La croissance est à la mode… et voilà que je retrouve, ce matin, un commentaire que j'avais posté sur le rapport 2010 de la Commission Attali, « Quelle croissance pour la France de 2010 à 2020 ? ». Permettez-moi d'en resservir quelques morceaux qui me semblent avoir bien résisté à deux années de crise.

Ce titre, "Quelle croissance ?" me semble excellent. Il se distingue clairement de toute ambition de « relance » et autres « reprises », dont on constate inévitablement, avec le recul, qu’elles ne consistent qu’à creuser plus profond le trou dans lequel on est enfoncé. C’est aussi vrai pour un pays que pour une entreprise, une association ou un joueur surendettés qui voudraient « se relancer ».

Il s’agit donc de trouver un moteur pour une grande phase de croissance. Dans les années 2002-2008, la pensée unique a voulu nous faire croire à une croissance sans cause, plus exactement à une croissance « tirée par l’innovation financière », dont personne ne pouvait citer de bénéfice tangible. Mais une croissance incompréhensible est une croissance à crédit.

Nous avons eu la croissance par la reconstruction dans les années 45-50 ; la croissance par la modernisation industrielle et les grandes infrastructures da ns les années 50-60 ; la croissance par la libéralisation juridique, la dé-bureaucratisation dans les années 80 (plus tard en France qu’ailleurs) ; une croissance par internet et les réseaux – réduction des coûts, création de sens – dans les années 90. Alors, quelle sera la prochaine grande vague dans les années 2010 ?.

En même temps, avoir donné une borne, 2020, suggère judicieusement l’interrogation « et après ? » : pourvu que cette croissance ne soit pas à rembourser dès 2021 ; pourvu qu’elle ne mange pas ce qui reste de notre patrimoine naturel, humain, culturel.


La Commission veut "recréer l’ambition d’une société qui préserve et conforte ce qui nous est le plus « cher » : l’emploi, la solidarité entre générations, la protection de l’environnement et une gestion plus efficace des ressources naturelles, le dépassement des intérêts particuliers, la volonté de vivre ensemble."

Elle a tout juste, sauf les verbes. C’est précisément cela, « l’emploi, la solidarité entre générations, la protection de l’environnement et une gestion plus efficace des ressources naturelles, le dépassement des intérêts particuliers, la volonté de vivre ensemble », qui constitue la forme de croissance dont nous avons besoin ! C'est cela qu'il faut, non pas "préserver et conforter", mais plutôt créer et développer ! C'est sur cette dynamique, cette capacité de la France à se montrer solidaire, qu'il faut s'appuyer pour que la croissance revienne.


Malheureusement, au lieu de chercher sur quoi construire, la Commission Attali cherche des blocages à détruire. La croissance semble considérée dans le rapport comme une sorte de fatalité externe, associée à un « changement » constamment présenté comme un mal nécessaire ; dont on pourra au mieux espérer qu’il soit « acceptable », c’est-à-dire, qu’il ne soit pas bloqué par la société.

La Commission rêve "d'un chômage structurel ramené à 4,5 % de la population active et des gains de productivité rehaussés à 2,1 % par an, une croissance effective d’au moins 2,5 %". Compter sur les grandes entreprises privées, sur plus de libéralisme au sens de Wall Street ou de Bruxelles, pour produire autant d'emploi, de productivité et de croissance, c'est de la méthode Coué. Depuis 40 ans, nous avons parfois eu de bons gouvernements (Chaban, Barre, Rocard) et des périodes de bonne gestion publique, de gains de productivité, de baisses du chômage. Jamais autant que la Commission Attali n'en espère.

Le taux de croissance français était supérieur d’un point en moyenne, pendant les 30 années d’après-guerre où l’économie était planifiée et régulée, et les finances publiques assez bien gérées (aux guerres coloniales près !), à ce qu’il a été pendant les 30 années suivantes de libéralisation, dérégulation et endettement public.

Cela plaide-t-il pour encore plus de libéralisation, de dérégulation et d'endettement public ?

Ce dont un investisseur potentiel a besoin, c'est d’un Etat géré sainement, respectueux des contrats, d’un environnement juridique stable et impartial.

Un Etat failli, sous la pression constante des créanciers, en recherche permanente d’expédients, est exactement l’inverse.

La priorité doit donc être au redressement des finances publiques. Le rapport écrivait que « dès 2011, le redressement budgétaire doit porter sur 2,2 points de PIB (soit 44 milliards). Un tel ajustement n’a jamais été réalisé par le passé. »


Evidemment, le redressement n'a été commencé ni en 2011, ni en 2012.

Et maintenant ? Le 10 juin, la France fera-t-elle confiance une fois de plus aux joueurs de pipeau étiquetés UMP, PS, FN ou FG ? Ou prendra-t-elle, bulletin de vote en main, le chemin de la croissance ?