà d'un niveau symbolique ou d'actions bloquées (épargne retraite°), on encourage plus le délit d'initié, à mon avis, que la bonne gestion.
° l'épargne retraite en actions de votre propre entreprise est aberrante, mais pour une autre raison : vous mettez tous vos oeufs dans le même panier, emploi et retraite, ce qui est contraire à la prudence qui devrait présider à une épargne retraite.
Je n'avais pas vu les choses sous cet angle. C'est vrai que, pour une très grande entreprise, l'effort individuel est d'un effet quasi-nul alors que la possibilité d'avoir plus de connaissances que le marché reste réelle.
Par contre je reste dubitatif sur la "petite entreprise qui n'a pas d'actions en bourse". Sur un marché comme Alternext, il y a des sociétés qui ne dépassent pas les 100 ou 200 salariés. A cette échelle là, l'individualité peut jouer.
"les 100 ou 200 salariés. A cette échelle là, l'individualité peut jouer."
-> oui, et en plus, c'est pour ce type d'entreprises (les start-up, j'imagine) que les stock-options avaient été créées ... et avaient un sens.