M. le Ministre Le Drian est venu sur le campus de Polytechnique ce samedi annoncer — si j'ai bien compris — l'intention de reprendre les propositions de Bernard Attali[1]. Certaines me sentent intéressantes, mais le propos ministériel sent le formol énarchique :
(l'École) suscite une réelle fierté. Elle rencontre aussi, il faut le reconnaître, des critiques, dont certaines sont justes et d'autres disproportionnées
Et à propos de disproportion, l'idée serait de créer un gros machin avec l'X, Centrale et les autres écoles d'ingénieur. Histoire que ça se voie mieux depuis Shanghaï.
La manie des regroupements et des gros machins est sans doute une obsession de Ministre… mais quand on étudie, on n'est pas 20000 par classe !
Les PME françaises comme Criteo ou Withings se sont montrées plus réactives, innovantes, et branchées sur le monde, que bien des "gros machins" sclérosés et nombrilistes qui rouillent sur pied, façon Areva ou Peugeot-Citroën[2].
De même dans l'éducation avec l'ENSCI ou 42.
Nous avons avec l'X une PME de l'éducation qui a su depuis 2 siècles rester à un bon niveau, en particulier en s'ouvrant à la recherche depuis le début des années 70.
Sans doute a-t-elle besoin d'un grand coup de jeune.
Mais certainement pas d'être fusionnée, dénoyautée ou délayée !
(''commentaires fermés sur ce billet qui, j'ignore pourquoi, servait d'appeau à spams. La lettre X ? )
Je suis bien d'accord avec toi. De toute façon ne nous étonnons pas qu'un ministre socialiste soit froissé par le fait que la meilleure école française soit militaire...
Bref, moi je connais en tout cas le regroupement "Paris Tech" (les Arts et Métiers en font partie) qui a l'air de plutôt bien fonctionner. Cela me semble une bonne formule, justement parce que ça ne devient pas un "gros machin" mais que c'est simplement une marque facile à vendre à l'international et qu'elle respecte le côté PME de nos écoles. D'ailleurs je regarde sur le net et l'X en fait partie, je pense que c'est amplement suffisant. Pour autant, je suis incapable de dire quelle est la "matrice commune" aux écoles qui en font partie.
j'en profite pour aller faire un tour sur le site de Paris tech et me rend compte que l'X et HEC sont les seules écoles à ne pas avoir ajouté la mention "Paris Tech" dans leur logo... Des résistants aux envahisseurs ces X ! Mais surtout cela montre peut-être une peur - à mon avis déraisonnable - d'une dégradation de leur réputation par le rapprochement avec des écoles moins cotées...
D'accord avec JBL. D'un autre côté, les plus grandes écoles d'applications de l'X : Mines, Ponts, ENSTA, ENSAE sont Paris Tech. Donc, bien intégré, ParisTech n'abimerait pas le logo de l'X.
La question est plutôt : Que se passe t-il sur le Plateau de Saclay, et quelle est la place de l'X dans ce mouvement?
Les grandes écoles parisiennes sont en train de se déplacer dans cette zone. A 3km à l'Ouest de l'X, Centrale est en train de fusionner avec Supelec (même si l'info n'est plus à jour http://www.ecp.fr/home/Centrale_Par... ).
Sur le Plateau, l'idée était aussi celui du technopole (ou cluster) où les grandes entreprises, PME, centre de recherches, universités et grandes écoles pourraient collaborer de manière approfondie. Quand je vois la difficulté que j'ai pour obtenir une connexion fibre optique pour mon employeur (PME située en face de la CAPS) à un tarif raisonnable, j'ai des doutes.
Plus généralement, en France, les universités se méfient des grandes écoles et des entreprises (capitalistes), les grandes écoles se méfient des autres, sauf si elle y ont des anciens, etc. Il y a des freins culturels à vaincre. Est-ce de l'iconomie?
La conception et l'optimisation du Plateau pourrait donner lieu à des beaux projets pluridisciplinaires.
Et l'X dans tout cela? Sa particularité n'est pas d'être une PME, c'est surtout d'attirer l'élite de l'élite grâce ... au statut remunéré d'élève fonctionnaire. L'élève devient militaire à son corps défendant souvent, mais en garde certaines valeurs, telles le goût de l'effort physique, ou de l'engagement en général.
L'X est diplomé à Bac+5 , mais a encore des études à faire, et va de plus en plus embrayer sur un PhD.
Sans doute, il faut garder ce concept d'ingénieur-fonctionnaire de haut niveau, au service de l'Etat, de centres de recherches, et de grandes entreprises françaises opérant dans des secteurs stratégiques (l'armement, mais aussi le numérique ou l'agro-alimentaire).
Donc à mon avis, l'X peut rester ce qu'elle est, en clarifiant son modèle (dont le remboursement de la pantoufle) . Les 3 à 6 ans passés par les X sur le Plateau devraient aussi leur permettre de s'ouvrir vers autre chose, tout en gardant leur particularité.
Je vois que tu défends ta paroisse et tu as raison.
Certes, je suis incapable de comparer les hautes écoles entre elles étant moi même BAC - 2 (oui c'est bien - et pas +)
Mais quand je lis tes billets sur ce blog tant sur le fond que sur la forme,
que j'entends le niveau élevé de tes interventions au Conseil Municipal,
que j'écoute par exemple les déclarations de N.K.M (une de tes consoeurs) par rapport à celles d'autres ténors des Républicains, anciens ministres ou élus généralement tous sortis de l'E.N.A, et même si je ne suis toujours pas d'accord avec elle sur les idées,
je considère que vous les X comme le précise XS, vous êtes l'élite de l'élite
Et notre pays a aussi besoin d'une élite et non pas seulement de hauts fonctionnaires tous fabriqués dans le même moule.
Plus généralement, notre pays doit maintenir la qualité et la réputation de ses grandes écoles d'ingénieurs et/ou de ses universités.
L'innovation créatrice d'emplois est à ce prix.
j'ajouterais quelques points à tes arguments :
1. avec l'X et les grands corps en général, l'idée était, me semble-t-il, que l’État se dote de compétences propres (d'où neutralité et loyauté) et de personnalités fortes. Avec l'idée d'une sélection par entretien oral ("comme ça se pratique dans le privé", formule risible), le risque est de donner une prime à la docilité précoce.
2. supprimer l'accès par les classes prépas va dans le même sens : moins de technicité (pour plus de docilité ?)
3. plus généralement, le rapport plaide pour une banalisation, et s'ajoute à une longue liste de sujets où la France est sommée de s'aligner sur la norme (américaine).
une réforme plus intelligente, ou moins dogmatique, pourrait consister à créer un grand corps dédié au logiciel, si ça pouvait éviter les catastrophes de type Louvois...
Merci à tout ;
@ jbl : tout à fait d'accord. Au passage, ton commentaire m'apprend que HEC est dans Paris Tech aux côtés des écoles de "Tech", je me demander bien pourquoi… si ce n'est pour le principe de rejoindre un "gros machin" valorisé par le pouvoir et la mode ?
@ XS : tout à fait d'accord (aussi et logiquement !). Le cas de la pantoufle était un scandale, réglé en principe par un décret il y a trois semaines http://www.lemonde.fr/education/art... Pour Saclay, je me demande encore quels facteurs de succès l'État croit avoir réuni aujourd'hui/ Décréter que vivra, en plein désert, le creuset écosystémique que la Silicon Valley a mis plus de quarante ans à constituer, ça me semble relever de la déraison, de l'ubris. De Gaulle et Pompidou avaient déjà raté la même opération sur le même site. Y a-t-il assez d'avantages à sortir de Paris, pour contrebalancer les avantages de Paris, qui, elle, EST un écosystème d'innovation ? (http://plateaudesaclay.lesdemocrate... )
@ Bernard : hélas la notion "d'élite" me donne des boutons. Ou alors il faut préciser qu'il y en a autant que de critères ou de points de vue. Et à ce moment-là je suis entièrement d'accord avec toi : c'est de diversité que la France a besoin pour réussir dans le monde d'aujourd'hui. D'une alliance de créativité et d'exigence. Boulle plutôt que Colbert. Et l'X est en phase avec ça.
@ edgar : le plus amusant est que l'oral de l'X joue précisément ce rôle de prime à la docilité. En tout cas, il le jouait au XIXème siècle, selon certains récits sur l'échec d'Évariste Galois ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Évari... ). Et en 1984 j'avais pu ressentir l'écart entre les oraux de l'X et de Normale Sup — je garde un grand souvenir de celui-ci, et aucun souvenir, en fait, des oraux (POX-GOX) de Polytechnique. Pour préciser les raisons de mon bon souvenir : l'oral de Maths I de Normale s'est étiré sur environ une heure, pendant laquelle j'ai essayé et réessayé de convaincre l'examinateur de la piste de solution que j'avais trouvée. En fin de compte, c'est lui qui a trouvé pourquoi mon idée échouait. Et il m'a mis 20. Quand on parle aujourd'hui d'innovation, de droit à l'échec, d'esprit d'entreprise tout ça… il me semble que l'oral de Normale en donnait un meilleur avant-goût, que celui de l'X.
Sur les prépas, je suis indigné du passéisme de leur programme : deux années de "sciences" sans un gramme d'informatique ! (à moins que l'on appelle "informatique" le fait de programmer des formules de maths sous MatLab ou R). Autant faire deux années de cueillette pour apprendre l'agriculture. Elles constituent tout de même un atout pour la formation française, c'est l'équivalent de deux ans de "stage commando en sciences", ça donne un rythme mental et une capacité à affronter les difficultés intellectuelles, dont j'ignore comment les obtenir autrement.
Sur tes idées de grand corps d'État, oui, ça mérite réflexion. Plus largement, la figure même de "l'ingénieur" à la française, l'importance donnée en France à la conception de systèmes, sont un héritage précieux de ce modèle des ingénieurs d'État. Le succès, à travers le monde, de nos grandes sociétés d'ingénierie, repose essentiellement, je pense, sur ce modèle professionnel de "l'ingénieur". À conserver donc, plutôt que de le diluer dans le "modèle" américain où, en caricature, le businessman a presque toujours le dernier mot sur le scientifique.