Face à l'afflux de réfugiés, face aux enfants noyés, beaucoup de responsables politiques de droite identifient clairement la cause de ces tragédies : la guerre civile en Syrie et en Irak.

C'est une très bonne chose. La paix et la sécurité dans le monde font partie de nos responsabilités en tant que nation. C'est vrai pour toute nation… et spécialement pour l'un des 5 États membres permanents du Conseil de Sécurité.

Hélas, parler d'envoyer des soldats et ne pas voir au-delà, c'est de l'irresponsabilité et, si ça passe des mots aux faits, ça peut être criminel.

Quand on parle "d'intervention terrestre" au lieu de "faire la guerre" ou de "livrer bataille", quand les mots cachant l'horreur des actes, c'est déjà mauvais signe.

Mais, même si "l'intervention" était facile, avec très peu de "victimes collatérales", que se passerait-il ensuite ? Ceux qui "interviennent" sont responsables des conséquences de leur intervention.

Éliminer la force armée qui tient un territoire a très, très rarement dans l'Histoire, instauré la paix sur ce territoire.

1945 est un des très rares exemples "positifs" (et encore les années 45-49 ont-elles été affreuses pour les Allemands — mais au moins, les camps de concentration étaient fermés, et le terrorisme Werwolf des fanatiques nazis a été heureusement mort-né).

Autre exemple positif, la pacification longue et talentueuse de l'Afrique du Sud après l'affreuse guerre des Boers, notamment avec la création d'une police progressivement mixte et dont l'action semble avoir bien réussi après la cessation des hostilités (1902-1908). Mais c'était la configuration favorable, où le pacificateur du lendemain était aussi le vainqueur de la veille.

En gros, face à Daech, il ne suffit pas d'avoir une stratégie pour tuer des miliciens islamistes ; sans stratégie pour rendre les territoires pacifiques, les habitants administrés, la société politiquement responsables, le remède serait pire que le mal.

La situation de l'Afghanistan avant 2001[1] l'illustre bien : l'ordre taliban, quoique terrible, était de loin meilleur que la guerre civile entre "moudjahidin" qui l'avait précédé.

Et de même en Syrie, les décès de civils du fait du régime Assad semblent bien plus nombreux (de l'ordre de 100 fois ?) que les décès de civils aux mains des rebelles.

Intervenir, soyons-y prêts, mais contre qui et aux côtés de qui ?

Que ce soit, en tout cas, dans l'intérêt de l'humanité, et avec assez de courage pour gérer les implications futures de nos "interventions".


C'est un sujet rebattu sur ce blog, surtout de 2001 à 2005. Par exemple : Est-ce que négocier avec des terroristes peut empêcher des attentats ?

Notes

[1] Après le 11 septembre, le régime taliban est légitimement considéré comme exportateur de terrorisme, ce qui change le point de vue des autres pays, dont le nôtre, sur la situation en Afghanistan.