La République ne fait pas de différence entre les religions — elle n'en "reconnaît aucune", dit la loi de 1905.

Mais tout de même, nous en avons une, en France, qui a des coutumes étranges.

Trente après l'abolition de la peine de mort, elle continue à exposer en grand, dans chacun de ses lieux de culte, en 2D ou en 3D, un affreux instrument qui, dans les temps anciens, servait aux exécutions capitales.

Elle fait ainsi "mémoire", selon son jargon (qui a déteint sur celui des médias avec leur "devoir de mémoire"), elle fait ainsi mémoire d'un homme exécuté à l'époque, et dont cette religion se revendique héritière. Les croyants de cette religion reconnaissent dans cet homme le visage de Dieu, ou sa parole, ou Dieu lui-même, je ne sais pas trop.

Pourtant, souvent, c'est l'instrument d'exécution seul qui est représenté, sans l'homme condamné.

Parfois même sous une forme géométrique, abstraite. L'artiste qui fait la représentation, les croyants qui la regardent, que voient-ils à travers ce symbole ? La matière brute et blessante du bois et du métal, le sang qui coule ?

Qu'entendent-ils ? Le dernier souffle de l'homme qui meurt là ?

Que sentent-ils des odeurs de sueur, d'urine et d'excréments ?

Ce serait le jour de leur poser la question, car ce 17 avril, dans le monde entier, les fidèles de cette religion écoutaient le récit complet de l'arrestation, des violences, du jugement, de la condamnation, de l'exécution du condamné et de sa mise au tombeau.

Ce serait le jour de me poser la question, puisque cette religion, c'est la mienne.

J'ignore si c'était l'intention d'Andres Serrano que de poser cette question.

J'ignore aussi si les vandales ont cru y répondre. De la pire des façons : en iconoclastes.


Sur le même sujet, un article dans Témoignage Chrétien.

Et moi, qu'est-ce que je répondrais à la question si on me la posait ? Je ne trouverais pas mieux que de renvoyer à une autre artiste, Germaine Richier au plateau d'Assy.