La Commission "pour la libération de la croissance française", de Jacques Attali, dont les plus hautes autorités de l'Etat ont redemandé le concours après la crise financière, a remis le 8 juin 2010 un pré-rapport.
Son titre m'a tout de suite plu (ça devient une habitude). Il me semble excellent.
Il se distingue clairement de toute ambition de « relance » et autres « reprises », dont on constate inévitablement, avec le recul, qu’elles ne consistent qu’à creuser plus profond le trou dans lequel on est enfoncé – c’est aussi vrai pour un pays que pour une entreprise, une association ou un joueur surendettés qui voudraient « se relancer ».
Il s’agit donc de trouver un moteur pour une grande phase de croissance, et il s’agit de l’expliciter (en répondant à la question). Cela nous change en bien des années 2002-2008 pendant lesquelles la pensée unique a voulu nous faire croire à une croissance sans cause, plus exactement à une croissance « tirée par l’innovation financière », dont personne ne pouvait citer de bénéfice tangible.
Une croissance incompréhensible est une croissance à crédit.
Nous avons eu la croissance par la reconstruction dans les années 45-50 ; la croissance par la modernisation industrielle et les grandes infrastructures dans les années 50-60 ; la croissance par la libéralisation juridique, la dé-bureaucratisation dans les années 80 (plus tard en France qu’ailleurs) ; une croissance par internet et les réseaux – réduction des coûts, création de sens – dans les années 90. Il y a bien lieu de se demander quelle sera la prochaine grande vague dans les années 2010.
En même temps, avoir donné une borne, 2020, suggère judicieusement l’interrogation « et après ? » : pourvu que cette croissance ne soit pas à rembourser dès 2021 ; pourvu qu’elle ne mange pas ce qui reste de notre patrimoine naturel, humain, culturel.
Malheureusement, dès la première page de la synthèse, et plus nettement encore à la 2ème page, la Commission prend le chemin inverse. Au lieu de chercher sur quoi construire, elle cherche des blocages à détruire.
À part les actions collectives de consommateurs, je n'ai pas vu grand chose qui soit susceptible de libérer la croissance. C'est du travail d'archiviste des débats des années 80, 90 pour être aimable.
Depuis toutes ces considérations, il y a eu internet et l'iPhone, le 11 septembre et l'Irak/Afghanistan, le bio et les AMAP, la lutte contre l'effet de serre, la mondialisation financière et l'explosion des produits dérivés... et plein d'autres choses dont le rapport ne parle nulle part. Alors que la libération de la croissance se situe plutôt par là-bas, amha.
J'ai délayé ma déception dans ce PDF (Attali_2_10-24jun10.pdf) - le débat est bienvenu : j'ai sans doute lu en diagonale et peut-être été injuste sur certains points. À discuter donc.
Malheureusement pas eu le temps de lire tout ton PDF mais je vais revenir.
Juste une réflexion sur le fait que les syndicats me semblent à moi aussi beaucoup trop "aidés" financièrement. Lorsqu'il y a une dépendance de cette sorte, c'est finalement difficile de s'exprimer haut et fort et d'être entièrement crédible.
La manipulation a encore de beaux jours devant elle...
Je crains aussi que les réactions des syndicats sur la réforme des retraites ne soient très fortement influencées par le fait que certaines personnes puissent en tenir certaines autres par les ... .
Ou en langage plus châtié :
"La question de la transparence des financements de la vie syndicale est une question centrale. Tout le monde sait, et tout le monde répète à l’envi que l’organisation de deux domaines majeurs de la vie de la nation, sa sécurité sociale et son système de formation continue, est entièrement irréformable, entièrement obérée, par le partage prononcé il y a plus d’un demi-siècle. Tout le monde dit avec un air entendu, en se poussant du coude, qu’il est fort dangereux d’aborder ces questions. Et tout le monde dit « vous savez bien pourquoi… »
« Vous savez bien pourquoi… », je vais le traduire en Français : parce que le financement des grandes centrales syndicales, laisse-t-on entendre, et leurs emplois, comprenez leurs emplois fictifs, dépend de leur mainmise sur les organisations qui sont censées régir les deux grands domaines en question. C’est pourquoi, il ne pourra y avoir de légitimité indiscutable que quand cette question du financement de la vie syndicale aura été traitée. Il ne peut y avoir autonomie que s’il n’y a pas de soupçons, pas de doutes sur l’équilibre interne et la transparence de ces grands systèmes de représentation que sont les syndicats." - fin de citation