Au hasard d'une discussion sur twitter, je redécouvre cette analyse de François Bayrou trente mois avant les dernières élections européennes. Elle me semble d'une grande actualité !
« Pour moi, trois raisons expliquent que les Français aient voté contre le Traité constitutionnel.
D’abord, le texte était illisible, et tous les livres écrits pour le « oui » n’y ont rien fait ; les citoyens ne voulaient pas qu’on leur explique.
D’autre part, en raison de la troisième partie du Traité, les Français ont eu le sentiment qu’on voulait leur imposer un modèle de société où les principes commerciaux étaient placés avant les valeurs morales. Quand les Français parlaient du « plombier polonais », il ne s’agissait pas de xénophobie, mais d’une peur pour l’avenir du modèle social français, de nos standards sociaux.
La décision sur l’adhésion de la Turquie a également pesé : les négociations ont été lancées sans demander leur avis aux Français. Ce non n’est pas transitoire. Les Français y ont pris goût : le 21 avril 2002, le référendum… Aujourd’hui, certains contestent l’euro fort, le rôle de la banque centrale…
Je suis convaincu que l’Europe doit s’occuper des choses importantes, pas de l’accessoire. Les citoyens ont la nostalgie d’une tout autre Europe ; aujourd’hui, ils jugent l’Europe incompréhensible, opaque et technocratique.
L’Europe est en panne, et seul un travail de reconstruction et d’inspiration nouvelle résoudra cette crise profonde. Un autre projet européen doit s’exprimer : une Europe ouverte aux citoyens. Elle le sera d’autant mieux qu’il y aura des gouvernants qui retrouveront cette inspiration. »
C'est bien de reparler de ceci. ça n'a jamais été aussi urgent, mais tout le monde s'en fout parce que il n'y a parait-il rien à faire.
Mais sans vouloir être méchant, maintenant qu'on est en 2013, on peut aller quand même nettement plus loin dans l'analyse non ?
> D’abord, le texte était illisible
Oui, et à qui la faute si le texte était illisible ?
C'est principalement par ignorance que la convention pour l'avenir de l'Europe qui a fait exprès de faire le texte le plus illisible possible parce qu'elle a été assez bête de penser que ça aiderait énormément à faire en sorte que la constitution européenne passe ?
- qu'elle passe malgré l'ignorance crasse des citoyens de la façon dont se prennent les décisions européennes, dues à 30 ans de lâcheté et de mensonge (dont évidemment les propagandistes de type Mélenchon/De Villiers/Marine Le Pen mettent tout leur acharnement à profiter. utiliser la bêtise des autres pour cacher sa propre misère, la ficelle est grosse mais fou celui qui pensait qu'ils n'allaient pas le faire)
- que la constitution passe non seulement les référendums (encore ça c'est la partie facile) nationaux stupides qu'il allait forcément y avoir étant donné le mode de ratification archaique des traités européens. J'ai écrit cet article énervé en 2008, on a progressé depuis ? http://www.taurillon.org/Traite-de-...
- mais encore plus important, que la constitution européenne profondément dans l'esprit des gens (un peu comme la déclaration des droits de l'homme de 1789 n'a jamais été respectée... mais a eu un impact incroyable parce que les gens ont senti profondément que ce qui s'en écartait était le plus souvent scandaleux ?
Personnellement, je pense que le préambule de ce petit texte est d'une intelligence politique rare :
http://www.assemblee-nationale.fr/h...
Sur quel pied de guerre le Modem essaye t-il de se préparer pour les Européennes?
Je me rappelle avoir défendu ce TCE, pourtant réputé illisible. A en devenir presque un expert, trouvant en réponse aux arguments des nonistes (qui bien sûr ne l'avaient pas lu), les réponses dans le texte même . Ce qui était frappant, c'est que les interlocuteurs voyaient le sujet sous un aspect strictement franco-français, quand ce n'était pas l'intérêt unique d'un groupe particulier. Bien sûr, comprendre que le texte du TCE était un compromis entre des intervenants de 24 pays, à l'issue d'un long processus démocratique, semblait au delà des forces ou de la bonne foi des contradicteurs.
Avec le recul, certaines tournures de la troisième partie du Traité - la seule qui était un vrai ajout - auraient dues être changées. La fameuse "concurrence libre et non faussée", chère aux anglais mais aussi à certains pays de l'Est libérés du communisme, est souvent illusoire, comme l'a montré le comportement des banques avant 2008. Il faudrait par exemple maintenant parler de "concurrence juste, équitable et contrôlée". Mais la crise a t-elle permis aux peuples de murir? (pas forcément chez nous, où les salariés des entreprises d'Etat défendent leurs monopoles, parfois plus dans leur propre intérêt que celui des citoyens ...).
L'Europe est en panne, mais seul un élan transfrontalier permettra d'avancer. Il faut donc une société civile plus multi-nationale, y compris au niveau des médias, organismes culturels, syndicats, et finalement partis politiques.
A noter que l'Europe est technocratique, mais qu'il y a parfois de bons technocrates. Quand la commissaire Nellie Kroes décide la limitation puis la fin du roaming téléphonique, elle règle un problème qui concernait les fonctionnaires européens, mais aussi de nombreux citoyens, dans leur travail ou leurs loisirs. De même, l'association des CNIL nationales se bat contre les conditions abusives de Google ou de Facebook. C'est aussi quelque chose qu'il faut faire savoir.
réaction pas sur le fond mais sur la forme politique :
Ce qui m'a toujours étonné chez le Modem, c'est la volonté de se présenter comme un parti super-démocratique et à la fois ce déni du résultat démocratique quand ça ne va pas dans le sens du parti. En l'occurrence le vote sur la constitution bien sûr.
Pas le déni dans le sens de nier le résultat (le résultat en lui-même a été acté, quoi que je me souviens avoir vu a posteriori du référendum une plaquette UDF (ou Modem ?) où on voyait une photo avec plein de panneaux OUI et qui était censée évoquer ce référendum), mais le déni du jeu démocratique puisqu'on continue à dire "les français n'ont pas fait exprès de voter non" (sous-entendu pas fait exprès de mal voter.)
(D'ailleurs, vu l'actualité, c'est exactement le même déni concernant la montée du FN... ça ne présage rien de bon...)
@Fred,
La principale raison du non à ce référendum est qu'il s'est trouvé couplé à l'intégration de nouveaux états.
Francois Mitterrand avait émis des réserves à ce sujet à juste titre.
Certains fédéralistes européens ont mis la charrue avant les bœufs, voui j'ose le dire, et je sais fort bien que cela ne plaira pas à quelques personnes, peu m'importe, ne suis pas connue pour la pratique de la langue de bois.
La montée du FN, ce n'est pas très compliqué, les citoyens s'informent de plus en plus et sont écoeurés par les pratiques et tactiques de certains politiques qui ne reculent devant aucune manœuvre pour parvenir à leur fin et qui tiennent absolument à rester sourd à leur demande.
Le FN n'a aucun programme, son discours ne se base sur aucune proposition tenable mais sur des refus et la nostalgie, sur l'émotionnel pour résumer, je ne suis pas convaincue qu'un programme aussi bien ficelé soit-il pourra résorber cette poussée, car si les électeurs votaient pour un programme raisonné et raisonnable, cela se saurait^^^depuis le nombre d'années.
En l'état actuel croyez-vous que l'ump puisse laisser l'union UDI-MoDem se faire en toute sérénité, pensez-vous cela probable sans qu'il n'y ait quelques chevaux de Troie et coups de poignard? Vous me direz que c'est le jeu politique mais c'est tout simplement ce jeu là dont les citoyens ne veulent plus.
@Jbl
En 2005, les gens avaient répondu assez à côté de la question. Les voix des auto-proclamés "nonistes de gauche" s'étaient mélées à celle des "nonistes souveraineristes" et même parfois à un nationalisme rouge-brun (dirigé par exemple contre les Lituaniens), tout cela sans se poser la moindre question. Différents dirigeants victorieux (Le Pen, Villiers, Mélenchon) demandaient la démission de Chirac, qui n'était pas le sujet.
Alors oui c'est malheureusement démocratique de répondre à côté de la question, même si cela a probablement tué la pratique du référendum pour 20 ans. Mais il faut comprendre que les centristes du Modem, que l'honnêteté intellectuelle conduit parfois à être précautionneux à l'extrême, aient du mal avec ce type de choix démocratique.
@Martine
L'entrée des 9 nouveaux membres, c'était en juillet 2004, soit onze mois avant le référendum. Et c'est un point qui a été mal mis en valeur. Il aurait été pertinent de rappeler tout ce que des nationaux comme la Pologne ou la Tchéquie avaient souffert pendant le communisme, et de combien le but de la construction européenne dépassait le cadre franco-français. Le gouvernement de l'époque, et notamment la parti au pouvoir à l'époque, l'UMP, a très mal soutenu le TCE. Le dirigeant de l'UMP à l'époque était un certain Nicolas Sarkozy, qui déjà conseillé par Patrick Buisson, se préparait a récupérer les voix du FN (ce qui effectivement marcha en avril 2007). D'où son peu d'ardeur européenne en 2005.
Pour l'union UDI-Modem, l'UDI est partagée entre ses objectifs européens, et ses alliances de droite traditionnelles, notamment pour les municipales. C'est inconfortable, mais pour l'instant ils essayent de faire monter la mayonnaise. Résultat des courses en février-mars. Il faut aussi voir si l'UMP se laisse entrainer vers le FN.
@XS,
Je savais tout ca et je pense que si Fred a suivi des débats ayant eu lieu sur un autre blog il y a plusieurs années déjà, il le sait, je ne voulais pas "radoter", merci de votre réponse pour les autres lecteurs.
Résultat en Février-mars, dites-vous, j'aurai plutôt dit en 2017, voyez? J'aimerai beaucoup avoir la mémoire qui flanche mais ce n'est malheureusement pas le cas.
Totalement de l'avis que l'Europe ne s'occupe pas de ce qui est important pour les européens mais se complaît dans l'accessoire et c'est ce qui cause et causera un refus de toutes ses propositions ou traités de la part d'européens qui veulent voir leurs problèmes règlés. NdB : lien à caractère publicitaire retiré.
@gab master case
Bon bon, d'accord d'accord, mais c'est qui précisément l' "Europe" ?
C'est qui exactement cette transcendance qui refuse, comme vous le dites, de régler les vrais problèmes des citoyens européens.
(d'ailleurs, question subsidiaire les citoyens européens, est-ce exactement les gens qui ont voté NON en 2005 ?)
Une fois qu'on saura qui est cette transcendance maléfique ou impotente, on pourra peut-être se demander POURQUOI elle refuse par principe de régler les vrais problèmes et préfère se complaire dans l'accessoire.
Merci (tardif) pour ces commentaires. Ils montrent que le sujet "Europe" reste sensible au moins pour beaucoup d'entre nous !
D'accord avec jbl sur l'importance de reconnaître le résultat du référendum pour ce qu'il est : les Français n'ont pas approuvé le TCE. (Et Nicolas Sarkozy l'a pourtant fait passer, par la voie parlementaire, moyennant la chute du mot "Constitution").
Cela ne prouve pas qu'ils s'opposaient à la construction d'institutions européennes : à mon avis tous ceux qui ont voté "oui" étaient pour, et une bonne partie de ceux qui ont voté "non" (au moins le fameux "non de gauche").
Si le vote avait lieu aujourd'hui, peut-être y aurait-il 70% de non, dont plus de 50% d'anti-institutions européennes. Peut-être, peut-être pas. En tout cas, fin mai 2014, on y verra plus clair, car le vote sur des listes donne des réponses plus détaillées que le vote "oui ou non".