Art Goldhammer relevait la démission d'Alain Juppé du parti LR :
Et pourquoi pas ? Le Macronisme est à toutes fins utiles le Juppéisme. … Voilà le centre-droit juppéiste instauré au pouvoir sous un drapeau de centre-gauche. Certains … voient la “source” du macronisme dans l’échec de la tendance recentrante à gauche représentée auparavant par un Michel Rocard ou un Dominique Strauss-Kahn. (Mais) Macron n’a pas de racines dans la gauche traditionnelle. … Macron serait donc un centriste décomplexé, qui est peut-être une façon de dire un homme de droite.
Je rejoins la première phrase ; mais Emmanuel Macron me semble bien s'inscrire dans une des traditions du centre français.
S'il y a en France "trois droites" et sept cent trois gauches, nous avons au strict minimum deux centres.
Le "populaire", rural, plus proche des frontières que de Paris, catholique, le parti des curés de campagne, de l'Action catholique des années 1920 à 50, du "bas clergé" de 1789.
Toujours prêt à soutenir les pauvres, sans peur du lumpen-proletariat, toujours inquiet pourtant des révolutions, des violences, des dictatures. Ce centre avait presque disparu dans la laïcisation des années 70, et la radicalisation de l'opposition entre le "monde libre" et les dictatures du "socialisme réel". Il s'était noyé dans la droite. François Bayrou a tenté de le ressusciter, en y agrégeant les nombreux "déçus du socialisme", le nouveau "bas[1] clergé" du monde laïc : enseignants, artistes, travailleurs indépendants, pionniers de l'internet. La coalition n'a pas pris. Jean Lassalle en représente aujourd'hui, je crois, la composante la plus outsider, il exprime le plus strictement l'exigence que les "systèmes" se mettent au service des personnes, de "ceux qui aiment tellement leur territoire qu'ils ont choisi d'y vivre".
Le "marais" ou parti "opportuniste", encore appelés aujourd'hui "girondins", parti bourgeois.
Demandeur de continuité dans l'environnement des affaires, inquiet lui aussi des tensions politiques, des oppositions et des "hommes forts" aux impulsions destructrices. Parti aussi bien représenté dans les grandes villes de province qu'à Paris. Lieu de rencontre entre milieux d'affaires de différentes origines religieuses ou ethniques. Libéral dans le discours, libéral quant aux moeurs, étatique en matière économique, car après tout, tous les acteurs en France sont demandeurs d'un Etat omniprésent. Demandeur de consensus entre gens raisonnables. Capable de gérer des villes et des régions d'une main bienveillante et paternaliste. Valéry Giscard d'Estaing et Edouard Balladur, Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé de retour du Canada, ont bien représenté ce courant.
Le point d'accord entre les deux est étroit : la croyance en "l'Europe", espace de régulation économique stable qui échapperait aux à-coups des alternances politiques nationales. Le mantra de la "décentralisation" aussi… qui est, dans le cas du centre d'affaires, une décentralisation purement gestionnaire, sans reconnaissance d'identités locales. Ou alors, des identités habilement camouflées quand on s'adresse à Paris (l'exemple alsacien, quand Philippe Richert accepte même de fondre l'Alsace dans un "Grand Est" artificiel).
Emmanuel Macron me semble retrouver les soutiens, les choix et les mots de cette seconde composante du centre français.
Notes
[1] Précision ajoutée, 24 avril 2018.
C'est intéressant.
On a un Président qui reste un homme neuf en politique, et un an après son élection, on cherche à définir quelles sont ses convictions ou ses buts.
On pouvait dire la même chose de Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande. En fait eux avaient passé des décennies avant d'arriver au pouvoir si bien que la recherche de pouvoir était devenu un but. Devenus présidents il pouvait y avoir un hiatus entre le discours des partis respectifs qui les avaient porté et les convictions profondes.
Il faudrait que quelqu'un comme JL Bourlanges puisse dire ce qu'il pense des 2 centres. Cela rappelle un peu la séparation du Modem et du Nouveau Centre en 2002 (le Nouveau Centre attiré par les promesses de Sarkozy).
Je dirais que ce centre "opportuniste" est proche d'une droite modérée. Des personnes issues de familles assez bourgeoises, intégrant une inégalité entre les classes sociales, mais ayant peur d'un modèle capitaliste dur. Mais avec des variantes: un Madelin vantait à la fois un libéralisme économique et des moeurs. "Alternative Libérale" pouvait être vu comme un rajeunissement de ce modèle.
Le centre du Modem est différent, dans le sens qu'il est sans doute plus égalitaire (souvent plus que les apparatchiks du PS) mais que l'Etat n'est pas vu comme un but en soi, et à la limite l'argent non plus (un peu l'héritage catho: rendre à César ..)
Voir aussi le diagramme de Nolan: https://fr.wikipedia.org/wiki/Diagr...
Macron dans tout cela? Il est souvent plus à droite que le Modem, ce qui est un paradoxe venant du PS.
Sa priorité donné au modèle économique capitaliste (une "économie sociale de marché" mais assez financiarisée) est plutôt de droite, d'un autre côté, il ne sort pas des aberrations style "Travailler plus pour gagner plus" comme si c'était le but du modèle français et un but de développement humain tout court.
En fait, il a été banquier d'affaires et apprenti philosophe, mais on ne sait pas ce qui l'a marqué le plus profondément. L'étude de Paul Ricoeur était-elle un simple exercice de souplesse intellectuelle ou relationnelle, ou l'a t-elle marquée plus profondément ?
Dans ce dernier cas, le "personnalisme" ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Perso... ) développé par Emmanuel Mounier puis Paul Ricoeur a peut-être été l'essence du centrisme au 20eme siècle. Il doit être mis à jour, à l'époque d'Internet, des grandes migrations et des risques écologiques.
http://www.slate.fr/story/160405/em...
Cette analyse me parait aussi assez pertinente et percutante.
Un peu comme dans une famille le grand frère ou le petit frère qui aurait réussi, qui aurait des véritables ambitions morales, mais qui aurait du mal à comprendre que les autres aient de véritables difficultés.
Et la position de Gabriel Cohn-Bendit (aussi intéressant que son frère)
https://www.huffingtonpost.fr/gabri...
@XS #1 , et à une amie-Facebook me faisant une remarque similaire (le 2ème centre cité dans le billet fait partie, dit-elle, de la droite) :
Oui, le centre bourgeois s'est agrégé à la droite depuis les années 60, ils se sont hybridés, à force, au sein même des deux grands partis "de droite et du centre" des années 80-90, UDF et RPR.
Mais cette radicalisation d'une droite contre une gauche (Union de la gauche), à 50-50%, c'était nouveau dans la politique française, et ça a maintenant disparu ; c'est le point de mon billet (un peu confus je pense).
La droite s'est séparée du centre : à la fois les électeurs et militants (FN, LR "droite forte"…), et les leaders (Sarkozy, Wauquiez…) ; inversement les politiques de tradition "girondine", ne supportant plus la droite dans cet état, se sont échappés vers l'UDI, les "constructifs", En Marche! ou vers rien du tout. En pratique ils ont, en politique nationale, le choix entre rallier la majorité actuelle, revenir à droite, et c'est tout.
Pour dire les choses autrement, on peut certes considérer le gouvernement actuel comme une composante de la droite (après tout ce ne sont que des mots, droite, gauche, centre…), mais alors il faut constater l'opposition virulente entre cette composante et l'autre droite, celle qui défend Assad, la Russie et compagnie, gens fort peu centristes.
@Frédéric #4
Oui, (et le papier n'est pas confus pour moi) mais on ne sait toujours pas où est le vrai Macron, entre le bourgeois opportuniste et l'homme de réflexion. Je lui sais gré en tout cas d'avoir élevé le débat.
Pour la place du centre droit, tous les mouvements politiques en France sont sortis de l'élection affaiblis, à part LREM à qui il manque pour l'instant une histoire, et FI qui est assez artificielle. Les élections européennes vont permettre de redéfinir cela. Et si l'Europe était pour une fois la gagnante de ces élections?
@Fred,
Savez-vous que je me sens une part de responsabilité dans le fiasco actuel ?
Je disais autrefois que la meilleure des protections face aux extrêmes était un centre fort!
Là, il ne s'agit plus d'occuper l'espace centriste mais aussi la droite et gauche modérée,devenue inexistante et dans les médias et comme un coup de poker !
D'où les faces à faces avec les extrêmes privilégiés, en tablant sur dégoût de nos concitoyens face à elles.
Gros plantage en vue pour les européennes assuré.
Et les Bayrou, Cohn Bendit, Juppé etc ni changeront plus rien désormais.
La machine devenue folle est en marche.
Très mauvaise limonade pour les européennes. ????
Il n'est pas localisable.
Avez-vous reçu Fred, mon précédent com en attente de modération ? Celui ci dessus étant complémentaire.
Bonne soirée
NdB : en effet, il était passé automatiquement en "indésirables" car il contenait le mot "poker" !
Hier soir, j'hésitais entre BFMTV (le casse du siècle) reportage sur l'élection d'Emmanuel Macron et France 2 (la folie des grandeurs)
J'ai choisi De Funès, Montand et les répliques cultes du film comme celle de Don Salustre :
"les riches c'est fait pour être très riches et les pauvres, très pauvres"
Pourtant l'action se déroule en Espagne au 16ème siècle !
Alors Emmanuel Macron, le Président des riches ?
C'est là qu'E.M est à mon avis, inclassable sur l'échiquier politique.
Il n'est pas que le Président du patronat, des classes dirigeantes et/ou aisées dénommés la Droite
Il n'est pas aussi que le Président de la classe ouvrière dénommée la Gauche.
Sa vision sociale et économique de notre pays est de relancer la machine économique grippée depuis 30 ans.
Après nous pouvons être ou pas d'accord sur sa politique.
Pour en revenir à l'émission politique de BFMTV, pourquoi l'avoir intitulée le casse du siècle ?
On a oublié l'essentiel à savoir le choix de l'électeur.
François Bayrou avait dit qu'en 2012, certains avaient voté Hollande pour ne pas avoir Sarko et inversement.
Certes en 2017 il y avait de l'autre coté, le programme dangereux de Marine Le Pen mais néanmoins, je suis toujours convaincu que dans l'essentiel, le vote pour E.M était un vote d'adhésion et plus comme lors des précédentes élections présidentielles, un vote essentiellement de rejet de l'autre candidat.
@Bernard
Scoop: Don Salluste était à la grande manifestation du 19 janvier https://www.youtube.com/watch?v=d-j...
L'expression "casse du siècle" est un peu péjorative, mais l'élection d'Emmanuel Macron a effectivement sidéré le PS, LR, le FN et même le Modem. Un monde politique qui était verrouillé depuis la fin des années 1970 ...
"Sa vision sociale et économique de notre pays est de relancer la machine économique grippée depuis 30 ans."
Oui, mais Fillon a dit la même chose, et même Mélenchon a sa façon (bien sûr avec de grosses incohérences). Je pense que E.Macron est sincère mais il faut analyser ce qu'il veut, et là on ne sait pas encore s'il est plus proche des positions libérales d'un certain nombre de rapports de l'OCDE, ou de l'approche défendue par F.Bayrou en 2007 et 2012, entre soutien aux PME et mesures de flexi-sécurité à la scandinave.
J'ai finalement voté E.Macron aux 2 tours. Je ne suis pas nécessairement l'électeur type (plus politisé que la moyenne, mais ultra-centriste au point d'avoir voté blanc à 2 seconds tours consécutifs). Les personnes que je connais qui ont voté Macron au premier tour l'ont plus fait par comparaison avec Fillon et Hamon, que par conviction intrinsèque. Les - de 40 ans étaient comme moi assez contents de voir LR et le PS dynamité. En plus de ce critère, j'ai trouvé de mon coté que 60% du programme de Macron m'attirait (au point que j'aurais presque souhaité avoir écrit certains paragraphes) mais que 40% me posait question. Aujourd'hui, électeur macroniste par raison, j'ai toujours cette interrogation, notamment sur les aspects politique du travail et finances. M.Penicaud est surement une ministre qui maitrise mieux ses dossiers que sa prédécesseuse M.El Khomry mais ses priorités et son éthique ne me paraissent pas claires. Par ailleurs, la transparence annoncée ne va pas assez loin (!..). Enfin, quelques problèmes de l'ancien monde avec la notion d'exemplarité (ex étonnant, mais qui compte aussi: http://www.caradisiac.com/80-km-h-e... ). Par contre, assez impressionné du travail fait en politique internationale, et bien que peu de choses aient été promises par E.Macron lors de la campagne.
!! Désolé, mon Firefox a saturé le blog. Je bats des records .. (que je ne qualifierais pas). Qu cela ne décourage pas Bernard de me répondre!
NdB : doublons automatisés supprimés ! Bernard n'avait pas été découragé !
@ XS
Firefox n'a pas battu le score de commentaires publiés sur ce blog suite à un billet comme quoi l'intelligence artificielle ce n'est pas encore pour demain quoiqu'en disent certains.
Pour en revenir à votre réponse, je suis d'accord avec vous, les partis politiques qui étaient au pouvoir depuis 30 ans, ne s'attendaient pas du tout à être éliminés du 1er tour.
Ils ont pris "en pleine figure" le rejet des français lassés de promesses électorales non tenues sur la même période.
Vous dîtes que Fillon et Mélanchon disaient la même chose.
Sur la forme peut être.
Sur le fond, pas du tout car tous deux étaient en décalage avec notre temps.
Fillon voulait nous faire du Thatcher c'est à dire un programme économique des années 1980 qui a été depuis fortement critiqué
Quant à Mélanchon, resté lui sur la lutte des classes en considérant que faire payer "les riches" cela effacerait la dette (sur ce point en théorie oui) et qu'ensuite la machine repartirait avec le même moteur usé....
Au début de la campagne, je ne pensais pas honnêtement voter pour Macron mais j'ai vite compris que c'était le Président qui nous fallait face aux extrêmes de tous poils.
Un an après son élection, il est encore trop tôt pour juger de la réforme du Code du Travail par exemple.
En revanche, ce gouvernement manque totalement de pédagogie pour faire évoluer les mentalités et expliquer vers où il nous amène.
Par exemple, sur la réforme de la SNCF tout le monde a compris (sauf la CGT et Sud Rail) qu'elle est impérative.
Tout le monde a compris que sa dette est une dette publique et qu'elle doit être reprise par l’État.
En revanche, il parle de reprise progressive à partir de 2020.
La concurrence sera déjà là.
Ne sera t-il pas alors trop tard pour la SNCF ?
C'est sur des points comme cette réforme que j'ai du mal à "accrocher"
J'ai discuté hier un long moment avec le représentant d'En Marche sur Argenteuil.
Nous avons bien sûr parlé essentiellement de politique locale.
Sur les thèmes que nous avons évoqué et qui vont être l'enjeu des prochaines municipales, je me suis senti totalement en phase avec lui.
En résumé, je fais globalement confiance à ce gouvernement tout en regrettant que ses objectifs ne soient pas expliqués.
N'agit-il pas plus dans l'urgence que dans une vision politique à 10 ans ?
Mais il faut reconnaître qu'il y a beaucoup d'urgences à résoudre dans notre pays.