A l'heure où la patronne du MEDEF se distingue du Ministre de l'Intérieur, retour sur l'interpellation de L'Hérétique, adressée à ma pomme et à quelques autres :

Yann et Steph, deux blogueurs de gauche, s'inquiètent : et si Nicolas Sarkozy était interchangeable ? Si son accession au pouvoir ne provenait pas de sa seule personnalité mais d'une pensée concertée pour occuper en permanence, droite ou gauche, les places qui assurent à une oligarchie de préserver ses avantages.

Je me défie des thèses complotistes. Mais, force est de constater qu'il y a parfois motif à inquiétude. Yann vient de lire le Président des riches. Et il a eu des sueurs froides. Je l'engage à lire Abus de pouvoir de François Bayrou : il va en avoir d'autres.

Des réseaux, il y en a en France (…). Cela ne me gêne pas : en bon disciple de Montesquieu (…).

Je suis beaucoup plus réservé, en revanche, quand je constate qu'un de ces réseaux se donne pour objectifs de réunir les puissants de notre pays, d'où qu'ils viennent, et de discuter de sa gouvernance. (…) Je crois qu'il serait édifiant pour mes deux blogueurs de consulter la liste des individus qui fréquentent le Siècle. (…) Parmi les membres du Siècle, il y a des hommes et des femmes très estimables, mais, comme le dit Bayrou, on ne pense plus rien quand l'on pense tous la même chose. (…)

On dit parfois que Bayrou est seul. Moi, je l'ai choisi pour ça. Parce que ce n'est pas un homme de réseaux, et qu'il ne leur doit rien. Absolument rien. Il n'aura pas de comptes à rendre aux oligarques de tout poil, lui. (…)

Je perçois le projet du MoDem, appelant sociaux-démocrates, libéraux, écologistes, et même gaullistes à faire front commun, comme un contre-projet face à cette globalisation, face aux oligarchies.

Mon point de vue sur cette forme de complotisme étato-séculaire.

Les Pinçon-Charlot, interrogés sur "qui les riches poussent-ils actuellement", expliquaient, l'an dernier déjà, que face à un échec annoncé de Nicolas Sarkozy, les riches cherchent une solution de rechange qui pourrait être à gauche :

Dominique Strauss-Kahn, qui est né à Neuilly, appartient aux mêmes réseaux, ceux-ci ne cessent de s'entrecroiser. Avant de prendre la tête de France Télécom, Stéphane Richard fut directeur de cabinet de Christine Lagarde. Et avant cela encore, en 1991, conseiller de DSK quand celui-ci était ministre de l'Economie et des Finances…

Ceci dit, je me méfie des théories du complot. Quoi que l'on essaye de s'embobiner mutuellement dans les arrière-couloirs, ce sont les électeurs qui votent à la fin, et les riches ne pèsent pas lourd dans l'électorat.

Je me méfie plutôt des phénomènes d'auto-intoxication collective, assez fréquents dans des milieux fermés ; et le tout-Paris est un milieu très fermé, pour ce que j'en perçois… de l'extérieur. Très fermé, mais qui inclut les leaders d'opinion des médias, ce qui est particulièrement nuisible à leur équilibre et à leur relation au réel. Jean-Marie Domenach avait déjà décrit cette…

mentalité particulière, une sorte de provincialisme élitaire, parfois arrogant, qui favorise ententes occultes et camarillas. Cercles refermés sur eux-mêmes, qui privent la vie nationale, politique, culturelle, médiatique, de cette indépendance et de cette redondance nécessaires au dialogue et aux décisions, que permet à l'Italie, à l'Allemagne, sans parler des Etats-Unis, la pluralité des villes capitales.

Qu'il y ait des clubs ou lieux où se rencontrent des "puissants" de tous partis est plutôt une bonne chose qu'une mauvaise amha : le cloisonnement serait pire. Le risque, c'est que dans ces lieux se forge une "pensée unique" qui s'impose ensuite, via les médias, aux décideurs, aux candidats et aux électeurs.

La contre-mesure, c'est la diversité. Le meilleur symbole de la campagne 2007 me semble avoir été celui du tracteur (alors même qu'il n'avait pas été prévu, ni organisé, ni souhaité, mais plutôt découragé, par le staff parisien de la campagne). Le tracteur exprimait bien l'idée d'une France laborieuse, les deux pieds (ou les 4 roues) sur terre, qui marche (ou roule) vers Paris et veut imposer sa puissance aux châteaux de cartes en place. J'espère que le tracteur ira en 2012 jusqu'à l'Elysée.

A propos, donc, de 2012, et des différentes candidatures possibles.

La gauche mouvementiste et populiste sait gronder, mais pas gouverner ; pour cela elle s'en remet habituellement à sa frange affairiste, dite "gauche radis" - ce ne sont pas de vrais libéraux de gauche ; plutôt des spécialistes des coups tordus entre secteur public ou para-public, et secteur privé : ces coups qui permettent de dégager de grosses marges et de grosses commissions sur le dos du contribuable. Et je me dis qu'entre des candidats "radis", et des candidats orange à l'extérieur comme à l'intérieur, une opinion qui voudrait le changement devrait préférer l'orange.