(Commentaire chez Jean-François Kahn)

L'Appel sonne à mon oreille avec la froideur d'une analyse stratégique déductive. Nous avons certes perdu une bataille, mais l'Allemagne perdra la guerre, parce que comme moi de Gaulle je l'explique depuis des années (comme "nègre" de Pétain puis sous mon propre nom), la guerre moderne est gagnée par l'industrie la plus puissante, que l'industrie la plus puissante est celle des Etats-Unis, et qu'elle est au service de l'Angleterre. Pour que la France soit aux côtés des vainqueurs, il faut une continuité politique, il faut que la "flamme de la résistance française" à l'Allemagne ne s'éteigne pas.

Un peu de réalisme, de bon sens et de placement sur l'échiquier mondial, comme antidote à une "pensée unique" obnubilée par la débâcle, le désastre, l'effondrement de notre pays en château de cartes.

Bien sûr, pour avoir ce petit peu de réalisme et même d'opportunisme, il faut un très grand courage (De Gaulle a une famille en France !), une profondeur historique immense, des valeurs inaltérables.

Le rapport avec aujourd'hui ?

Il nous manque de l'ordre de 100 milliards d'euros par an pour pouvoir rembourser nos créanciers. Et si nous ne voulons pas les rembourser (comme Jean-Luc Mélenchon ou d'autres le proposent), il nous manque de l'ordre de 100 milliards d'euros par an pour payer nos dépenses courantes (salaires, retraites, etc.). Notre service public est financièrement dans la m... la plus noire de la Vème République, pour ne pas dire plus.

Et alors ? Nous sommes en paix. Personne n'a bombardé nos villes ni fait 100 milliards de dégâts. Nous sommes simplement comme une famille surendettée à force de dépenser chaque année, pendant 30 ans, 5% de plus qu'elle ne gagne. Les détenteurs de bons du Trésor (ou produits financiers structurés comportant ce genre de placements "sûrs") vont boire la tasse, mais virtuelle - Paris ne sera pas inondée.

Et même - "nous" est une image. Nous, vous et moi, aurons demain le même air et le même soleil qu'aujourd'hui, pas rabotés de 5%. Nous aurons juste un Etat, un système social, un système de solidarité à rebâtir.

Et quand je dis "nous" - mes camarades démocrates et moi-même avons été écartés par l'électorat de toute fonction élective ou presque, de tout poids politique. Nous ne pouvons que préparer la France d'après.

S'il y a un appel du 18 juin à formuler, c'est quelque chose comme ça : pendant 30 ans, des gouvernants de rencontre ont sapé, usé, grignoté, détruit notre Etat, nos services publics, notre capacité nationale de solidarité, notre capacité collective de décision démocratique. Ils ont ruiné la République, enrichissant au mieux quelques-uns de leurs affidés. Mais face à cette attaque dévastatrice, la République n'est pas seule. Elle n'est pas seule. Des dizaines de millions de citoyens l'aiment, lui sont attachés, veulent la sauver. C'est le seul chiffre, le seul rapport de forces, la seule industrie qui compte. Le combat pour la démocratie n'est pas limité au territoire malheureux des écrans télé. Ce combat est un combat mondial.

Bon, c'était juste mon avis !