"Ouvre les yeux ! …
L'ennemi n'est pas forcément celui contre qui l'on se bat
Mais celui qui profite des dégâts" (Bambi Cruz)
Deux amies-Facebook commentent ainsi la série Baron Noir (que je devrais peut-être regarder !) :
Cette série qui ne fait pas que du bien, est un prototype de Mooc d'un genre nouveau, formation accélérée sur le fonctionnement et surtout dysfonctionnement de la Vème République.
Cette formation est à destination de celles et ceux qui n'ont jamais approché le Milieu puisque pour les autres, tout y est malheureusement tout à fait fidèle. …
Les circuits de financements occultes, les menaces sur la sincérité des scrutins, cumuls de mandat, militantisme aveugle, les intimidations, les fraudes, les manipulations des foules.
Les idéaux et combats nobles relégués au rang de vulgaires prétextes dans la lutte animale d'humains devenus psychopathes.
Quand l'être humain se dissout et se confond dans ses représentations fantasmées, "sa ville", "sa famille de gauche" (ou de droite évidemment), au nom de "ses ouvriers" "ses précaires" "ses administrés", "la France", l'Europe. …
Il faut voir Baron Noir pour enfin tourner la page du vieil adage : la fin justifie les moyens.
et :
Cette série m'a aidée à comprendre partiellement ce que je vois sur le terrain, et à répondre partiellement à la question: comment ces politiciens cyniques ont ils le culot de se réclamer d'un idéal.
On le touche du doigt dans la série, on les voit justifier les pires turpitude "pour la cause" , cette cause qui s'éloigne toujours, une cause qui n'est jamais précisée, jamais rendue concrête et visible.
Je l'ai constaté dans ma propre activité politique à Argenteuil avec EpA, un parti à taille très humaine, entièrement engagé dans les sujets locaux : il m'a fallu et il nous a fallu un effort, après 2 ans d'activité, pour reformuler explicitement la cause, la raison pour laquelle nous étions là, nos attentes, nos objectifs.
Parce qu'une fois la course lancée, on court, on cherche des alliés, on fait attention aux concurrents… on se pose bien moins la question de la ligne d'arrivée.
Aux débuts de la politique qualité dans les entreprises, il me semble que c'était la première vertu des audits qualité (le point 1.1 des normes était souvent "engagement de la direction") : obliger l'entreprise à dire *pourquoi* elle est là. Mon collègue en charge de la démarche qualité, quand j'étais chez Médiamétrie, expliquait : "Pour une marque de chaussures, ça peut être : 'fabriquer des chaussures'."
Aussi bête que cela, et pourtant, très long à accoucher.
Il est bien plus simple de dire "développer notre activité au plan international, gagner en performance et nous positionner parmi les leaders du secteur" au lieu de "fabriquer des chaussures".
Emmanuelle Mignon avait fait pour les cadres de l'UMP en 2005-2007, Ségolène Royal avait forcé le PS à faire en 2005-2006, ce genre de travail, accoucher de pourquoi on est là, à quoi on sert.
Emmanuelle Mignon a découvert au lendemain de la victoire électorale comment le pouvoir "aspirait par le vide" toute raison d'y être.
Ségolène Royal a démontré comment les raisons de la faire de la politique pouvaient être retournées en arguments pour justifier tout et son contraire.
Il reste bien De Gaulle, notamment en 58-début 59 (avec succès) ou en 69 (échec), ou le PSOE et C's en ce moment en Espagne, ou Jean Lassalle, toujours simple et juste après quinze ans à l'Assemblée, pour prouver qu'il est possible de garder en tête, et au coeur, ce pourquoi on se bat.
Pourquoi 'je' me bâts car la question est personnelle comme la réponse. C'est une utopie de croire que l'on se bat pour un idéal collectif. A priori je ne me bâts pas car n'ai aucune prétention de convaincre. La responsabilité de chacun est surtout de mettre au service de l'intérêt général ses propres convictions. Celles qui se sont forgées au fil du temps, des rencontres des expériences, des personnes que l'on a rencontré. De la ou l'on a vécu de la ou l'on s'est construit. Étant entendu que cela n'a pas de fin tout au long de la vie. Une botte secrète pour avoir des convictions ne pas s'appuyer ou se censurer en fonction de ce que l'on entend. En fait si je 'supporte' François Bayrou dans tous les sens du terme c'est parce qu'il dit 'Match' chez moi avec mes options personnelles. Une condition préalable pour savoir pourquoi je me 'bâts' est de ne pas avoir de 'Gourou' aucune personne fusse-t-elle très écoute, pertinente, affable ou charismatique ne vous ai supérieure. Il était un temps ou il était enseigné que pour pouvoir se mettre a la portée de quelqu'un il fallait 'l'imaginer a poil cela n'a rien de forcément exotique mais ça met a l'aise. Il m'arrive de me dire qu'une personne qui a trop de pouvoir et d'influence il serait bon de se mettre en quelque sorte a poil. C'est un peu le risque que prend F Hollande quand il est sous la pluie ou qu'il laisse les choses 'décantées' car malheureusement l'être humain a besoin d'idole de Dieu fait homme c'est tellement plus rassurant que de faire face a ses propres incertitudes et de se former une opinion. J'ai essayer de répondre mais sait-on pourquoi on fait les choses?
Merci Roland pour ce commentaire. Un truc étrange dans le discours politique : il est bien vu d'affirmer constamment pourquoi on fait les choses, et précisément, d'affirmer que c'est au nom de l'intérêt général, style "je suis très attaché à ce que toutes les Françaises et tous les Français puissent…", "les valeurs d'égalité et fraternité, auxquelles j'ai consacré…", etc. En revanche c'est un tabou de s'interroger sur ses motivations — sur ces mêmes motivations.
Et comme je l'écrivais dans le billet, c'était aussi un tabou dans les entreprises, ou beaucoup d'entre elles, jusqu'à ce que des normes ISO imposent de se poser la question, au moins formellement.
Tout à fait d'accord sur "Une botte secrète pour avoir des convictions : ne pas s'appuyer ou se censurer en fonction de ce que l'on entend." Année après année j'en suis plus convaincu. Quand je suis tenté d'accepter le discours d'autrui, voire de le reprendre à mon compte, alors que je ne suis pas sûr d'en avoir tout compris — mais tenté d'accepter quand même, parce que j'ai de l'estime pour cette personne, ou que je suis souvent d'accord avec elle par ailleurs, ou que nous avons des intérêts ou combats communs… — à chaque fois il y a un loup. Je devrais mettre à l'entrée de mon cerveau un "portique de sécurité" qui bippe sans s'arrêter, et de plus en plus fort, tant que je n'ai pas compris ou écarté l'argument qui m'est proposé. Et plus les enjeux sont grands (financiers en particulier), mieux les sophismes sont dissimulés, et mieux le portique doit être réglé François Bayrou a écrit là-dessus des phrases radicales dans la préface à son "Henri IV". Un manuel du gouvernant !