Le député UMP Bernard Debré, fils et frère des autres, me semblait quelqu'un de sérieux qui ne parlait pas au hasard. Il me restait à applaudir son courage.
Il cosigne avec le Professeur Philippe Even, président de Necker, un "guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux". Le Pr. Even le commente en qualifiant l'industrie pharmaceutique de :
"la plus lucrative, la plus cynique, la moins éthique de toutes les industries". Selon le Pr Even, pour régler le problème du manque d'argent dans le domaine de la santé et du déficit de l'assurance maladie, "il suffit de retirer du marché les médicaments dangereux, inutiles ou inefficaces".
Les lecteurs de Prescrire, de formindep.org ou, soyons modestes, de ce blog ne seront pas plus surpris que ça. Bien sûr, il y a d'énormes progrès à faire sur l'efficacité du travail dans les hôpitaux, et dans les facturations de la "médecine de ville", notamment certaines spécialités, surpayées pour des raisons historiques. Mais le gros des économies est à faire en divisant par deux les méga-marges du secteur pharmaceutique[1].
Dans l'actualité, un projet de rapprochement BAE-EADS. La presse applaudit, les politiques peut-être seront charmés par l'air de flûtiau des "champions mondiaux".
Juste une question : en quoi assembler ces méga-conglomérats industriels pourrait-il rendre la production d'Airbus plus économique ? En quoi cela rendrait-t-il les hélicoptères d'Eurocopter plus fiables ? En quoi cela permettrait-il de concevoir des missiles plus furtifs ?
En revanche, on voit bien ce que ces industriels gagneront à devenir un quasi-monopole européen sur les armements aériens, l'aviation civile et les hélicoptères : ils pourront imposer aux acheteurs les marges qu'ils voudront. Comme de bons vieux labos pharmaceutiques.
Et les acheteurs ainsi rendus dépendants et impuissants, qui est-ce ? Eh oui, encore nous, contribuables européens. Feu Jean-Paul Hébert, et Laurence Nardon, se demandaient en 1999 si l'Europe saurait
éviter la création de grandes firmes en situation de monopole pour chaque type d'armement ? Une telle évolution serait néfaste à la fois pour les performances de la R & D et de la compétitivité européennes, mais aussi pour la marge de manœuvre des différents Etats d'Europe, clients de ces firmes. Le maintien d'une capacité de production forte et inventive en Europe est indispensable pour faire face à la concurrence des entreprises américaines.
Notes
[1] PS 24 septembre : l'eurodéputée Michèle Rivasi avec le même chiffre, 10 milliards à économiser. Et des exemples précis : "Médicaments: 10 milliards d'euros d'économies possibles, selon une députée"
Oui, sous le fallacieux prétexte d'intégrer plus les industriers européennes, on finit par tuer la diversité, donc la liberté.
Sur le projet de fusion EADS / BAE: l'argument principal en faveur de ce rapprochement, en tout cas vu du côté EADS, est le renforcement des activités de Défense au sein d'EADS afin de compenser les cycles de l'aéronautique civile qui peuvent être violents. Par ailleurs BAE est déjà associé dans le secteur des missiles via la société MBDA.
Deux remarques supplémentaires quant à ce projet de fusion:
- on est déjà, en tout cas en France, dans une situation de quasi-monopole dans le secteur de l'aéronautique de défense, sans possibilité de bénéficier de synergies liées à l'export: le Rafale a coûté très cher, mais qui oserait en l'état sortir Dassault de la boucle de futurs avions de combat pour la France?
- F. Brégier, PDG d'Airbus a dirigé préalablement Eurocopter et MBDA. Il est probablement, d'ici 2 ou 3 ans, le futur CEO d'EADS. Et ce qu'il adore par dessus tout, ce sont les fusions industrielles. L'avenir dira s'il a raison ou s'il a tort.
En tout état de cause, le plus gros problème qui se pose est semble t-il celui de l'actionnariat. Dans le cas d'une telle fusion, BAE deviendrait prépondérante au sein du nouveau groupe créé, diluant d'autant les participations de la France et de l'Allemagne.
@ Hervé, JF : merci pour ces remarques. JF, qui est un spécialiste, aura noté à quel point j'ai simplifié les enjeux ! Juste une remarque sur "L'avenir dira s'il a raison ou s'il a tort" : oui à condition de savoir écouter l'avenir. Les comptes des entreprises et leurs bénéfices sont sonnants, trébuchants et entendu ; le coût pour le contribuable, qui règle une grande partie de ces bénéfices (notamment dans le militaire), est trop souvent tu. Si la fusion conduit à permettre à un secteur d'activité de pomper une part accrue des ressources de la nation pour se financer un train de vie encore plus faramineux qu'aujourd'hui… ce ne sera pas forcément un succès de mon point de vue !