Il y a eu une "manif pour tous" hier à Argenteuil, qui m'a bien fait perdre un quart d'heure sur la route d'Asnières (une première ! c'est l'occasion d'un lien vers chretiente.info).[1].
Je me suis déjà exprimé plusieurs fois sur cette loi Taubira, et ma principale déception depuis 8 mois est que le débat et la compréhension mutuelle n'aient apparemment pas progressé d'un pouce. (Je l'ai dit chez koz).
J'ai participé de loin en loin aux discussions sur les "implications politiques" de ce processus, c'est-à-dire, sur l'impact qu'il a sur le pouvoir du président Hollande et de son gouvernement. C'est moins important, mais bon, dans la situation de faillite et de chômage pour tous où se trouve la France, ce n'est pas négligeable. Par exemple, François Bayrou a dû renoncer à l'un des compliments qu'il pensait pouvoir décerner au président en place — celui d'avoir apaisé la société, par rapport au quinquennat précédent.
L'Histoire nous enseigne que "pacifier" a été rarement synonyme de "se comporter de façon pacifique", et bien plus souvent synonyme de "imposer sa force" — c'est du moins ce que j'ai appris dans les manuels de ma jeunesse : Gallieni pacifie Madagascar, César pacifie la Gaule, etc.
Sur French Politics à ce sujet : une discussion sur le livre de Hervé Le Bras et Emmanuel Todd et l'interview du premier dans rue89, avec l'idée de « catholicisme zombie » malgré la disparition quasi complète de la pratique religieuse (…) : il reste une manière de vivre, nous disons une « anthropologie », qui se serait exprimée avec la défense de la "filiation père mère enfant". Aussi un billet sur l'hypothèse d'un catholic revival.
Sur le même blog, une critique de ''l'usine à gaz'' gouvernementale : François Hollande should not be speaking in a void. At least that's how I see it.
Notes
[1] P.S. : des photos de cette manifestations sur citizenside.
mathématiquement parlant : "compréhension mutuelle" est différent de "relativisme" (ça peut être un sous-entendu de ton billet.)
sur le-dictionnaire.com, la définition la plus appropriée de "compréhension mutuelle" serait "fait de comprendre l'autre, de faire preuve d'indulgence".
Etant clairement "anti loi-Taubira", je n'émets donc un avis que dans un sens et je ne vois pas en quoi, dans ce que je lis sur le site de "La manif pour tous" ou dans les articles publiés à ce sujet sur différents blogs (genre Koztoujours) ne rentrent pas dans la définition de la "compréhension mutuelle" ?
Après, on peut aussi se poser la question de la comparaison qui est faite entre deux "minorités" (article de Koz) : par rapport à quoi sont-elles des minorités ? qui rassemblent-elles vraiment ? quelle est donc leur legitimité ?
Bonjour jbl ; "Compréhension mutuelle" s'oppose effectivement à "relativisme". "Compréhension", c'est (à mon avis) reconnaître que l'autre (son discours, son comportement) est porteur d'un absolu. C'est la charge que l'on accepte en faisant "face à la hauteur du visage de l'Autre", pour reprendre les mots de Lévinas.
Je pense que les manifestants des deux camps n'y sont pas parvenus.
Les manifestants "anti loi Taubira" me semble avoir traité par l'ignorance la revendication d'égalité des "pro" — y répondre par une intention "d'améliorer le PACS en matière de succession" (C. Boutin) était, pour le moins, relativiser leur revendication.
Les manifestants "pro loi Taubira" ont régulièrement qualifié d'homophobe la motivation des "anti" : cela me semble ignorer que ce groupe social où l'homosexualité restait effectivement considérée, il y a peu encore, comme une sexualité de moindre valeur… est aussi porteur d'une ambition pour l'accueil et l'éducation des enfants, qui a une valeur absolue.
Que cette éducation ne soit pas mise en danger par la loi (selon les "pro") ; que l'égalité n'impose en rien l'évolution du mariage civil stipulée par celle loi (selon les "anti") ; l'un et l'autre s'entendent très bien. Mais ne s'entendent bien que si l'on commence par écouter et entendre l'autre, avec l'absolu dont il est porteur
@FredericLN : le vrai débat est donc qu'est-ce que l'égalité. Car c'est bien cela qui sépare les deux "camps" et c'est sur cette notion qu'il n'y aurait pas de "compréhension mutuelle". Mais malheureusement, le sujet doit être trop soporifique, car personne ne l'aborde... sur la place publique. A moins qu'il ne soit simplement trop intéressant voir trop dérangeant ? (et qu'il ne soit donc abordé uniquement en cercle privé ?)
Bref : finalement un bon débat public avec un referendum, ça ne serait pas si mal ???
Le souci c'est que la manif pour tous est intrinsèquement anti-laïque comme ça a été bien analysé ci-dessous
http://lipietz.net/?page=blog&i...
@ internaciulo : j'ai lu l'article d'Alain Lipietz que vous proposez. Je n'ai pas vu d'analyse, mais j'ai vu simplement un parti pris.
Mais je ne pense pas qu'Alain Lipietz soit la personne qu'il faille écouter pour analyser sereinement et objectivement les liens entre Eglise et laïcité. C'est d'ailleurs pour cela que j'aime bien le présent blog et plus globalement le Modem : au moins des gens qui essaient d'analyser vraiment en tentant d'avoir le sens du bien commun... (soit dit en passant, le bien commun est une valeur que la république a repris... à la chrétienté !! comme quoi notre société est ce qu'elle est...)
Sinon, concernant la manif pour tous : on peut bien sûr évoquer beaucoup les sous-entendus (et je ne nie pas qu'il y en ait) mais on peut aussi regarder les arguments proposés explicitement. Et ceux-là ne sont pas du tout anti-laïques. Enfin, on peut aussi penser aux sous-entendus qu'implique la loi Taubira (et je suis convaincu qu'il y en a), mais rien qu'en regardant les arguments explicites, il y a déjà de quoi se poser des questions, à commencer par l'exposé des motifs de la loi qui repose sur "il est temps de" sans autre argument concret. Mais là je dérive...
@ jbl : "le vrai débat est donc qu'est-ce que l'égalité." Oui, je crois. Ségolène Royal, avec un sens merveilleux du contretemps, s'exprime dans le même sens. Barack Obama avait mis en évidence cette même question, en 2006 je crois (de mémoire "je ne pense pas que le mariage soit un droit civique, mais je pense que ne pas être discriminé par les lois sur le mariage est un droit civique").
@ internaciulo : Assez d'accord avec Alain Lipietz pour m'étonner que de la "dé-spiritualisation … de l’amour … au nom d’un biologisme exacerbé, même plus médiatisé par les rapports sociaux, … de la part d’une religion dont les fondateurs s’étaient plutôt affranchis de ce genre de trivialités".
Mais assez d'accord avec jbl pour souhaiter que les discussions portent sur les arguments explicites, plutôt que sur des procès d'intention : si, en défendant en quelque sorte la biologie contre le pouvoir de la culture (technique), ces catholiques militants s'éloignent des thématiques historiques de leur religion, ils ne s'opposent pas en cela à la laïcité — au contraire.