Nous étions donc hier, avec Eric, Maryse et Rodia, à la convention nationale des JDem sur l'orientation. Franchement, j'avais peur de m'ennuyer ferme, le sujet étant réputé peu médiatique, et consensuel entre partis, sauf calculs retors…

Eh bien, c'était passionnant. J'ai entendu énormément de témoignages très juste sur ce qui fait l'essentiel de l'éducation : comment elle prépare à la vie adulte ! Et pas un gramme de calcul politicien.

Quelques phrases, sans commentaires - en vous invitant à réagir ! - entendues pendant la première partie de la Convention. On parlait principalement des collèges et lycées.

Un professeur en lycée professionnel :

La plupart des lycéens arrivent en dégoût du collège, les cours en classe, ils n’en veulent pas du tout. Notre premier rôle, c’est de lui redonner confiance en lui.

On a une section plomberie, elle est bondée, par défaut certains qui voulaient faire plombier se retrouvent en électricité, c’est par défaut : ils ne sont pas très motivés !

Une responsable de CIO :

Il y a un problème de capacité d’accueil en milieu professionnel. A fin juin, il y a dans l’Essonne 1500 élèves non affectés.

Maryse Chégut (candidate suppléante à mes côtés sur Argenteuil-Nord) :

Je travaille en mission locale, comme chargée de relations entreprises. J’opère les présélections des jeunes, des candidats. Beaucoup de jeunes au chômage manquent d’autonomie, ils ont besoin d’être aidés dans leurs parcours professionnel ou social – ils peuvent avoir plein d’autres problèmes de santé, de logement. Une fois ces problèmes réglés, je rencontre les jeunes dits « employables », ceux qui ont un projet professionnel bien établi… Souvent, je rencontre des jeunes titulaires de BTS, de Bacs, j’ai tous les métiers, plombier, électricien, secrétaire, aide-soignante… Ils n’ont pas réussi à trouver un emploi dans leur métier, et se découragent. On se plaint du coût de l’orientation, mais ces formations successives, ça coûte très cher ! Que des jeunes, mal accompagnés – par leur famille aussi, se disent « ben non, je vais faire autre chose… », renoncent au métier qu’ils ont appris, c’est un gâchis formidable !

Bien souvent, leur niveau de formation, un niveau BEP/Bac est trop juste, parfois même avec le BTS aussi : s’ils n’ont pas la motivation pour se présenter à l’employeur, si l’employeur ne ressent pas leur envie de travailler, on ne sait pas quoi faire de ces jeunes.

Une conseillère à Pôle Emploi :

Lors du premier entretien d’inscription, on essaie de reconstituer le profil professionnel du demandeur d’emploi. Parfois, des très jeunes, de 18 ans, s’inscrivent un peu par défaut, par désespoir, par manque de conseil de l’environnement familiale, ils ne savent pas trop où aller. Ils vont dans une institution dont on parle beaucoup, ils viennent à Pôle Emploi, avec l’idée qu’on va leur trouver du travail ! Déjà, il faut leur faire abandonner cette idée qui est fausse : on ne va pas leur trouver de travail !

On a (de leur part) beaucoup de demandes de création d’entreprises, souvent illusoires. Souvent, des désirs de changer d’orientation, de métier… Notre intervention va être toujours dans le sens de les renseigner sur le marché du travail. L’état du marché du travail, il est accessible sur internet, par secteur géographique ; c’est un outil mal connu !

Un syndicaliste lycéen

Une conseillère (d’orientation) pour 1500 ou 2000 lycéens, c’est absurde, désolé !

Un enseignant :

Il n’y a pas que la conseillère, il y a le prof aussi. Un lycéen me dit « ça fait 2 ans, la vie dans les chantiers, j’ai un peu de mal », c’est à moi de regarder ! J’ai dit à sa mère « il y a tel ou tel CIO », mais c’est au prof aussi de se renseigner.

Une ancienne enseignante :

Le professeur principal connaît très bien ses élèves, et peut leur parler ! J’ai deux petites-filles en collège ; chacune vient de faire un « carrefour des métiers ». Un carrefour des métiers, ça se prépare ! J’ai eu à en faire, en tant qu’enseignante : on avait des gosses qui n’étaient pas préparés pour nous interroger sur notre travail.

Claude Tibi : (président du MoDem Val d'Oise)

Chef d’entreprise d’une cinquantaine de salariés, je suis passé par cette orientation, CAP, bac F1, BTS… je prends des jeunes en alternance, je suis très content quand un jeune s’intéresse aux métiers techniques ! Les années 68 – j’étais sur les barricades - c’était la mort pour les métiers techniques, parce que la secrétaire gagnait trois fois le prix du travail manuel ! Aujourd’hui, les jeunes qui aiment les métiers techniques, je les garde, parce qu’ils ont une envie. Ce qui a changé, c’est qu’à l’époque, si le prof me sanctionnait et que je me plaignais à mes parents, j’en prenais une deuxième !

Un professeur :

On n’a plus les moyens de la discipline ! Il faut voir quels sont les moyens dont dispose le professeur pour sanctionner l’élève ! Aider l’élève, je suis d’accord, mais ces nouveaux outils que crée l’Education Nationale comme le web-classeur, c’est surtout parce qu’on réduit les postes ! L’orientation c’est une question de moyens, sincèrement !

Un étudiant en commerce international : est-ce que le système d’orientation n’est pas en décalage avec le marché du travail ? Les professeurs sont-ils formés à l’orientation ? A l’heure d’internet, quand on parle d’un métier à une conseillère, on a l’impression d’en savoir plus qu’elle, elle a ses fiches qui datent de 5-10 ans, la formation dont elle parle n’existe plus… ce sont des psychologues, en fait !

La responsable de CIO :

Nous faisons faire des tests d’intelligence, les WISC IV, pour savoir si des élèves doivent être orientés vers des sections comme les SEGPA : nous sommes un peu le pendant des psychologues scolaires, pour le secondaire. On fait des visites d’entreprise, on ne connaît peut-être pas tous les métiers, mais on a de la documentation à jour !

On a quand même à faire avec pas mal de cas psychologiques, des gamins qui vont très mal, qui ont des soucis familiaux… On n’est pas des psychothérapeutes, on ne les suit pas au long terme, mais on accompagne aussi la souffrance des individus, il y a ça aussi et ça contribue à la réussite des élèves.

Dans beaucoup d’établissements, les heures de vie de classe n’existent plus… Les deux heures d’exploration personnelle en Seconde, (dans tel lycée) on les remplace par des heures d’histoire en plus et elles ne sont pas du tout consacrées à l’orientation…

Une ancienne « assistante de lettres classiques ou maîtresse de classes de transition »

Pour quelle raison un gosse en CP qui ne sait pas lire, passe systématiquement en CE1 ? J’ai fait pendant 10 ans des classes de CE1 ; sur les trente de la classe j’en avais une bonne dizaine qui ne savaient pas lire. Comment faire faire des exercices de conjugaison à des jeunes qui ne savent pas lire ?

La responsable de CIO :

Aujourd’hui tous les jeunes veulent faire du commerce, vendre des vêtements de sport… il y a des métiers industriels moins demandés, comme l’électrotechnique.

Dans l’enseignement professionnel, on a droit à 4 vœux, l’affectation se fait sur les notes : ceux qui ont les plus mauvaises notes n’obtiennent aucun de leurs 4 vœux, ils n’auront pas de place, ils seront orientés là où il reste des places, en bâtiment ou en électrotechnique. Même s’ils ont passé tout le collège ou tout le lycée à faire de beaux projets !